[Archivé] Efficacité des interventions portant sur l’attachement


University of Toronto, The Hospital for Sick Children, Canada
, Éd. rév.

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Introduction

De plus en plus de données prometteuses et rétrospectives relient la qualité des liens d’attachement précoce entre le nourrisson et le donneur de soins aux répercussions sociales et affectives ultérieures.1,2 Il existe quatre types d’attachement du nourrisson. On pense que l’attachement sécurisant se développe quand le donneur de soins répond à la détresse de l’enfant avec sensibilité. L’attachement insécurisant évitant se produit quand le donneur de soins répond apparemment à la détresse de l’enfant en le rejetant. Lorsque le donneur de soins répond de façon inconsistante et imprévisible à la détresse de l’enfant, ce dernier peut développer un attachement insécurisant résistant. Enfin, l’attachement insécurisant désorganisé peut évidemment se produire quand le donneur de soins manifeste des comportements inhabituels et à la limite effrayants en présence de l’enfant. Des quatre modèles d’attachement du nourrisson envers le donneur de soins (sécurisant, évitant, résistant, désorganisé), les chercheurs ont découvert que le modèle d’attachement de style désorganisé vécu pendant l’enfance présentait un risque important d’inadaptation socio-affective et de psychopathologie plus tard dans la vie.2,3

Sujet

Les enfants qui manifestent un attachement désorganisé envers leur principale figure d’attachement ont démontré une vulnérabilité au stress, ont des difficultés à réguler et à contrôler leurs émotions négatives, font preuve de comportements oppositionnels, hostiles et agressifs et ont des styles d’interaction coercitifs2,3. Ils peuvent présenter une faible estime de soi, des problèmes d’internalisation et d’externalisation au début des années scolaires, de médiocres interactions avec leurs pairs, et des comportements inhabituels ou bizarres en classe. Leurs professeurs rapportent des taux élevés de comportements dissociatifs, de symptômes d’internalisation au milieu de l’enfance, de difficultés sociales et de problèmes de comportement en classe, de faibles performances en mathématiques et d’une diminution des capacités de pensée formelle appliquées.3 Ils peuvent aussi démontrer des taux élevés de psychopathologie globale à 17 ans.3 Les enfants ayants vécus un type d’attachement désorganisé avec leur principal figure d’attachement sont surreprésentés dans les groupes d’enfants souffrant de problèmes cliniques et chez les victimes de maltraitance.1,2,3 La majorité des enfants ayant vécu un attachement désorganisé envers leur figure principale d’attachement pendant la petite enfance continuent à développer une inadaptation sociale et affective notable ainsi qu’une psychopathologie.3,4 Par conséquent, l’intervention portant sur l’attachement devrait se centrer sur la prévention ou la réduction de l’attachement de style désorganisé.

Problèmes et contexte de la recherche

Historiquement, la plupart des interventions sur l’attachement se sont centrées sur l’amélioration de la sensibilité du donneur de soins, (qui peut se définir comme la capacité de comprendre fidèlement les indices et signaux et d’y répondre de façon prompte et appropriée) en supposant que l’amélioration de cette dernière favorise entre l’enfant et le donneur de soins un attachement sécurisant, qui produira à son tour des répercussions sociales et affectives positives. Les tentatives pour améliorer la sensibilité du donneur de soins visaient grandement ses perceptions ou ses comportements durant ses interactions avec ses enfants.5  

Cependant, bien que la sensibilité du donneur de soins soit liée aux modèles d’attachement organisé (sécurisant, évitant, résistant), elle n’est peut-être pas si fortement lié à l’attachement désorganisé.6 Ainsi, les interventions sur l’attachement visant les interactions enfant-donneur de soins n’ont peut-être pas été centrées à ce jour, sur les comportements du donneur de soins les plus significatifs au plan clinique pour prévenir ou réduire l’attachement désorganisé. Cela peut refléter le fait que, en plus d’avoir découverts depuis peu que l’attachement désorganisé est souvent associé à des résultats négatifs marqués, c’est seulement récemment que les chercheurs ont constaté que l’interaction enfant-donneur de soins pouvait possiblement mener à un attachement désorganisé. Elle inclut l’exposition des enfants à des formes particulières de comportements de soins aberrants que l’on appelle « atypiques » ou effrayants, dissociés, désorientés (probablement qualitativement distinct de la sensibilité et des formes extrêmes de l’insensibilité),7 qui peuvent être responsables de certains des résultats les plus faibles. Ces comportements atypiques incluent l’impossibilité d’assurer la sécurité de l’enfant, de consoler un enfant qui ressent de la détresse, de rire de sa détresse, de se moquer de lui ou de le taquiner quand il ressent de la détresse, de lui demander de l’affection et de vouloir qu’il rassure le donneur de soins, de figer (par exemple, en ne donnant aucune expression faciale pour une longue période comme dans les états de dissociation) ou de le menacer de lui faire mal.

Ainsi, selon les connaissances actuelles, on pourrait dire que l’intervention sur l’attachement centré sur le comportement du donneur de soins devrait viser à la fois l’amélioration de la sensibilité du donneur de soins (favoriser un attachement sécurisant et les répercussions socio-affectives positives associées) et la réduction et l’élimination des comportements atypiques chez le donneur de soins, un précurseur connu de l’attachement désorganisé7 (pour prévenir ou réduire l’attachement de style désorganisé et les comportements négatifs associés).

Questions clés pour la recherche et résultats récents

Il existe des données solides sur les façons d’améliorer la sensibilité du donneur de soins et de promouvoir un attachement sécurisant. Dans une méta-analyse de 70 études publiées (portant sur 9 957 enfants et parents, et une série principale de 51 essais aléatoires contrôlés avec 6 282 mères et enfants), Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn & Juffer8 ont démontré que les interventions les plus efficaces en ce qui a trait à l’amélioration de la sensibilité parentale (d = 0.33, p <.001) visant à promouvoir un attachement sécurisant (d = 0.20, p <.001) comportaient les caractéristiques suivantes :

  1. elles sont clairement et exclusivement centrées sur la formation comportementale visant la sensibilité parentale plutôt que sur la sensibilité et le soutien, ou sur la sensibilité plus le soutien, plus les représentations internes (par exemple la thérapie individuelle);
  2. l’utilisation de la vidéo pour donner de la rétroaction;
  3. moins de cinq séances (moins de cinq séances ont eu davantage d’efficacité que 5 à 16 séances, et 16 séances et plus ont eu le moins d’efficacité);
  4. un début plus tardif, c’est-à-dire après le sixième mois du nourrisson (plutôt que pendant la grossesse ou avant que l’enfant ait six mois);
  5. effectuées par des non professionnels.

De plus, le lieu de l’intervention (à la maison plutôt qu’en clinique) et la présence de multiples facteurs de risque n’ont pas influencé l’efficacité, mais les interventions effectuées avec des patients et des clients dirigés vers ces interventions et celles qui incluaient les pères étaient plus efficaces que les autres. Le défaut de la méta-analyse de Bakermans-Kranenburg et al.4 est de ne pas avoir cherché à savoir si les interventions portant sur l’attachement et centrées sur la sensibilité du donneur de soins avaient un impact significatif sur la prévention de l’attachement désorganisé.

Pour répondre à cette question Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn & Juffer6 ont examiné 15 études (n= 842) à partir de la première méta-analyse. Cette dernière a fourni de l’information sur l’impact de l’intervention basée sur l’attachement pour prévenir l’apparition de l’attachement désorganisé. Globalement, ces interventions, qui focalisent sur l’amélioration de la sensibilité du donneur de soins, démontre une efficacité limitée (d = 0.05, non significatif) pour prévenir ou réduire l’attachement désorganisé. Cependant, quelques interventions centrées sur la sensibilité semblent avoir un certain impact, ce qui suggère qu’un des effets secondaires de certaines de ces interventions peut être de modifier l’attachement désorganisé. Les interventions qui ont modifié ce type d’attachement ont commencé après que le nourrisson ait eu six mois (plutôt que pendant la grossesse ou avant l’âge de six mois), focalisaient sur les enfants à risque (plutôt que sur les parents à risque) et étaient effectuées par des professionnels plutôt que par des non professionnels. Les auteurs ont conclu que les interventions centrées sur la prévention ou la réduction de l’attachement désorganisé devraient peut-être se concentrer surtout sur les comportements des donneurs de soins associés à ce type d’attachement, comme les comportements atypiques. Dans deux études récentes, Benoît et al.9,10 ont démontré qu’une intervention brève, déterminée et portant sur le comportement des parents pouvait réduire les comportements atypiques des donneurs de soins.

Conclusions

En résumé, à ce jour, les interventions portant sur l’attachement se sont principalement concentrées sur les précurseurs des types d’attachement de style organisé plutôt que sur les précurseurs de l’attachement désorganisé. Ceci reflète le fait que l’étendue des séquelles négatives de l’attachement désorganisé donneur de soins-enfant n’a été reconnue que tout récemment, tout comme les précurseurs de l’attachement désorganisé. Étant donné le taux élevé d’attachement organisé mais insécurisant (évitant ou résistant) dans la population générale, il n’est peut-être pas réaliste, ni même nécessaire, de centrer les interventions sur la prévention ou l’élimination de l’attachement de style évitant ou résistant, à moins que le nourrisson ne soit symptomatique.

D’un autre côté, une grande proportion de nourrissons qui développent un attachement insécurisant de style désorganisé avec leur principal donneur de soins continuent à développer une inadaptation sociale et affective importante ainsi qu’une psychopathologie. Par conséquent, l’attachement insécurisant de style désorganisé semble être le type d’attachement le plus significatif nécessitant une intervention. Se concentrer directement sur les antécédents de l’attachement de style désorganisé, comme les comportements atypiques des donneurs de soins, représente une direction prometteuse pour les recherches futures.

Implications

Les résultats des recherches suggèrent que l’intervention portant sur l’attachement devrait se centrer sur l’amélioration de la sensibilité du donneur de soins afin de promouvoir un attachement sécurisant et les résultats socio-affectifs positifs qui y sont associés.

Cependant, tenir compte exclusivement de l’amélioration de la sensibilité du donneur de soins peut être insuffisant et inefficace pour prévenir ou réduire le type d’attachement insécurisant le plus pertinent au plan clinique, c’est-à-dire l’attachement désorganisé. Les récents résultats de recherches suggèrent que le fait de se concentrer sur la réduction des comportements atypiques du donneur de soins peut se révéler prometteur pour réduire l’attachement désorganisé. Davantage de recherche est nécessaire pour déterminer si une réduction des facteurs liés à un attachement désorganisé, comme les comportements atypiques des donneurs de soins, est en réalité liée à la réduction de ce type d’attachement et des répercussions médiocres chez les enfants au niveau sociale et affectif.

Davantage de recherche est aussi nécessaire pour déterminer les techniques d’intervention qui sont les plus efficaces pour diminuer les comportements atypiques des donneurs de soins (ou les autres précurseurs de l’attachement désorganisé) et l’attachement désorganisé. Il est important d’être conscient qu’en ce qui concerne les problèmes de liens d’attachement entre l’enfant et les donneurs de soins, les récentes méta-analyses5,8 démontrent que les meilleures interventions sont brèves, ont recourt à la rétroaction par vidéo, commencent après l’âge de six mois, et sont clairement et exclusivement centrées sur la formation comportementale des parents plutôt que sur la sensibilité plus le soutien, ou sur la sensibilité plus le soutien plus les représentations internes.

Cependant, d’autres chercheurs insistent sur le besoin de prodiguer aux familles les plus dysfonctionnelles ou perturbées, des interventions de façon intensives et à long terme, à la maison.4 Il est évident que plus de recherches sont nécessaires pour identifier quels sont les caractéristiques des interventions basées sur l’attachement qui peuvent le mieux répondre aux besoins de familles spécifiques. Il est aussi nécessaire d’apprendre aux prestataires de services à utiliser des techniques éprouvées portant sur l’attachement et à reconnaître les comportements atypiques des donneurs de soins liés à l’attachement désorganisé et ses précurseurs.

Références

  1. Benoit D. Infant-parent attachment: Definition, types, antecedents, measurement and outcome. Paediatrics & Child Health 2004;9(8):541-545.
  2. van IJzendoorn MH, Schuengel C, Bakermans-Kranenburg MJ. Disorganized attachment in early childhood: Meta-analysis of precursors, concomitants, and sequelae. Development and Psychopathology 1999;11(2):225-249.
  3. Green J, Goldwyn R. Annotation: Attachment disorganisation and psychopathology: new findings in attachment research and their potential implications for developmental psychopathology in childhood. Journal of Child Psychology & Psychiatry & Allied Disciplines 2002;43(7):835-846.
  4. [L.B.1] K, Lyons-Ruth K. Disorganization of attachment strategies in infancy and childhood. Rev ed. In: Tremblay RE, Barr RG, Peters RDeV, eds. Encyclopedia on Early Childhood Development [online]. Montreal, Quebec: Centre of Excellence for Early Childhood Development; 2007:1-7. Disponible sur le site: http://www.child-encyclopedia.com/documents/Hennighausen-LyonsRuthANGxp_rev.pdf . Page consultée le 1er octobre 2009.
  5. Egeland B. Attachment-based intervention and prevention programs for young children. In: Tremblay RE, Barr RG, Peters RDeV, eds. Encyclopedia on Early Childhood Development [online]. Montreal, Quebec: Centre of Excellence for Early Childhood Development; 2004:1-7. Disponible sur le site: http://www.child-encyclopedia.com/documents/EgelandANGxp.pdf.  Page consultée le 1er octobre [L.B.2] .
  6. Bakermans-Kranenburg MJ, van IJzendoorn MH, Juffer F. Disorganized infant attachment and preventive interventions: A review and meta-analysis. Infant Mental Health Journal 2005;26(3):191-216.
  7. Madigan S, Bakermans-Kranenburg MJ, van IJzendoorn MH, Moran G, Pederson DR, Benoit D. Unresolved states of mind, anomalous parental behavior and disorganized attachment: A review and meta-analysis of a transmission gap. Attachment & Human Development 2006;8(2):89-111.
  8. Bakermans-Kranenburg MJ, van IJzendoorn MH, Juffer F. Less is more: Meta-analysis of sensitivity and attachment interventions in early childhood. Psychological Bulletin 2003;129(2):195-215.
  9. Benoit D, Madigan S, Lecce S, Shea B, Goldberg S. Atypical maternal behavior toward feeding-disordered infants before and after intervention. Infant Mental Health Journal 2001;22(6):611-626.
  10. Madigan S, Hawkins E, Goldberg S, Benoit, D. Reduction of disrupted caregiver behavior using Modified Interaction Guidance. Infant Mental Health Journal 2006;27(5):509-527.

Pour citer cet article :

Benoit D. [Archivé] Efficacité des interventions portant sur l’attachement. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. van IJzendoorn MH, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/attachement/selon-experts/efficacite-des-interventions-portant-sur-lattachement. Actualisé : Octobre 2009. Consulté le 19 avril 2024.

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