L’activité physique chez les jeunes enfants : Commentaire thématique


University of Strathclyde, Scotland, Royaume-Uni
, Éd. rév.

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Introduction

Les six articles qui couvrent le thème de l’activité physique chez les jeunes enfants fournissent un résumé et une synthèse accessibles et critiques des résultats des recherches récemment effectuées dans ce domaine par des spécialistes en la matière.1-6

Leurs premières contributions au recueil de données sur ce thème, il y a un peu plus d’une décennie, ont reflété la prise de conscience grandissante de l’influence de l’activité physique sur la santé et le développement des jeunes enfants. Ces auteurs ont également dévoilé des préoccupations accrues suscitées par les études menées au début des années 2000 qui ont mis en évidence chez les jeunes enfants des niveaux d’activité inférieurs à ceux escomptés.

Un nouveau paradigme a émergé au cours des cinq dernières années en ce qui concerne les comportements en matière de mouvements sur 24 heures (le temps consacré à l’activité physique ; les comportements sédentaires, notamment le temps passé devant les écrans ; et le sommeil) pendant la petite enfance.7 Le paradigme inhérent aux comportements en matière de mouvements sur 24 heures considère que l’activité physique, la sédentarité et le sommeil sont corrélés : si le temps dédié à l’un de ces comportements augmente, celui alloué aux autres diminue inévitablement. Par exemple, le temps consacré quotidiennement à la sédentarité augmente chaque année à partir du moment approximatif où l’enfant entre à l’école,8 ce qui déplace le temps alloué à l’activité physique.9 

On croit souvent à tort que ce qui compte dans le temps passé devant les écrans est son contenu et non le temps total consacré à cette activité, ce qui amène à suggérer que les parents, les professionnels de la santé et les décideurs politiques devraient se préoccuper uniquement du contenu des écrans (p. ex., la violence). Des revues et des synthèses des données de recherche au cours de la dernière décennie, résumées dans les articles du thème,1-3,6 montrent que le temps total passé devant les écrans a une incidence sur la santé et le développement de la petite enfance, à la fois directement en augmentant l’exposition à du contenu néfaste (p. ex., la publicité alimentaire) et indirectement en déplaçant le temps consacré à l’activité physique et au sommeil et en déplaçant des formes plus bénéfiques de comportement sédentaire (comme la lecture ou les interactions avec les membres de la famille). Le choix du moment de l’activité de visionnement des écrans a aussi de l’importance : par exemple, dans l’heure ou juste avant l’heure du coucher est néfaste pour le sommeil pendant la petite enfance.10

Les repères principaux dans le domaine au cours de la dernière décennie qui ont suivi ce changement de paradigme comprennent les premières lignes directrices globales en ce qui concerne le temps consacré aux comportements de mouvements sur 24 heures chez les moins de 5 ans en 2019,11 ainsi que les stratégies globales axées sur la prévention et le contrôle de l’obésité pédiatrique en limitant le temps devant les écrans, en encourageant des routines de sommeil saines et en promouvant l’activité physique au cours de la petite enfance.12

Recherches et conclusions

Les trois premiers articles du recueil1-3 résument les preuves qui ont conduit aux recommandations nationales (au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Afrique du Sud jusqu’à présent) et mondiales (OMS) portant sur l’activité physique, les comportements sédentaires et le sommeil lors de la petite enfance. Ils récapitulent également les lignes directrices sur le temps consacré à chacun de ces comportements. Bien que les auteurs aient constaté que les preuves présentent des lacunes et des limites, ces lignes directrices ont été élaborées grâce à des méthodes robustes et bien établies. Les utilisateurs de ces recommandations (à savoir les parents, les professionnels de la santé et de l’éducation, ainsi que les décideurs politiques) devraient donc avoir confiance en elles. 

Bien que les recommandations axées sur le temps consacré aux comportements de mouvements sur 24 heures soient relativement récentes, leur utilisation a été jusqu’à présent faite de manière disparate. L’une des principales utilisations concerne notamment la surveillance en matière de santé publique (le suivi du pourcentage de la population des jeunes enfants qui se conforme réellement aux recommandations). La surveillance est une activité centrale en matière de santé publique, mais la surveillance de l’activité physique est à présent limitée dans la majorité des pays.13 La surveillance correspond à la façon dont les gouvernements nationaux répondent aux questions importantes en matière de santé publique : le non-respect des recommandations est-il courant? Le respect des recommandations est-il homogène? Quelles sont les tendances au fil du temps? Quels sont les effets positifs ou négatifs des politiques et des impacts des principales perturbations sociétales, comme la pandémie de COVID-19? 

Les synthèses des données internationales suggèrent que le temps devant les écrans a augmenté considérablement et que celui consacré à l’activité physique a diminué significativement chez les jeunes enfants depuis le début de la pandémie à la COVID-19.14,15 Dans quelle mesure ces comportements se rétabliront à un niveau normal équivalent à celui d’avant la pandémie (qui était par ailleurs déjà peu souhaitable chez la plupart des jeunes enfants) est incertain.

De Craemer et ses collaborateurs6 ont démontré que, malgré la présence d’un certain nombre de lacunes et de limites au niveau des données probantes, seule une minorité des nourrissons et des jeunes enfants se conforment aux recommandations en matière d’activité physique, de comportements sédentaires et/ou de sommeil. Il semble que cela soit le cas, même lorsque cela ne correspond pas aux résultats escomptés (par exemple, dans les pays à revenu faible ou intermédiaires, et en milieu rural).6 Le temps passé devant les écrans à l’échelle mondiale dépasse généralement largement les recommandations de l’OMS, et probablement de l’âge de nourrisson jusqu’à la petite enfance.6

Trost a démontré qu’il manque actuellement de solutions simples, spécifiques et « prêtes à l’emploi » pour lutter contre les niveaux néfastes pour la santé de temps consacré dans les comportements de mouvements.5 Néanmoins, les contributions de Trost5 d’une part et de Hinkley et Salmon3, d’autre part, apportent l’espoir que les interventions qui encouragent les niveaux bénéfiques pour la santé des comportements de mouvements sur 24 heures seront efficaces. Jusqu’à maintenant, la recherche a permis d’identifier certaines des interventions qui constitueraient la meilleure option.3,5 Ces interventions comprennent l’augmentation du temps passé à l’extérieur, les parents encourageant le jeu actif et le jeu avec leurs enfants, les centres de la petite enfance et d’éducation offrant des séances d’activités structurées et d’activités ludiques et physiques non structurées dans des espaces extérieurs pas trop bondés, la mise à disposition d’équipement de jeu portatif (ce qui favorise généralement des niveaux d’activité supérieurs par rapport au matériel de jeu fixe), une plus grande utilisation des espaces en plein air stimulants, dans des structures naturelles, et l’incitation au basculement actif vers/depuis les centres de la petite enfance.

Il est également probable que les améliorations en ce qui concerne le temps consacré aux comportements de mouvements sur 24 heures sur l’ensemble de la population des jeunes enfants nécessitent des changements au-delà de l’environnement familial et des environnements que sont les services de garde, le milieu scolaire et les soins de santé. Il est également probable que des changements culturels (dans les habitudes/les normes) et des modifications des politiques plus en amont soient nécessaires13 par exemple, pour restreindre les temps d’écran, pour modifier le transport et pour bâtir un environnement de sorte à stimuler l’activité physique et à pénaliser l’inactivité physique. Une approche fondée sur les droits pourrait également être utile. Le jeu actif est si important pour la santé et le développement de l’enfant qu’il a été consacré dans les Droits de l’enfant des Nations Unies, et le fait de mettre plus l’accent sur le droit de jouer pourrait dicter les changements à apporter en matière de politiques afin d’améliorer les niveaux des comportements de mouvements sur 24 heures dans la petite enfance.13 

Une meilleure conscientisation des décideurs politiques en ce qui concerne les bénéfices associés au respect des recommandations axées sur les comportements de mouvements sur 24 heures chez les jeunes enfants pourrait également favoriser les changements en matière de politiques et rendre le déploiement des politiques plus efficace : de nombreux pays à revenu élevé disposent de politiques favorables en ce qui a trait à l’activité physique des jeunes enfants, mais qui sont mal mises en œuvre ou évaluées.13 Une prévalence supérieure de la conformité des recommandations relatives aux comportements de mouvements sur 24 heures chez les jeunes enfants aurait des avantages notables, au-delà de la santé physique et mentale, sur le développement cognitif et les résultats scolaires, le rétablissement face à la pandémie de COVID-19 de la santé publique, la crise climatique (p. ex., par une meilleure connexion avec la nature ou une baisse de la dépendance aux transports motorisés) et les Objectifs en matière de développement durable des Nations unies.13

Conclusion

En résumé, les articles réunis sous ce thème offrent un résumé critique des résultats scientifiques actuels en matière d’activité physique, de sédentarité et de sommeil chez les jeunes enfants. Le temps consacré à ces comportements par les jeunes enfants contemporains est généralement incompatible aux niveaux optimaux pour la santé et le développement des jeunes enfants. La collection de textes sur ce thème fournit un bon nombre de conseils utiles pour améliorer le temps consacré à ces comportements dans la petite enfance, et devrait constituer une source précieuse de conseils fondés sur les données probantes pour les familles, les professionnels de la santé et de l’éducation et les législateurs.

Références

  1. Cliff DP, Janssen X. Levels of Habitual Physical Activity in Early Childhood. In: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Reilly JJ, topic ed. Encyclopedia on Early Childhood Development [online]. https://www.child-encyclopedia.com/physical-activity/according-experts/levels-habitual-physical-activity-early-childhood. Updated: September 2019. Accessed November 16, 2022.

  2. Jones RA, Okely AD. Physical Activity Recommendations for Early Childhood. In: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. ReillyJJ, topic ed. Encyclopedia on Early Childhood Development [online]. https://www.child-encyclopedia.com/physical-activity/according-experts/physical-activity-recommendations-early-childhood. Updated: February 2020. Accessed November 16, 2022.

  3. Hinkley T, Salmon J. Correlates of Physical Activity in Early Childhood. In: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Reilly JJ, topic ed. Encyclopedia on Early Childhood Development [online]. https://www.child-encyclopedia.com/physical-activity/according-experts/correlates-physical-activity-early-childhood. Published: January 2011. Accessed November 16, 2022.

  4. Jones RA, Okely AD. Sedentary Behaviour Recommendations for Early Childhood. In: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Reilly JJ, topic ed. Encyclopedia on Early Childhood Development [online]. https://www.child-encyclopedia.com/physical-activity/according-experts/sedentary-behaviour-recommendations-early-childhood. Updated: February 2020. Accessed November 16, 2022.

  5. Trost SG. Interventions to Promote Physical Activity in Young Children. In: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Reilly JJ, topic ed. Encyclopedia on Early Childhood Development [online]. https://www.child-encyclopedia.com/physical-activity/according-experts/interventions-promote-physical-activity-young-children. Updated: June 2020. Accessed November 16, 2022.

  6. De Craemer M, Verbestel V, Decraene M, Naeyaert S, Cardon G. Physical Activity, Sedentary Behaviour and Sleep in Infants, Toddlers, and Preschoolers. In: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Reilly JJ, topic ed. Encyclopedia on Early Childhood Development [online]. https://www.child-encyclopedia.com/physical-activity/according-experts/physical-activity-infants-and-toddlers. Updated: November 2022. Accessed November 16, 2022.

  7. Okely AD, Tremblay MS, Reilly JJ, Draper CE, Bull F. Physical activity, sedentary behaviour, and sleep: movement behaviours in early life. The Lancet. Child & Adolescent Health. 2018;2(4):233-235. doi:10.1016/S2352-4642(18)30070-1

  8. Tanaka C, Reilly JJ, Huang WY. Longitudinal changes in objectively measured sedentary behaviour and their relationship with adiposity in children and adolescents: systematic review and evidence appraisal. Obesity Reviews. 2014;15(10):791-803. doi:10.1111/obr.12195

  9. Farooq A, Martin A, Janssen X, et al. Longitudinal changes in moderate-to-vigorous-intensity physical activity in children and adolescents: A systematic review and meta-analysis. Obesity Reviews. 2020;21(1):e12953. doi:10.1111/obr.12953

  10. Janssen X, Martin A, Hughes AR, Hill CM, Kotronoulas G, Hesketh KR. Associations of screen time, sedentary time and physical activity with sleep in under 5s: A systematic review and meta-analysis. Sleep Medicine Reviews. 2020;49:101226. doi:10.1016/j.smrv.2019.101226

  11. World Health Organization. Guidelines on physical activity, sedentary behaviour and sleep for children under 5 years of age. World Health Organization; 2019. Licence: CC BY-NC-SA 3.0 IGO. Accessed November 16, 2022. https://apps.who.int/iris/handle/10665/311664

  12. World Health Organization. Report on the Commission on Ending Childhood Obesity. World Health Organization; 2016.

  13. Reilly JJ, Aubert S, Brazo-Sayavera J, Liu Y, Cagas JY, Tremblay MS. Surveillance to improve child and adolescent physical activity. Bulletin of the World Health Organization. In press.

  14. Neville RD, Lakes KD, Hopkins WG, et al. Global Changes in Child and Adolescent Physical Activity During the COVID-19 Pandemic: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Pediatrics. 2022;176(9):886-894. doi:10.1001/jamapediatrics.2022.2313

  15. Madigan S, Eirich R, Pador P, McArthur BA, Neville RD. Assessment of Changes in Child and Adolescent Screen Time During the COVID-19 Pandemic: A Systematic Review and Meta-analysis [published online ahead of print, 2022 Nov 7]. JAMA Pediatrics. 2022;10.1001/jamapediatrics.2022.4116. doi:10.1001/jamapediatrics.2022.4116

Pour citer cet article :

Reilly JJ. L’activité physique chez les jeunes enfants : Commentaire thématique. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Reilly JJ, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/activite-physique/selon-experts/lactivite-physique-chez-les-jeunes-enfants-commentaire-thematique. Actualisé : Novembre 2022. Consulté le 26 avril 2024.

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