Interventions visant à promouvoir l’activité physique chez les jeunes enfants
Stewart G. Trost, Ph.D.
Queensland University of Technology, Director Institute of Health and Biomedical Innovation (IHBI) at QLD Centre for Children’s Health Research, Australie
, Éd. rév.
Introduction
Il est essentiel d’effectuer suffisamment d’activité physique au cours de la petite enfance pour grandir et se développer normalement.1,2 L’activité physique est également un facteur qui contribue à la prévention du surpoids et de l’obésité chez les jeunes enfants.1,2 Afin de reconnaître l’importance d’exercer de l’activité physique régulièrement, les lignes directrices nationales émises recommandent que tous les enfants, de la naissance à cinq ans, pratiquent quotidiennement des activités physiques encourageant la mise en forme liée à la santé et le développement des habiletés motrices.3 Des cliniciens, des chercheurs et des représentants du secteur de l’éducation des jeunes enfants ont formulé des recommandations similaires qui intègrent les comportements de mouvement sur une période de 24 heures au Canada,4 en Australie5 et au Royaume-Uni.6 Malgré l’importance d’effectuer de l’activité physique régulièrement, des études de suivi objectives menées en Amérique du Nord, en Australie et au Royaume-Uni montrent que moins de la moitié des jeunes enfants respectent les recommandations en matière d’activité physique de nature modérée à vigoureuse sur une base quotidienne.7,8
Sujet
Le problème répandu de l’inactivité physique, conjugué à la hausse continue de la prévalence de l’obésité chez les enfants de moins de cinq ans, montre l’urgence d’élaborer des politiques et des programmes efficaces, mais facilement transférables, visant à encourager l’activité physique chez les jeunes enfants. Cet article fournit une mise à jour qui résume les connaissances actuelles sur les interventions visant à promouvoir l’activité physique dans les milieux de vie des jeunes enfants.
Problème
Malgré un nombre accru d’interventions rigoureusement évaluées visant à promouvoir l’activité physique chez les enfants de cinq ans et moins, il y a peu de preuves de leur efficacité. Les données scientifiques pour informer les décideurs, les planificateurs de services et les fournisseurs de services suggèrent que les interventions menées par les éducateurs sur l’activité physique proposées en centre de la petite enfance pourraient augmenter efficacement les aptitudes motrices et la pratique de l’activité physique. Néanmoins, les variations au niveau de la conduite des interventions, de l’observance, des méthodologies d’évaluation et des résultats des études compliquent l’émission de recommandations explicites sur ce qui constitue une mesure efficace ou non pour inciter les jeunes enfants à être plus actifs.
Contexte de la recherche
Une grande proportion d’enfants de moins de cinq ans fréquente régulièrement une garderie,9 les études d’intervention sur le sujet ont, par conséquence, été effectuées principalement dans les centres de la petite enfance.10-12 Toutefois, les interventions en activité physique ciblant d’autres types de garderies, comme les garderies en milieu familial, et celles qui incluent la participation parentale, sont abordées dans la littérature scientifique plus régulièrement.13-17
Questions clés pour la recherche
Les études publiées dans ce domaine ont principalement évalué si les programmes éducatifs axés sur l’activité physique structurée, l’entraînement aux habiletés motrices ou la diminution du nombre d’heures d’écran sont efficaces pour augmenter l’activité physique. D’autres études ont examiné les répercussions de changements environnementaux ou politiques sur le degré d’activité physique en garderie.
Récents résultats de recherche
Un nombre croissant d’études ont utilisé des devis expérimentaux pour évaluer des interventions visant à inciter les jeunes enfants à effectuer de l’activité physique. Seize d’entre elles ont examiné l’efficacité de programmes éducatifs spécialisés en activité physique ou de programmes d’entraînement moteur.18-33 Neuf études supplémentaires ont évalué les interventions composites axées sur les stratégies de pratiques et les politiques promouvant l’activité physique,34-40 notamment les effets de l’accentuation des possibilités de pratique du jeu libre pendant les heures de service de garde.41,42
Des 16 études qui portaient sur les programmes éducatifs, les activités comportaient des exercices très directifs et normatifs (sauts, sautillements, sauts à la corde et entraînement en circuit) ou des jeux d’imagination adaptés au niveau de développement et exigeant une certaine activation physique.18-33 Huit des études incluaient des stratégies pour améliorer les habiletés motrices fondamentales.19,22,24,26,27,32 Le personnel en petite enfance, le personnel de recherche ou une combinaison des deux mettaient en place les séances ou les leçons d’activité planifiées. Les enfants participaient de 2 à 5 fois par semaine aux activités d’intervention qui ne duraient que de 10 à 60 minutes. La durée de ces interventions variait de 2 jours,25,36 4 à 8 semaines,28,31 entre 3 et 5 mois,18,19,24,26,27,30 à des interventions plus longues de 6 à 18 mois.22,23,37 Parmi ces études, dix ont utilisé des accéléromètres afin de mesurer l’activité physique, dont neuf ont établi des paliers de mesure pour classer le temps consacré à des activités physiques d’intensités distinctes en différentes catégories.22,23,25,27-31,33 La collecte de données axée sur le temps consacré à l’activité physique incluait le temps pendant les heures de garde,21,27,28,33 l’activité quotidienne totale,22,31 ou une combinaison des deux.23,25,29,30
Parmi ces 16 essais, 10 ont signalé des hausses considérables du niveau d’activité physique21,25,27-30 ou des améliorations notables dans les aptitudes motrices fondamentales.22-24,32 Ces études portaient sur des interventions hautement structurées mises en œuvre dans le cadre de programmes d’activité physique répétitifs déployés par du personnel en services de garde dûment formé grâce à un perfectionnement professionnel et un soutien continu.
Les 9 études qui ont évalué des interventions environnementales ou politiques pour promouvoir l’activité physique ont rapporté des résultats positifs.34-42 Cinq études ont intégré des modifications apportées à l’environnement aménagé ou au temps dédié au jeu en plein air,34,36-38,41,42 2 études ont inclus l’implication des parents37,38 et 5 études ont incorporé la formation du personnel ou ont favorisé les appréciations axées sur la hausse de l’instauration de politiques promouvant l’activité physique.35,37,38,40,42 La durée des interventions oscillait de 2 à 5 jours,34,36,39 de 8 semaines à 6 mois,35,37,38,40-42 et sur 12 mois.39 L’obtention des résultats d’une étude menée actuellement est prévue dans un délai de 18 mois.40 Huit études ont eu recours à des accéléromètres pour mesurer l’activité physique au moyen de paliers de mesure pour classer le temps consacré à des activités physiques d’intensités distinctes en différentes catégories.34-38,40-42 La collecte de données axée sur le temps consacré à l’activité physique incluait le temps pendant les heures de garde34,35,37,40,42 et l’activité quotidienne totale.36,38,41 Une hausse importante de l’activité physique quotidienne mesurée objectivement a été constatée dans 5 études principalement dédiées à l’introduction d’équipement de jeu extérieur portatif, offrant des accès multiples à des activités ludiques non structurées et enseignant aux professeurs des écoles à intégrer l’activité physique aux activités pédagogiques régulières, dans le cadre de l’apprentissage de l’écriture, des chiffres et des sciences.34,35,38,41,42
Lacunes de la recherche
Afin d’approfondir notre compréhension dans ce domaine, voici quelques questions de recherche clés à aborder : 1) quelles sont les caractéristiques des milieux de vie qui favorisent l’activité physique chez les jeunes enfants? 2) les programmes visant à promouvoir le développement moteur ou l’activité physique chez les nourrissons et les tout-petits sont-ils garantis et, le cas échéant, quels paramètres et stratégies seraient efficaces? 3) des changements apportés en garderie comme l’intégration d’un terrain de jeu naturel et l’amélioration des aptitudes de leadership du fournisseur de services en matière d’activité physique permettent-ils d’inciter les jeunes enfants à effectuer plus d’activité physique? 4) les programmes d’activité physique structurée gérés par des spécialistes en éducation physique ou des fournisseurs d’activité physique en milieu communautaire sont-ils réalistes, viables à long terme et efficaces en matière de promotion de l’activité physique dans les différents milieux de vie des enfants? 5) comment les fournisseurs de soins à l’enfance peuvent-ils inciter et motiver les parents et les autres fournisseurs de soins à promouvoir et à appuyer l’activité physique à la maison?
Conclusions
On dispose dorénavant d’un nombre considérable d’études consacrées à l’évaluation de l’efficacité des interventions visant à encourager l’activité physique chez les jeunes enfants. Dans l’ensemble, les données scientifiques suggèrent que les interventions menées sur l’activité physique déployées dans le cadre de programmes pédagogiques destinés aux jeunes enfants et en service de garde augmentent efficacement les niveaux d’activité physique des enfants. L’enjeu consiste maintenant à déterminer comment il est possible de mettre en œuvre de façon accélérée de tels programmes à titre de pratiques de routine en milieu préscolaire.
Les appuis empiriques actuels, bien qu’ils soient toujours limités, suggèrent que de simples modifications apportées à l’environnement de jeu extérieur, comme la modification des horaires de jeu extérieur et l’accessibilité à un équipement de jeu portatif toujours prêt à être utilisé, peuvent inciter les jeunes à effectuer plus d’activité physique. De plus, former les enseignants afin qu’ils intègrent le mouvement dans leur programme de classe habituel semble efficace pour augmenter le niveau d’activité physique des jeunes d’âge préscolaire. Toutefois, l’octroi d’accès multiples de courte durée au jeu libre s’appuie sur la tendance innée des enfants à être actifs en début des séances de jeu, et peut représenter une option simple de changement de politique et de pratique sans exiger que le personnel du centre possède des aptitudes, une expertise professionnelle ou des ressources supplémentaires. Pourtant, la conduite d’études plus translationnelles est nécessaire pour confirmer ces résultats, notamment le soutien et les ressources octroyés actuellement aux éducateurs, dans le cadre d’essais contrôlés randomisés par grappes de plus grande envergure. Il est à noter que les essais qui comportent des pratiques ou des politiques composites au sein d’une même intervention compliquent l’analyse indépendante de l’effet d’une pratique ou d’une politique unique.
Jusqu’à présent, les programmes éducatifs offrant des opportunités de jeux modérément à vigoureusement actifs adaptés au stade de développement et des occasions de développement des habiletés motrices fondamentales ont des effets modérés sur la promotion de l’activité physique. De telles méthodes sont peut-être tout simplement inefficaces; dans ce cas, d’autres stratégies devraient être envisagées. Néanmoins, il ne faudrait pas oublier que ces études : 1) portaient sur la prévention de l’obésité plutôt que sur l’activité physique en soi, 2) offraient des séances d’activité relativement courtes (environ 30 minutes) et peu fréquentes (trois jours par semaine), 3) ont été effectuées sur une courte période (≤ 6 mois), et 4) ont utilisé des protocoles de mesure de l’activité physique dont la sensibilité était limitée.
Les programmes d’activité physique menés par des adultes et comprenant des séances d’exercice quotidiennes très structurées ont amené des niveaux plus élevés d’activité physique. Toutefois, il est important de noter que ces études portaient fondamentalement sur l’entraînement physique; l’accroissement de l’activité physique représentait le facteur modifié (la variable indépendante), et non le résultat d’un changement (la variable dépendante). Pour cette raison, la généralisation de ces résultats dans un contexte de santé publique plus souple, où il faut promouvoir et non imposer l’activité physique chez les jeunes enfants, est limitée.
Implications pour les parents, les services et les politiques
Pour les législateurs et les fournisseurs de services, la littérature scientifique actuelle contient des conseils limités en ce qui a trait aux méthodes efficaces pour promouvoir l’activité physique chez les jeunes enfants. La recherche suggère que le fait de former le personnel en service de garde à accroître les occasions d’effectuer de l’activité physique en classe et pendant la récréation peut être une stratégie efficace. Les enjeux concernent l’adoption adéquate des interventions là où la hausse de l’observance pourrait accentuer le niveau d’activité physique lors de l’évaluation des résultats. Dans ces milieux, les interventions exigeant des politiques ou des pratiques multiples en matière de santé pourraient nécessiter des types différents ou complémentaires de soutien à apporter à leur mise en place. En ce qui concerne la santé publique, il est particulièrement intéressant de cibler la formation dispensée aux prestataires de services de garde d’enfants puisque les formations pourraient être obligatoires pour obtenir un permis et être offertes par le biais des réseaux déjà existants d’éducation et de formation du personnel.
Selon les études disponibles, les décideurs et les fournisseurs de services devraient hésiter à adopter des programmes éducatifs autonomes axés sur l’activité physique structurée et l’entraînement aux habiletés motrices, puisqu’actuellement, il existe peu de preuves pour étayer leur efficacité. Toutefois, il est important de noter que les programmes structurés ne sont pas susceptibles de nuire aux jeunes enfants. En pratique, de tels programmes peuvent être très bénéfiques pour les jeunes enfants lorsqu’ils sont mis en place de manière responsable et qu’ils sont adaptés au stade de développement.
Bien que les appuis scientifiques portant sur les interventions en matière d’activité physique en garderie ne soient pas définitifs, il ne fait aucun doute que les parents jouent un rôle très important dans le développement et le support des comportements de leurs enfants par rapport à l’activité physique.2,13-17,38 Malgré le peu de programmes basés sur des appuis empiriques pour promouvoir l’activité physique en garderie, les parents doivent prendre la responsabilité d’encourager et d’appuyer l’activité physique chez leurs enfants. En conséquence, l’élaboration de programmes visant à éduquer et à appuyer les parents en la matière est une priorité.
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Pour citer cet article :
Trost SG. Interventions visant à promouvoir l’activité physique chez les jeunes enfants. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Reilly JJ, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/activite-physique/selon-experts/interventions-visant-promouvoir-lactivite-physique-chez-les-jeunes. Actualisé : Juin 2020. Consulté le 9 novembre 2024.
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