Niveaux habituels d’activité physique chez les jeunes enfants


1University of Wollongong, Australie
2University of Strathclyde, Royaume-Uni

, Éd. rév.

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Introduction

Les maladies évitables liées aux habitudes de vie constituent toujours une très grande part du fardeau des maladies à l’échelle internationale.1 L’inactivité physique est un facteur de risque majeur2 contribuant au fardeau économique mondial qui dépasse désormais les 50 milliards de dollars (INT).3 Une intervention pendant les premières années de vie pourrait être nécessaire pour s’assurer que des comportements qui favorisent la santé, comme l’activité physique, soient adoptés.4 Bien que les jeunes enfants constituent le segment le plus actif de la population, des études de suivi suggèrent que beaucoup d’entre eux ne sont pas suffisamment actifs pour se développer de manière appropriée et pour être en santé.5-8   

Sujet

L’activité physique est généralement catégorisée selon divers degrés d’intensité et est mesurée en équivalents métaboliques (MET) (1 MET correspond au repos).9 Se déguiser, peindre debout et marcher lentement représentent des activités physiques de faible intensité (de 1,5 à 3,9 MET) pour les jeunes enfants. Les activités physiques de nature modérée à vigoureuse (APMV) (≥4 MET) regroupent celles de plus forte intensité comme la course, les sauts et les jeux de ballons. Les comportements sédentaires (moins de 1,5 MET) sont caractérisés par des activités en position assise ou allongée, comme utiliser des appareils électroniques pour regarder des programmes de divertissement ou jouer à des jeux électroniques, lire et dessiner. Les habitudes naturelles d’activité physique chez les jeunes enfants sont décrites comme étant intermittentes et sont caractérisées par des cycles d’activités intenses et courtes suivies de périodes de repos ou d’activités moins exigeantes.10 Ces activités surviennent surtout dans le cadre de jeux actifs plutôt que par l’exercice.11

Au cours des premières années de vie, l’activité physique a des impacts bénéfiques sur la santé et le développement de l’enfant et contribue à l’amélioration du développement moteur et cognitif, de la forme physique, de la santé psychosociale, cardiométabolique, et des os et du squelette.12 Les habitudes quant à l’activité physique semblent se maintenir pendant l’enfance13 de même qu’entre l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte,14 ce qui suggère que l’activité physique au cours des premières années de vie pourrait avoir une influence ultérieure sur le comportement et la santé.

Bien qu’il soit prouvé que “plus d’activité physique est meilleur pour la santé”, les appuis empiriques sont insuffisants pour spécifier une « dose » ou une quantité précise ou encore l’intensité d’activité physique nécessaire pour assurer la santé et un développement approprié au cours des premières années de vie.12 Par conséquent, la quantité d’activité physique recommandée pour les bébés (<1 an), les tout-petits (de 1 à 3 ans) et les enfants d’âge préscolaire (de 3 à 4 ans15 ou 5 ans16) diffère entre les États-Unis17 et d’autres pays tels que le Canada15 et l’Australie.16 Les lignes directrices des États-Unis17 recommandent que « les enfants d’âge préscolaire doivent être physiquement actifs tout au long de la journée pour stimuler leur croissance et leur développement », sans toutefois préciser la durée ni l’intensité de l’activité physique. Les lignes directrices publiées au Canada15 et en Australie,16 tout comme celles émises par l’Organisation mondiale de la santé (OMS),18 allient les recommandations axées sur l’activité physique chez les jeunes enfants à celles consacrées au sommeil et aux comportements sédentaires. Ces lignes directrices, qui varient en fonction du stade de développement, recommandent ce qui suit :

  • les bébés (de moins de 1 an) qui ne bougent pas encore devraient, lorsqu’ils sont réveillés, cumuler quotidiennement au minimum 30 min de décubitus ventral (position sur le ventre ou tummy time, en anglais) réparties tout au long de la journée; 
  • les tout-petits de 1 à 2 ans devraient consacrer au moins 180 minutes par jour à divers types d’activités physiques toutes intensités confondues, y compris les activités d’intensité modérée à vigoureuse, réparties sur l’ensemble de la journée;
  • les enfants de 3 à 4 ans devraient passer au moins 180 minutes par jour à divers types d’activités physiques toutes intensités confondues, y compris au minimum 60 minutes d’activités d’intensité modérée à vigoureuse, réparties sur l’ensemble de la journée.

Problèmes et contexte de la recherche

Puisqu’il est difficile de mesurer précisément les habitudes individuelles d’activité physique chez les jeunes enfants, ce secteur de recherche n’a pas beaucoup progressé. Les autoévaluations ne peuvent être envisagées en raison de l’âge des participants et les déclarations des parents comportent des biais inhérents.19,20 Ceux-ci s’expliquent en partie par le fait que l’activité physique des jeunes enfants ne se produit pas dans le cadre de séances structurées et délimitées dans le temps, telles que les séances d’activité physique typiques des adultes. L’observation directe offre une méthode plus objective. Toutefois, elle s’applique uniquement à des endroits confinés comme la garderie ou le centre préscolaire.19,20 Les accéléromètres sont accessibles et acceptables et procurent une validité et une fiabilité appropriées pour évaluer l’activité physique chez les jeunes. De plus, comme ils recueillent des données objectives en temps réel et qu’ils sont assez sensibles pour détecter les mouvements de faible intensité, ils conviennent particulièrement aux études effectuées auprès de jeunes enfants.21 Une des limitations de l’accélérométrie se trouve dans le fait que différentes définitions des seuils numériques définissant le comportement sédentaire, l’activité physique de faible intensité et l’APMV sont souvent utilisées dans les études sur les jeunes enfants, et l’utilisation de différentes définitions peut avoir des répercussions importantes sur les estimés de prévalence.22,23 Des études de validation croisée ont été réalisées chez des tout-petits24 et des enfants d’âge préscolaire25,26 dans le but de parvenir à un consensus sur les définitions des seuils numériques les plus précis quant aux accéléromètres les plus couramment employés chez les jeunes enfants.  

Questions clés pour la recherche

Les études utilisant l’accélérométrie ont exploré les niveaux d’activité physique des jeunes enfants pendant une semaine typique. Ces études ont aussi tenté de quantifier la durée de l’activité physique de faible intensité et de l’APMV chez les enfants d’âge préscolaire. Elles ont également évalué si les lignes directrices en matière d’activité physique étaient respectées.

Récents résultats de recherche

Les études ayant utilisé l’accélérométrie ont permis des découvertes importantes concernant les habitudes des jeunes enfants en matière d’activité physique. Des études conduites au Canada et en Australie sur les tout-petits ont abouti à des résultats pratiquement identiques stipulant que les enfants de cette tranche d’âge consacraient quotidiennement environ 60 minutes aux APMV et à peu près 240 minutes aux activités physiques de faible intensité.5,6 Par conséquent, de 97 à 99 % des tout-petits respectaient les lignes directrices axées sur l’activité physique, qui recommandent la pratique d’au moins 180 min par jour d’activité physique, toutes intensités confondues.5,6  

Les études menées chez les enfants d’âge préscolaire étaient moins homogènes. Par des méthodes semblables à celles utilisées chez les tout-petits, une étude conduite en Australie a indiqué que les enfants âgés de 3 à 5 ans consacraient quotidiennement environ 100 minutes aux APMV et à peu près 270 minutes aux activités physiques de faible intensité.8 Dans le cadre de cette étude, 93 % des enfants d’âge préscolaire se conformaient aux lignes directrices portant sur l’activité physique, qui recommandent la pratique d’au moins 180 min par jour d’activité physique, incluant au minimum 60 min d’APMV.8 À l’opposé, une étude réalisée au Canada sur un échantillon représentatif à l’échelle nationale d’enfants âgés de 3 à 4 ans a exploité différentes méthodologies pour évaluer l’activité physique et a indiqué que les enfants dédiaient quotidiennement approximativement 68 minutes aux APMV et environ 210 minutes aux activités physiques de faible intensité.7 Dans le cadre de cette étude, 62 % des enfants d’âge préscolaire respectaient les directrices portant sur l’activité physique, qui recommandent la pratique d’au moins 180 min par jour d’activité physique, incluant au minimum 60 min d’APMV.7

Des problèmes méthodologiques, comme l’utilisation de différents instruments de mesure et le recours à diverses définitions de l’intensité de l’activité physique sont susceptibles de contribuer à cette variation entre les études,8 et continuent d’influencer notre compréhension des habitudes en matière d’activité physique au cours des premières années de vie.

Lacunes de la recherche

À notre connaissance, le Canada est le seul pays à disposer de données représentatives à l’échelle nationale sur l’accéléromètre chez les enfants de 3 à 4 ans pour décrire les niveaux d’activité physique mesurés de manière objective. Des sondages longitudinaux nationaux doivent être réalisés instamment afin de mieux comprendre les habitudes des jeunes enfants en matière d’activité physique et de déterminer la proportion de jeunes enfants qui effectuent la quantité d’activité physique quotidienne recommandée. Actuellement, très peu de données sont disponibles concernant les enfants de moins de trois ans et il n’est pas clair si certains groupes socio-démographiques ont besoin d’un support particulier pour suivre les lignes directrices. Malgré l’existence des lignes directrices, il n’existe pas encore de consensus quant à la quantité et à l’intensité de l’activité physique requise pour optimiser la santé et le développement au cours des premières années de vie, ce qui fait en sorte que les recommandations diffèrent entre les pays. Pour ces raisons, la recherche sur les relations entre l’activité physique mesurée de manière objective et l’évolution du développement et de la santé demeure nécessaire.

Conclusions

L’activité physique joue un rôle important en ce qui a trait à la santé et au développement des jeunes enfants. Toutefois, les habitudes de vie et les environnements contemporains semblent empêcher certains enfants d’effectuer une quantité appropriée d’activité physique. Puisque les habitudes de vie actives se dessinent au cours des premières années de vie, l’inactivité physique pendant l’enfance a des conséquences à court et à long terme sur la santé, le comportement, le développement social et émotionnel ainsi que le fonctionnement cognitif des enfants.

Implications pour les parents, les services et les politiques

Les personnes et les institutions qui influencent la vie des jeunes enfants doivent s’assurer qu’ils ont l’opportunité d’effectuer la quantité recommandée d’activité physique; ils doivent aussi s’assurer que cette activité physique est adaptée au stade de développement et bénéfique pour la santé. Ils pourraient y parvenir grâce à des jeux actifs non structurés et à des expériences d’apprentissage structurées, à la maison et à la garderie, par le biais du transport actif, avec une approche axée sur le plaisir et acceptée sur le plan social et culturel. Des systèmes de suivi nationaux sont requis pour établir précisément les niveaux d’activité physique des enfants au cours des premières années de vie, décrire leurs habitudes en la matière et déterminer si des interventions ciblées sont nécessaires pour certains segments de la population.

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Pour citer cet article :

Cliff DP, Janssen X. Niveaux habituels d’activité physique chez les jeunes enfants. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Reilly JJ, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/activite-physique/selon-experts/niveaux-habituels-dactivite-physique-chez-les-jeunes-enfants. Actualisé : Septembre 2019. Consulté le 29 mars 2024.

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