[Archivé] Programmes de visites pré et post natales à domicile et leur impact sur le développement psychosocial des jeunes enfants (0-5 ans) : Commentaires sur Olds, Kitzman, Zercher et Spiker


Chapin Hall Center for Children, University of Chicago, États-Unis
, Éd. rév.

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Introduction

Aux États-Unis, plusieurs analystes politiques et défenseurs citent les visites à domicile comme offrant une approche de prestation de services prometteuse pour éduquer les parents et réduire le potentiel d’abus.1,2,3 Ceci est particulièrement vrai si les services sont offerts au début du développement de l’enfant. La prestation de services pendant la grossesse ou à la naissance facilitent le développement d’un attachement positif et solide entre le parent et l’enfant et pose la pierre angulaire du développement futur.4 Le fait d’offrir ce type de services au domicile d’un parent présente de nombreux avantages supplémentaires. De tels services offrent à l’intervenant une excellente occasion d’évaluer la sécurité de l’environnement de vie de l’enfant et de travailler individuellement avec le parent pour améliorer les interactions parent-enfant. La méthode procure aussi au participant un certain degré d’intimité et à l’intervenant un certain degré de flexibilité qui sont difficiles à atteindre dans des programmes de groupes.

Malgré l’attrait théorique et populaire de la stratégie, les évaluations rigoureuses de programmes de visites pré et post natales à domicile confirment des niveaux de réussite inégaux, tel que souligné dans les trois articles soumis au CEDJE traitant de ce sujet. Zercher et Spiker considèrent les preuves empiriques à la lumière d’un ensemble plus large de questions de recherches et cherchent un soutien empirique pour l’efficacité et l’efficience de la méthode. En revanche, Kitzman met l’accent sur la capacité des programmes de visites à domicile à rejoindre efficacement les familles socialement défavorisées et porte une attention spéciale à la façon dont les différents éléments et structures de programmes influencent les taux d’inscription ainsi que les résultats individuels. Olds examine les preuves selon lesquelles ces types d’interventions peuvent traiter trois prédicteurs centraux de problèmes socio-affectifs chez les jeunes enfants (par exemple, la santé prénatale de la mère, le parcours de vie maternel et les soins parentaux). 

Les trois articles soulignent la grande variabilité des divers programmes regroupés sous le large titre de visites pré et post natales à domicile et le nombre limité de ce qui peut être qualifié d’études d’évaluation de « haute qualité » (c’est-à-dire celles qui utilisent des essais cliniques aléatoires).

Recherche et conclusions

En dépit de la popularité de l’innovation, les données évaluatives sur les programmes de visites à domicile recensées par les trois auteurs indiquent que les résultats positifs ne sont ni universels pour tous les modèles ni cohérents d’une population à l’autre. Les trois auteurs s’entendent sur le fait que de grands essais aléatoires concluent généralement que les services de visites à domicile produisent « une gamme limitée d’effets notables et que ces derniers sont souvent faibles ». Ces auteurs sont également d’accord sur le fait que les effets sont plus susceptibles de se produire chez les populations les plus défavorisées. Dans l’ensemble, se basant sur leurs propres travaux, Kitzman et Olds rejettent un peu moins l’intervention que Zercher et Spiker. Ils soulignent que des impacts importants et positifs ont été observés en matière de comportement de santé prénatale chez les mères, d’abus et de négligence envers les enfants et de relations mère-nourrisson, et que des impacts positifs peuvent être maintenus et améliorés avec le temps. Au moins une des études longitudinales citée dans les trois articles a démontré une réduction de la dépendance envers l’aide sociale et une diminution du comportement criminel dans le groupe traité comparé au groupe témoin.5 

Lorsqu’ils tirent leurs conclusions, Zercher et Spiker se basent presque exclusivement sur une source principale de données évaluatives, un résumé produit par la Packard Foundation à partir de données compilées il y a plus de 10 ans.6 Kitzman et Olds se réfèrent abondamment à leurs propres travaux. Pour être juste, la recherche de Kitzman et Olds constitue un ensemble impressionnant d’études. Le développement de leur programme Nurse Family Partnership (NFP) et son évaluation cohérente lors d’une série de tests aléatoires soigneusement conçus et de recherches longitudinales sont sans précédent dans le domaine de la planification des services sociaux. Le NFP reste un des programmes de visites à domicile les plus reconnus et systématiquement implantés aux États-Unis. 

Cependant, depuis la publication du Packard Report, la base de la recherche sur les programmes de visites pré et post natales à domicile s’est élargie et s’est nuancée. Les méta analyses de cette base de recherche étendue confirment les impacts du modèle sur une série de facteurs de protection et de risque associés à la maltraitance des enfants.7,8,9 De plus, Tous les modèles principaux de programmes de visites à domicile aux États-Unis prennent part à plusieurs activités de recherche, dont beaucoup ont des modèles mieux définis et portent une attention plus rigoureuse à la question clé de l’inscription et de la rétention des participants, de la formation du personnel et des normes d’assurance de qualité.10 Par exemple, les récents résultats qui se dégagent du premier suivi de deux ans du Early Head Start National Demonstration Project confirment l’efficacité des programmes de visites à domicile auprès des nouveaux parents. Plus particulièrement,  dans cet essai aléatoire à grande échelle, les mères qui ont participé à Early Head Start étaient plus encourageantes, plus sensibles, moins détachées et plus susceptibles de prolonger le jeu pour stimuler le développement cognitif, le langage et l’alphabétisation que les mères assignées au groupe témoin.

Les mères qui ont participé à Early Head Start ont aussi rapporté un recours moins fréquent à la fessée, et en général, ont décrit avoir utilisé des formes plus douces de discipline pour gérer leur enfant de deux ans.11 Ces impacts étaient plus susceptibles de se produire chez les récipiendaires de Early Head Start qui se sont inscrits aux programmes mettant en place les programmes de visites à domicile que chez ceux inscrits dans des programmes reposant exclusivement sur des services basés dans des centres, bien que les programmes qui combinaient les deux formes de services aient obtenu les gains les plus solides. 

Plutôt que de considérer le manque de résultats cohérents comme une indication d’échec du programme, on pourrait dire de ces modèles qu’ils soulignent l’inévitable limite de toute intervention isolée, peu importe si elle est bien conçue et bien offerte.12 L’amélioration des résultats des enfants et de la capacité parentale ne demande pas simplement un programme solide, mais aussi des systèmes de soins de grande qualité. En effet, des recherches plus récentes suggèrent que l’association entre ces types d’interventions intensives à domicile et un programme de groupe ou basé dans la communauté peut augmenter de façon spectaculaire la proportion des nouveaux parents qui utiliseront les services de prévention.13,14,15 Davantage de recherches sont nécessaires en cette matière pour identifier le rôle unique joué par les visites à domicile dans le contexte d’un système large et diversifié de soutien et d’éducation parentale. 

Implications pour le développement des politiques

Les trois articles offrent des perspectives différentes sur l’utilité d’étendre les services de visites à domicile. Kitzman suggère que pour renforcer la base de connaissances, les programmes de visites à domicile devront conserver l’intégrité et l’engagement envers un modèle donné afin de déterminer l’efficacité générale ainsi que l’utilité spécifique des divers éléments structurels. Zercher et Spiker soutiennent que l’on devrait utiliser l’intervention uniquement comme stratégie de prévention secondaire. Ils font aussi remarquer qu’il n’existe aucune preuve empirique pour une stratégie de prestation de service universel. Olds nous avertit que l’application du modèle à une nouvelle culture ou à une nouvelle population devrait se faire uniquement après avoir investi dans des essais cliniques aléatoires. 

Alors que les programmes individuels de visites à domicile sont de mieux en mieux définis et de plus en plus soigneusement mis en place, la meilleure méthode d’évaluation rigoureuse de leur efficacité est moins claire. La diversité des besoins familiaux et des trajectoires d’amélioration du développement de l’enfant suggère que les programmes de visites à domicile les plus efficaces seront ceux qui sont non seulement bien implantés, mais aussi bien informés sur les défis et les forces uniques de leurs communautés locales.16 La compréhension complète des impacts des programmes de visites à domicile requiert donc diverses méthodes d’évaluation. Les meilleures politiques et programmes peuvent émerger quand nous considérons les leçons collectives d’un grand ensemble de recherches qui utilisent divers modèles théoriques et différentes méthodologies.17

Références 

  1. U.S. Government Accounting Office (GAO). Home visiting: A promising early intervention strategy for at-risk families. Washington, DC: U.S. Government Printing Office; 1990. GAO/HRD-90-83.
  2. U.S. Department of Health and Human Services, U.S. Advisory Board on Child Abuse and Neglect. Creating caring communities: Blueprint for an effective federal policy for child abuse and neglect. Washington, DC: U.S. Government Printing Office; 1991.
  3. Hahn RA, Bilukha OO, Crosby A, Fullilove MT, Liberman A, Moscicki EK, Snyder S, Tuma F, Schofield A, Corso PS, Briss P. First reports evaluating the effectiveness of strategies for preventing violence: Early childhood home visitation. Findings from the Task Force on Community Preventive Services. Morbidity and Mortality Weekly Report 2003;52(RR-14):1-9.
  4. Carnegie Task Force on Meeting the Needs of Young Children. Starting points: Meeting the needs of our youngest children. New York, NY: Carnegie Corporation of New York; 1994. Version abrégée disponible sur le site: http://www.carnegie.org/starting_points/. Page consultée le 12 février 2007.
  5. Olds D, Henderson CR Jr, Cole R, Eckenrode J, Kitzman H, Luckey D, Pettitt L, Sidora K, Morris P, Powers J. Long-term effects of nurse home visitation on children’s criminal and antisocial behavior: 15-year follow-up of a randomized controlled trial. JAMA - Journal of the American Medical Association 1998;280(14):1238-1244.
  6. Gomby DS, Culross PL, Behrman RE. Home visiting: Recent program evaluations - Analysis and recommendations. The Future of Children 999;9(1):4-26.
  7. Bakermans-Kranenburg MJ, van IJzendoorn MH, Juffer F. Less is more: Meta-analyses of sensitivity and attachment interventions in early childhood. Psychological Bulletin 2003;129(2):195-215.
  8. Geeraert L, Van den Noortgate W, Grietens H, Onghena P. The effects of early prevention programs for families with young children at risk for physical child abuse and neglect: A meta-analysis. Child Maltreatment 2004;9(3):277-291.
  9. Sweet MA, Appelbaum MI. Is home visiting an effective strategy? A meta-analytic review of home visiting programs for families with young children. Child Development 2004;75(5):1435-1456.
  10. Daro D. Home Visitation: Assessing Progress, Managing Expectations. Chicago, Ill: Chapin Hall Center for Children. Disponible sur le site: http://www.chapinhall.org. Page consultée le 12 février 2007.
  11. U.S. Department of Health and Human Services. Building Their Futures: How Early Head Start Program are Enhancing the Lives of Infants and Toddlers in Low Income Families. Summary Report. Washington D.C.: Commissioner’s Office of Research and Evaluation, Head Start Bureau; 2001. Disponible sur le site: http://www.mathematica-mpr.com/publications/PDFs/buildsumm.pdf. Page consultée le 12 février 2007.
  12. Weiss HB. Home visits: necessary but not sufficient. The Future of Children 1993;3(3):113-128.
  13. Anisfeld E, Sandy J, Guterman NB. Best Beginnings: A Randomized Controlled Trial of a Paraprofessional Home Visiting Program. New York, NY: Columbia University School of Social Work; 2004. Disponible sur le site: http://www.healthyfamiliesamerica.org/downloads/eval_NY_bb_2004.pdf. Page consultée le 12 février 2007.
  14. Constantino JN, Hasemi, N, Solis E, Alon T, Haley S, McClure S, Nordlicht N, Constantino MA, Elmen J, Carlson VK. Supplementation of urban home visitation with a series of group meetings for parents and infants: results of a “real world” randomized, controlled trial. Child Abuse and Neglect 2001;25(12):1571-1581.
  15. Klagholz D. Starting Early Starting Smart: Final Report. Great Falls, Mont: Donna D. Klagholz & Associates, LLC; 2005. Disponible sur le site: http://www.healthyfamiliesamerica.org/research/index.shtml. Page consultée le 12 février 2007.
  16. Daro D, Cohn-Donnelly A. Child abuse prevention: Accomplishments and challenges. In: Myers JEB, Berliner L, Briere J, Hendrix T, Jenny C, Reid T, eds. The APSAC handbook on child maltreatment. 2nd ed. Thousand Oaks, Calif: Sage Publications; 2002:431-448. 
  17. McCall RB, Green BL. Beyond the methodological gold standards of behavioral research: Considerations for practice and policy. Social Policy Report 2004;18(2):3-19. Disponible sur le site: http://www.srcd.org/Documents/Publications/SPR/spr18-2.pdf. Page consultée le 12 février 2007.

Pour citer cet article :

Daro D. [Archivé] Programmes de visites pré et post natales à domicile et leur impact sur le développement psychosocial des jeunes enfants (0-5 ans) : Commentaires sur Olds, Kitzman, Zercher et Spiker. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Spiker D, Gaylor E, éds. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/visites-domicile/selon-experts/programmes-de-visites-pre-et-post-natales-domicile-et-leur-impact-sur. Actualisé : Août 2006. Consulté le 28 mars 2024.

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