[Archivé] Effets de l’intervention précoce sur le développement social et affectif des jeunes enfants autistes


University of California at Santa Barbara, États-Unis

Version PDF

Introduction

L’autisme est un trouble grave du développement de plus en plus courant qui affecte trois domaines majeurs du développement : la communication, la socialisation et le comportement/jeu. Les problèmes sont variables d’un enfant à l’autre et peuvent dépendre fortement de l’âge auquel débute l’intervention, puisque les enfants qui bénéficient d’une intervention à l’âge de trois ans ou avant obtiennent des résultats considérablement meilleurs que les autres.1,2,3

Sujet

Une documentation de plus en plus importante suggère que l’intervention intensive précoce peut grandement améliorer les résultats des enfants autistes. Les études sur les effets des interventions à orientation comportementale destinées aux enfants autistes d’âge préscolaire ont documenté des effets positifs à court et à long terme.1,4-9 Ces résultats indiquent une correction partielle ou presque complète des symptômes1,6,7,10-13 (les chiffres les plus optimistes laissent entendre une guérison complète d’environ 50 % après une intervention intensive précoce), et des progrès parfois définis comme des gains en terme des résultats obtenus à des tests standardisés entre les prétests et les post-tests et parfois en terme de résultats comportementaux. De plus, bien que les premières estimations suggèrent que seulement la moitié des enfants apprennent à utiliser un discours fonctionnel,14 des estimations plus récentes basées sur des enfants qui ont participé à des interventions précoces indiquent qu’au moins 85 à 90 % des enfants autistes peuvent apprendre à utiliser un discours fonctionnel si l’intervention commence pendant les années préscolaires.15-17

Problèmes

Les difficultés en matière d’interactions sociales réciproques sont au cœur du trouble de l’autisme et constituent donc un objectif important de l’intervention précoce. Cependant, comme la plupart des interventions sont axées sur les interactions enfant-adulte, à ce jour, relativement peu d’études se sont concentrées sur l’amélioration des compétences sociales dans les groupes de pairs et avec la fratrie.18

Le deuxième problème qui apparaît dans la documentation est que les indicateurs de résultats de l’intervention précoce doivent mieux refléter le fonctionnement réel de l’enfant dans son environnement naturel. Certaines études ont uniquement inclus des changements en matière de résultats de QI et de placements postintervention, mais elles auraient plus de valeur si elles comprenaient des indicateurs de résultats au plan social et comportemental.19

Enfin, à ce jour, relativement peu d’études sur les effets de l’intervention précoce qui comprenaient des enfants de moins de trois ans ont été publiées, puisque c’est seulement récemment que les intervenants diagnostiquent plus couramment l’autisme avant l’âge de trois ans.

Contexte de la recherche

Les effets de l’intervention précoce sont généralement étudiés à l’aide de devis de recherche à sujet unique. Jusqu’à présent, peu d’études comprenant des groupes témoins ont été publiées. Récemment, certaines études qui suivent les enfants pendant de longues périodes ont décrit leurs trajectoires développementales à la  base de référence et pendant l’intervention, permettant ainsi de fournir des informations supplémentaires pertinentes.22,23

Questions clés pour la recherche

Une des questions clés qui ressort de la documentation a trait à l’identification des caractéristiques de l’enfant qui prédisent non seulement les résultats, mais le type d’intervention le plus approprié pour un enfant donné.24 De la même façon, certains chercheurs commencent à établir les caractéristiques ou les habiletés parentales qui peuvent être les plus propices au progrès de l’enfant.25 Enfin, comme de plus en plus d’enfants sont intégrés dans des programmes d’éducation préscolaire, les chercheurs commencent à définir les comportements cibles d’intervention précoce qui reflètent le fonctionnement de l’enfant en milieu scolaire favorisant l’intégration et à comparer ces comportements à ceux des pairs qui se développent normalement dans des milieux scolaires similaires.6,20

Récents résultats de recherche

Les caractéristiques des enfants les plus fréquemment étudiées pour ce qui est des résultats sont l’âge et le QI de l’enfant au moment de l’admission au programme. Ces études suggèrent qu’un plus jeune âge et un QI plus élevé au début de l’intervention seraient des prédicteurs de meilleurs résultats.26,2

Plus récemment, le niveau d’évitement social de l’enfant envers ses pairs (c’est-à-dire la fréquence à laquelle l’enfant évite activement d’être près de ses pairs) a été identifié comme prédicteur notable de résultat de l’intervention pour ce qui est de l’utilisation du langage et de l’évitement des pairs après six mois d’intervention.27

D’autres études ont montré des associations importantes entre les comportements d’attention conjointe des enfants (comme l’alternance de la fixation du regard et le pointage du doigt) et le développement ultérieur du langage expressif.28

Enfin, Koegel et ses collègues29 ont démontré que les initiations des enfants (définies comme le fait de commencer une nouvelle interaction ou de changer la direction d’une interaction) au moment de l’admission au programme prédisaient de très bons résultats de traitement.

Fait intéressant, ces trois derniers comportements cibles, évitement des pairs, attention conjointe et initiation pouvaient être considérés très similaires en nature. De telles études peuvent aider à déterminer des comportements cibles d’intervention importants et même essentiels.

La documentation actuelle commence aussi à définir les caractéristiques et les habiletés parentales qui pourraient augmenter l’impact de l’intervention précoce. Une importante documentation existe en faveur du recours à l’éducation parentale comme moyen de soulager le stress et de donner du pouvoir aux parents.  L’optimisme parental ainsi que la quantité de stress que les parents vivent à cause du trouble de l’enfant peuvent être des facteurs importants pour les résultats des enfants.30

Un autre comportement parental identifié comme influent est la sensibilité parentale pour ce qui est de suivre le centre de l’attention de l’enfant.25 Cette étude a montré que de plus hauts taux de suivis de l’initiative de l’enfant étaient associés à une meilleure attention conjointe et à une meilleure utilisation du langage.

Enfin, la recherche indique qu’il peut être important de former les parents selon un modèle de partenariat plutôt que selon un format où le clinicien dirige.31 Par exemple, Brookman-Frazee a montré que l’affect du parent est plus élevé et que le stress parental est plus faible pendant les sessions de formation des parents quand on utilise un modèle de partenariat.30

Plusieurs études ont commencé à étudier les résultats des programmes d’intervention précoce pour les enfants dans des milieux scolaires favorisant l’intégration. Stahmer et Ingersoll22 ont rédigé des rapports sur les résultats complets de 20 enfants autistes dans des milieux scolaires favorisant l’intégration. Ces rapports portent sur des évaluations standardisées, sur des habiletés de communication, d’interaction sociale et de jeu et indiquent que 90 % des enfants utilisaient un système de communication fonctionnelle à la fin comparé à 50 % au début. McGee et ses collègues32 ont rapporté des améliorations de la proximité de l’enfant autiste envers ses pairs normaux : 71 % des enfants ont montré une amélioration en ce qui a trait à cette mesure. Une étude récente de Koegel et ses collègues18 a montré que comparés à leurs pairs normaux, les enfants autistes interagissaient autant avec les adultes en classe, mais qu’ils le faisaient rarement avec les autres enfants. Cependant, ces derniers auteurs29 ont montré que les enfants autistes pouvaient apprendre à débuter l’interaction avec les adultes et avec les pairs et que les résultats globaux de ces enfants en particulier étaient bien meilleurs que ceux des enfants autistes dont le niveau d’initiation était plus faible.

Conclusions

La recherche commence à déterminer les variables parentales et infantiles reliées aux résultats des très jeunes enfants autistes. Ces études sont notables parce qu’elles peuvent nous fournir des informations valables sur les comportements probablement essentiels de l’enfant, comme les initiations. D’après la documentation actuelle par exemple, il semble qu’il soit extrêmement important d’enseigner à l’enfant à débuter l’interaction avec les pairs et les adultes pour qu’il puisse créer ses propres occasions d’apprentissage tout au long de la journée.

De plus, la documentation actuelle suggère de fournir du soutien à l’éducation des parents et à leur autonomisation en utilisant un modèle de partenariat pour les aider à soulager le stress et à se sentir plus optimistes envers les résultats de leur enfant. Enfin, les données actuelles penchent en faveur d’un système scolaire favorisant l’intégration, même pour les très jeunes enfants autistes. Avec le temps et grâce à des interventions, ces enfants profitent de la proximité de leurs pairs normaux, surtout si on leur apprend à entamer l’interaction avec ces derniers.

Implications

La principale implication pour les décideurs politiques est le besoin de soutenir l’intervention précoce. Le diagnostic à 18 mois ou peu après augmente la probabilité de commencer l’intervention plus tôt et d’améliorer les résultats. La peur d’étiqueter un enfant de moins de trois ans est compréhensible, cependant, le fait de différer un traitement spécialisé hautement nécessaire peut avoir des conséquences considérables et à long terme, non seulement pour l’enfant, mais aussi pour la famille et pour la communauté. De plus, les récents résultats de recherche pour les enfants autistes suggèrent qu’avec une intervention appropriée et spécialisée, ces enfants peuvent s’épanouir dans leurs familles, dans leur communauté et dans les programmes préscolaires réguliers. En tant que communauté, c’est à nous que revient la tâche de rendre cela possible.

Références

  1. Fenske EC, Zalenski S, Krantz PJ, McClannahan LE. Age at intervention and treatment outcome for autistic children in a comprehensive intervention program. Analysis and Intervention in Developmental Disabilities 1985;5(1-2):49-58.
  2. Harris SL, Handleman JS. Age and IQ at intake as predictors of placement for young children with autism: A four to six-year follow-up. Journal of Autism and Developmental Disorders 2000;30(2):137-142.
  3. Committee on Educational Interventions for Children with Autism, National Research Council. Educating children with autism. Washington, DC: National Academies Press; 2001.
  4. Anderson SR, Avery DL, DiPietro EK, Edwards GL, Christian WP. Intensive home-based intervention with autistic children. Education and Treatment of Children 1987;10(4):352-366.
  5. Campbell S, Cannon B, Ellis JT, Lifter K, Luiselli JK, Navalta CP, Taras M. The May Center for Early Childhood Education: Description of a continuum of services model for children with autism. International Journal of Disability, Development and Education 1998;45(2):173-187.
  6. Dawson G, Osterling J. Early intervention in autism. In: Guralnick MJ, ed. The Effectiveness of early intervention. Baltimore, Md: P.H. Brookes Publishing Co.; 1997:307-326.
  7. Lovaas OI. Behavioral treatment and normal educational and intellectual functioning in young autistic children. Journal of Consulting and Clinical Psychology 1987;55(1):3-9.
  8. McClannahan LE, Krantz PJ. The Princeton Child Development Institute in New Jersey. In: Harris SL, Handleman JS, eds. Preschool education programs for children with autism. Austin, Tex: PRO-ED; 1994:15-36.
  9. McEachin JJ, Smith T, Lovaas OI. Long-term outcome for children with autism who received early intensive behavioral treatment. American Journal on Mental Retardation 1993;97(4):359-372.
  10. Handleman JS, Harris SL, Celiberti D, Lilleheht E, Tomchek,L. Developmental changes of preschool children with autism and normally developing peers. Infant-Toddler Intervention 1991;1:137-143.
  11. Hoyson M. Individualized group instruction of normally developing and autistic like children: The LEAP curriculum model. Journal of the Division of Early Childhood 1984;8(2):157-172.
  12. Lord C, Schopler E. The role of age at assessment, developmental level, and test in the stability of intelligence scores in young autistic children. Journal of Autism & Developmental Disorders 1989;19(4):483-499.
  13. Sheinkopf SJ, Siegel B. Home-based behavioral treatment of young children with autism. Journal of Autism and Developmental Disorder 1998;28(1):15-23.
  14. Prizant BM. Language acquisition and communicative behavior in autism: Toward an understanding of the "whole" of it. Journal of Speech & Hearing Disorders 1983;48(3):296-307.
  15. McGee GG, Daly T, Jacobs HA. The Walden preschool in Massachusetts. In: Harris SL, Handleman JS, eds. Preschool education programs for children with autism. Austin, Tex: PRO-ED; 1994:15-36.
  16. Koegel LK. Communication and language intervention. In: Koegel RL, Koegel LK, eds. Teaching children with autism: Strategies for initiating positive interactions and improving learning opportunities. Baltimore, Md: Paul H. Brookes Publishing Co.; 1995:17-32.
  17. Koegel LK. Interventions to facilitate communication in autism. Journal of Autism and Developmental Disorders 2000;30(5):383-391.
  18. Koegel LK, Koegel RL, Frea WD. Identifying early intervention targets for children with autism in inclusive school settings. Behavior Modification 2001;25(5):745-761.
  19. Koegel LK, Koegel RL, Smith A. Variables related to differences in standardized test outcomes for children with autism. Journal of Autism & Developmental Disorders 1997;27(3):233-243.
  20. Kasari C. Assessing change in early intervention programs for children with autism. Journal of Autism & Developmental Disorders 2002;32(5):447-461.
  21. Lord C, et al. Challenges in evaluating psychosocial interventions for autistic spectrum disorders. Journal of Autism & Developmental Disorders.Sous presse.
  22. Stahmer AC, Ingersoll B. Inclusive programming for toddlers with autism spectrum disorders: Outcomes from the children’s toddler school. Journal of Positive Behavior Interventions 2004;6(2):67-82.
  23. Koegel RL, Bruinsma YEM, Koegel LK. Developmental trajectories and longitudinal intervention outcomes for young nonverbal children with autism. In: Koegel RL, Koegel LK, eds.  Pivotal response treatment for children with autism: Teaching social, academic, and language skills. Sous presse.
  24. Schreibman L. Intensive behavioral/psychoeducational treatments for autism: Research needs and future directions. Journal of Autism & Developmental Disorders 2000;30(5):373-378.
  25. Siller M, Sigman M. The behaviors of parents of children with autism predict the subsequent development of their children’s communication. Journal of Autism and Developmental Disorders 2002;32(2):77-89.
  26. Gabriel RL, Hill DE, Pierce RA, Rogers SJ, Wehner B. Predictors of treatment outcome in young children with autism. A retrospective study. Autism 2001;5(4):407-429.
  27. Ingersoll B, Schreibman L, Stahmer A. Brief report: Differential treatment outcomes for children with autistic spectrum disorder based on level of peer social avoidance. Journal of Autism and Developmental Disorders 2001;31(3):343-349.
  28. Mundy P, Sigman M, Kasari C. A longitudinal study of joint attention and language development in autistic children. Journal of Autism and Developmental Disorders 1990;20(1):115-128.
  29. Koegel LK, Koegel RL, Shoshan Y, McNerney E. Pivotal response intervention II: Preliminary long-term outcome data. Journal of the Association for Persons with Severe Handicaps 1999;24(3):186-198.
  30. Brookman-Frazee L. Using parent/clinician partnerships in parent education programs for children with autism. Journal of Positive Behaviour Interventions. Sous presse.
  31. Robbins FR, Dunlap G, Plienis AJ. Family characteristics, family training, and the progress of young children with autism. Journal of Early Intervention 1991;15(2):173-184.
  32. McGee GG, Morrier MJ, Daly T. An incidental teaching approach to early intervention for toddlers with autism. Journal of the Association for Persons with Severe Handicaps 1999;24(3):133-146.

Pour citer cet article :

Bruinsma YEM, Koegel RL, Koegel LK. [Archivé] Effets de l’intervention précoce sur le développement social et affectif des jeunes enfants autistes. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Elsabbagh M, Clarke ME, eds. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/autisme/selon-experts/effets-de-lintervention-precoce-sur-le-developpement-social-et-affectif-des. Publié : Octobre 2004. Consulté le 26 avril 2024.

Texte copié dans le presse-papier ✓