Dyscalculie précoce


University of Missouri, États-Unis
, Éd. rév.

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Introduction

La dyscalculie réfère à une difficulté persistante à apprendre ou comprendre les mathématiques. Chez les enfants, elle se manifeste par un apprentissage lent des concepts liés aux nombres et de l’arithmétique de base. Les problèmes principaux pouvant laisser présager un risque de difficultés à long terme en mathématiques sont, au cours des années préscolaires, l’apprentissage retardé de la magnitude des chiffres arabes et des mots qui désignent les nombres (p. ex., leur valeur cardinale) et, dans les premières années du primaire, une piètre compréhension des relations entre les nombres (par ex., 17 = 10 et 7) et une difficulté à stocker des opérations arithmétiques simples dans la mémoire à long terme.1 Comme ces connaissances de base constituent les fondements d’autres domaines des mathématiques, la difficulté à les assimiler retarde les enfants dans leurs apprentissages ultérieurs et fait en sorte qu’il est difficile pour eux de rattraper leurs pairs. Heureusement, des chercheurs commencent à développer et tester des interventions pour prévenir ou limiter ces déficits précoces.2,3

Sujet : La dyscalculie est-elle courante?

De 3 à 8 % des enfants d’âge scolaire manifestent d’année en année des difficultés persistantes et sévères en mathématiques en général ou dans l’apprentissage de certains aspects des nombres et de l’arithmétique.4,5 Les études sur le sujet révèlent que ce déficit d’apprentissage, ou dyscalculie, n’est que peu relié à l’intelligence ou à la motivation; en fait, plusieurs des enfants touchés ont de la difficulté à garder un élément en tête tout en faisant autre chose, c’est-à-dire qu’ils ont des déficits de mémoire de travail. 

La découverte selon laquelle de 3 à 8 % des enfants manifestent une dyscalculie est trompeuse à certains égards. D’une part, les seuils établis sont artificiels car la compétence en mathématiques varie sur un continuum et les enfants identifiés comme dyscalculiques se situent simplement du côté le plus faible de ce continuum; les seuils diagnostiques pourraient être placés plus haut ou plus bas. D’autre part, beaucoup de ces enfants ont des faiblesses spécifiques en ce qui a trait à un ou plusieurs aspects des mathématiques (par ex., mémoriser des opérations arithmétiques de base), mais leur niveau est égal ou supérieur à celui de leurs pairs dans d’autres (par ex., comprendre les concepts liés aux nombres). Environ la moitié des enfants touchés présentent aussi du retard ou des difficultés dans leur apprentissage de la lecture et beaucoup d’entre eux ont un déficit d’attention.6

Problèmes : Quelles sont les caractéristiques courantes de la dyscalculie?

Au cours des années préscolaires, les enfants à risque de difficultés persistantes en mathématiques présentent un retard dans leur compréhension des chiffres arabes et de la signification des mots qui désignent les nombres. 

Au primaire, plusieurs enfants dyscalculiques ont des difficultés à mémoriser à long terme des opérations de base. Ils peuvent apprendre et se rappeler que 5 x 2 = 10 une journée, mais l’avoir oublié le lendemain ou fournir une réponse reliée mais erronée (par ex., 7, confondant 5 + 2 et 5 x 2). 

Contexte de la recherche et résultats récents

Nombre

Comme mentionné précédemment, les enfants d’âge préscolaire qui comprennent plus difficilement la signification des chiffres arabes et des mots désignant les nombres (par ex., le fait que quatre et 4 représentent une collection de quatre articles) sont plus à risque que les autres de faible performance en mathématiques à long terme. En effet, ces notions de base forment le fondement des apprentissages ultérieurs en mathématiques et les retards précoces dans leur assimilation peuvent ainsi entraîner des retards plus étendus dans la compréhension des relations entre les nombres, comme le fait que 25 est composé de 2 dix et de 5 un. Ces retards peuvent à leur tour influencer l’apprentissage de l’arithmétique.7 

Arithmétique

Les compétences de base en arithmétique ont été étudiées en profondeur chez les enfants qui souffrent de dyscalculie.8,9 Ces études, qui ont examiné les stratégies de résolution de problèmes arithmétiques simples chez les enfants, comme compter sur les doigts ou mémoriser la réponse pour déterminer « 4 + 5 = ? », ont révélé plusieurs modèles très répétitifs.

Premièrement, plusieurs enfants souffrant de dyscalculie éprouvent des difficultés à mémoriser le résultat d’opérations arithmétiques simples, comme la réponse à 5 + 3.1 Ce n’est pas que ces enfants ne se souviennent d’aucune opération arithmétique, mais plutôt qu’ils n’en retiennent pas autant que les autres et qu’ils semblent les oublier assez rapidement.

Deuxièmement, plusieurs de ces enfants utilisent des stratégies de résolution de problèmes immatures. Par exemple, ils comptent sur leurs doigts pour résoudre des opérations arithmétiques pendant plus d’années que les autres et ils se trompent plus souvent en comptant. Plusieurs de ces enfants rattrapent les autres en ce qui concerne les stratégies de résolution de problèmes, mais la mémorisation d’opérations est un problème plus persistant.8

Questions clés pour la recherche : développement socio-affectif

C’est un domaine dans lequel il y a très peu de recherche. Cependant, nous comprenons désormais que l’anxiété face aux mathématiques peut conduire à des erreurs, parce que les inquiétudes relatives à la performance peuvent s’imposer à la conscience et perturber le fonctionnement de la mémoire de travail, nécessaire à la résolution de problèmes mathématiques.10 Bien que l’anxiété relative aux mathématiques ne surgisse normalement pas avant que n’apparaissent des retards dans la compréhension des nombres, la dyscalculie est très susceptible d’entraîner de la frustration, de l’évitement et potentiellement un excès d’anxiété quand vient le temps de résoudre des problèmes mathématiques. Cette anxiété s’ajoute au déficit cognitif sous-jacent et rendra presque certainement l’apprentissage des mathématiques encore plus difficile.

Conclusions

De 3 à 8 % des enfants d’âge scolaire manifesteront des signes de dyscalculie. Les signes précoces de cette déficience sont une faible compréhension de la magnitude des nombres (par ex., 8 < 9) et l’utilisation de stratégies immatures lors de la résolution de problèmes arithmétiques. Un des problèmes les plus courants à long terme est la difficulté à mémoriser des opérations arithmétiques de base (par exemple, 4+2= 6). Les enfants touchés sont à risque de développer de l’anxiété relative aux mathématiques, ce qui entraînera un évitement de cette matière et rendra l’acquisition de compétences de base dans ce domaine encore plus difficile.

Implications : que faire à partir de ces constats?

Il y a beaucoup à faire dans ce domaine pour ce qui est de la recherche de base, de l’évaluation et du diagnostic et bien entendu, de la remédiation, mais des avancées importantes ont toutefois été faites récemment. 

Recherche de base

Les avancées récentes nous ont permis de mieux comprendre les compétences précoces qui jettent les fondements de l’apprentissage des mathématiques à l’école. Actuellement, il semble que la clé pour les enfants de 3 à 4 ans soit d’apprendre la séquence de comptage standard (un, deux, trois…) et les chiffres de base (1, 2, 3…) et, de façon encore plus importante, d’arriver à comprendre les valeurs cardinales qu’ils représentent (par ex., que 3 et trois représentent tout ensemble de trois). À l’entrée en première année, les enfants doivent avoir une compréhension bien établie des nombres et des relations entre eux (par ex., 6=5+1= 4+2= 3+3…). Les enfants qui prennent du retard dans l’apprentissage des nombres et de l’arithmétique de base sont plus à risque de traîner ce retard en mathématiques et de rester derrière leurs pairs tout au long de leur scolarisation. 

Malgré le progrès permis par ces avancées, nous avons besoin d’en savoir plus sur la génétique de la dyscalculie et les facteurs neurologiques et cognitifs très précoces qui pourraient contribuer aux retards dans l’apprentissage des nombres et de l’arithmétique. Nous avons aussi besoin de mieux comprendre la cooccurrence des problèmes en mathématiques et en lecture et leur lien possible avec l’anxiété relative aux mathématiques et l’évitement de l’école.

Diagnostic et remédiation

Généralement, les enfants qui performent sous le 25e centile pendant deux années consécutives ou plus lors de tests standardisés de compétences en mathématiques sont à risque de faible performance en mathématiques à long terme, même s’ils ne présentent pas les déficits cognitifs sous-jacents qui contribuent à la dyscalculie (par ex., mémorisation limitée des opérations de base); un enseignement inadéquat ou une faible motivation peuvent contribuer à la performance sous la moyenne de plusieurs de ces enfants. Les enfants qui performent chroniquement sous le 10e centile, année après année, soit environ 3 à 8 % des enfants, souffrent probablement de dyscalculie. Ces enfants finissent par apprendre les nombres et l’arithmétique, ainsi que d’autres aspects des mathématiques, mais ils tendent à rester derrière leurs pairs dans ce domaine. Les Drs Fuchs et Menon travaillent sur le développement d’interventions pour ces enfants et tentent de mieux comprendre les systèmes cérébraux qui contribuent à leur apprentissage ralenti des mathématiques.2,3  

Fonctionnement socio-affectif

En plus de remédier aux déficits cognitifs associés à la dyscalculie, il faut traiter l’anxiété et l’évitement des mathématiques qui peuvent en résulter. Si l’on ne prête pas attention à la frustration et à l’anxiété pouvant être associées à la dyscalculie, on court le risque d’exacerber les problèmes à long terme en mathématiques.

Références

  1. Geary DC. Mathematics and learning disabilities. Journal of Learning Disabilities 2004;37(1):4-15.
  2. Fuchs LS, Geary DC, Compton DL, Fuchs D, Schatschneider C, Hamlett CL, Deselms J, Seethaler PM, Wilson J, Craddock CF, Bryant JD, Luther K, Changas P. Effects of first-grade number knowledge tutoring with contrasting forms of practice. Journal of Educational Psychology 2013; 105, 58-77.
  3. Jolles D, Supekar K, Richardson J, Tenison C, Ashkenazi S, Rosenberg-Lee M, Fuchs L, Menon V. Reconfiguration of parietal circuits with cognitive tutoring in elementary school children. Cortex 2016;83:231-45. 
  4. Badian NA. Dyscalculia and nonverbal disorders of learning. In: Myklebust HR, ed. Progress in learning disabilities Vol 5. New York, NY: Grune & Stratton; 1983:235-264.
  5. Kosc L. Developmental dyscalculia. Journal of Learning Disabilities 1974;7(3):164-177.
  6. Shalev RS, Manor O, Gross-Tsur V. The acquisition of arithmetic in normal children: Assessment by a cognitive model of dyscalculia. Developmental Medicine and Child Neurology 1993;35(7):593-601.
  7. Geary DC, vanMarle K. Young children’s core symbolic and non-symbolic quantitative knowledge in the prediction of later mathematics achievement. Developmental Psychology 2016; 52, 2130-2144.
  8. Geary DC, Hoard MK, Nugent L, Bailey DH. Mathematical cognition deficits in children with learning disabilities and persistent low achievement: A five year prospective study. Journal of Educational Psychology 2014; 104, 206–223.
  9. Jordan NC, Hanich LB, Kaplan D. Arithmetic fact mastery in young children: A longitudinal investigation. Journal of Experimental Child Psychology 2003;85(2):103-119.
  10. Moore AM, McAuley AJ, Allred GA, Ashcraft MH. Mathematics anxiety, working memory, and mathematical performance. In Chinn S, ed. The Routledge International Handbook of Dyscalculia and Mathematical Learning Difficulties. NY Routledge; 2014: 326-336.

Pour citer cet article :

Geary DC. Dyscalculie précoce. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/troubles-dapprentissage/selon-experts/dyscalculie-precoce. Actualisé : Février 2017. Consulté le 9 décembre 2024.

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