[Archivé] Comportement de sommeil et impact sur le développement psychosocial de l’enfant : Commentaires sur Holditch-Davis, Thoman, Anders, et Sadeh


University of Florence, Italie
, Éd. rév.

Version PDF

Introduction

Plusieurs auteurs soulignent l’importance des premiers mois de la vie pour ce qui est du développement de l’organisation du sommeil (voir1,2 pour une recension). Avant la fin de la première année, le cerveau construit plusieurs des caractéristiques d’activités et d’états que l’enfant manifestera à l’âge adulte. Grâce aux enregistrements polygraphiques, il est possible d’observer l’activité du cerveau (EEG) et d’autres variables psychologiques. D’autres techniques comme l’enregistrement vidéo et l’actigraphie permettent de décrire le comportement (y compris le comportement moteur). Au cours des dernières décennies, on a démontré l’importante contribution des enregistrements à long terme3,4 qui montrent que le rythme veille-sommeil se classe sous la rubrique du développement des cycles biologiques.

Une approche relativement récente (au cours des dix dernières années) s’est consacrée à l’examen de la compréhension et des croyances parentales et face à l’organisation du sommeil des nourrissons.5-7

Les 4 articles comprennent ces approches et fournissent un bon échantillon des tendances courantes de la recherche.

 

Comportement de sommeil des bébés prématurés et impacts sur le développement psychosocial de l’enfant. Commentaire sur Holditch-Davis

Recherche et conclusions

Holditch-Davis insiste à juste titre sur le lien entre l’organisation veille-sommeil et le fonctionnement du cerveau. Elle mentionne particulièrement que les nourrissons«atteints de problèmes neurologiques manifestent une organisation de sommeil anormale » Nous sommes tous d’accord avec cette affirmation depuis les études novatrices de Dreyfus-Brisac et ensuite celles de Prechtl. Le développement normal du cerveau est aussi « représenté » par celui des états comportementaux.8 À ce sujet, Holditch-Davis présente des données personnelles sur les étapes du développement des composantes des états des nourrissons prématurés à haut risque. De plus, l’auteur évoque des études sur les prématurés en bonne santé. Les similitudes entre tendances des nourrissons à risque élevé et faible méritent d’être mentionnées et soulèvent certaines questions.

L’article souligne les réponses à l’environnement qui changent pendant le sommeil ; ceci est un point important. La description de comportements « spontanés » pendant le sommeil et l’éveil est aussi importante, puisque la première expérience que vivent les parents est le comportement spontané de leur bébé.

On dit de l’évaluation de l’organisation du sommeil qu’elle sert à prédire les développements futurs, ce qui constitue une affirmation principalement clinique. Nous sommes d’accord, à condition que l’évaluation de l’organisation du sommeil s’accompagne d’autres instruments et examens cliniques (voir le « concept d’optimalité » de Prechtl). Dans ce cadre, l’affirmation au début de l’article selon laquelle « Les cliniciens et les chercheurs utilisent certains comportements spécifiques du nourrisson pour identifier les complications médicales aiguës » accorde, selon moi, trop de poids au comportement dans le domaine neurologique.

Lorsque l’auteur affirme que « Le sommeil paradoxal est nécessaire au développement du cerveau », il mentionne un aspect théorique. Cette affirmation est discutable (voir9 pour une discussion plus en profondeur).

Nous serions d’accord sur l’utilité d’examiner la « maturation des comportements de sommeil… », bien que j’emploierais le terme « développement ». Cependant, je pense que le recours systématique aux états de sommeil pour identifier les enfants prématurés qui bénéficieraient d’une intervention précoce est excessif et exagéré.

Implications pour les perspectives politiques et de développement

Une autre suggestion, qui s’ajoute à celles de l’article sur les politiques et services, concerne les services de soins néonataux. Des interventions devraient être mises en œuvre pour réduire la motilité et les pleurs excessifs afin de contribuer au processus anabolique et au gain de poids, comme on l’a démontré chez les nourrissons.9

 

Profils de sommeil et impacts sur le développement psychosocial de l’enfant. Commentaire sur Thoman

Recherche et conclusions

Je suis entièrement d’accord avec l’affirmation de Thoman selon laquelle « Le sommeil naît d’interactions physiologiques extrêmement complexes ». Malheureusement, nous ne savons pas quelles « régions du cerveau » sont impliquées.

Thoman insiste sur « la continuité des problèmes de sommeil avec l’âge » qui ne serait qu’une tendance pour certains problèmes de sommeil. Il ne faut pas oublier le fait que les perturbations précoces du rythme sommeil/veille sont souvent suivies d’une multitude de problèmes de sommeil qui se produisent à des âges ultérieurs,10 alors que les problèmes précoces moins graves peuvent disparaître plus tard.

Plusieurs conditions cliniques sont mentionnées à juste titre, elles font l’objet de recherche et l’approche thérapeutique est efficace (on l’appelle la médecine du sommeil de l'enfant), par exemple pour l’apnée obstructive du sommeil.

Implications pour les perspectives politiques et de développement

En ce qui a trait aux « politiques et aux services », Thoman cite et souligne la recherche qui démontre l’utilité de la « prévention » et de l’éducation des parents, ce qui peut devenir une perspective pratique acceptable, en autant que l’on reconnaisse que seulement « certains » parents peuvent être aidés, et que l’on peut intervenir uniquement sur « certaines » perturbations du sommeil. Dans tous les cas, on devrait considérer que l’information donnée à tous les parents et les formes spéciales d’éducation devraient être une composante fondamentale de toute approche psychologique du sommeil et de ses troubles développementaux.

L’évaluation implique de nouveaux « outils diagnostiques ». Les gens qui en sont chargés peuvent ou non être médecins ou psychologues, bien que présentement, on ait peu d’information à ce sujet. La formation des professionnels du domaine des troubles développementaux du sommeil représente un des plus grands défis dans l’approche du problème. Nous devrions aider les médecins et les psychologues à augmenter leurs connaissances sur le sommeil plutôt qu’ouvrir trop de nouvelles unités centrées sur les troubles du sommeil spécifiques ou rares.

En ce qui concerne les contributions de Thoman et de Holditch-Davis, on devrait ajouter que de récentes contributions éclairent les aspects physiologiques et cliniques du réveil, dont l’augmentation constitue un aspect important des perturbations précoces du sommeil (voir les contributions de Salzarulo et Ficca11). Les séquences d’événements précédant le réveil ont été décrites, dans le cas de développement normal et dans les contextes cliniques.12,13,14,15

 

Organisation et problèmes du rythme veille-sommeil et développement psychosocial de l’enfant. Commentaire sur Anders

Recherche et conclusions

L’article d’Anders résume correctement la plupart des articles sur le développement des états de sommeil et des cycles de veille-sommeil. Il conclut que la plus grande part du développement est terminée à la fin de la première année de vie, une affirmation avec laquelle je suis d’accord (voir2,3,16).

Il soulève une question fondamentale : les rôles respectifs des influences biologiques et psychologiques. L’article passe ensuite aux problèmes de sommeil qui constituent la préoccupation principale, en affirmant qu’on « sait peu de choses sur leurs causes. » Utiliser le mot « cause » revient à adopter une perspective étiologique. Je préférerais dire « conditions dans lesquelles ils apparaissent ».

L’article insiste sur un point important, à savoir la relation entre les problèmes de sommeil successifs et différents (du réveil nocturne aux difficultés à s’endormir, et la fréquence à laquelle ces problèmes se coproduisent). On dispose de peu de données sur ce sujet10, et de plus amples recherches sont nécessaires. Je suis d’accord avec l’affirmation suivante : « Les médicaments destinés à promouvoir le sommeil restent les traitements prescrits les moins appropriés », qui est soutenue par divers résultats de recherche.17

Implications pour les perspectives politiques et de développement

Anders souligne le besoin d’une bonne hygiène de sommeil, évoquant plusieurs conséquences négatives des troubles du sommeil. Bien que je partage son opinion sur le besoin d’une bonne hygiène de sommeil, certains des cas cliniques qu’il mentionne ne sont pas nécessairement reliés aux problèmes de sommeil.

Il est certainement important d’éviter le stress à la famille, stress qui peut avoir des conséquences sur le sommeil et la santé du bébé (voir commentaires sur Thoman).

Anders et Thoman soulignent tous les deux les conséquences des perturbations de sommeil, c'est-à-dire du « réveil nocturne » sur la perte de sommeil des parents. Nous sommes d’accord avec cette perspective importante. Malheureusement, nous savons peu de choses sur les caractéristiques de ces familles (voir les études de Lozoff et al. sur le rôle des facteurs socioculturels). Les perturbations du sommeil de la mère, qui peuvent devenir un problème durable, constituent la première étape.18

Anders et Thoman examinent les principales étapes du développement du sommeil. Je suis d’accord avec le résumé de leur description.

 

Développement du système veille-sommeil et relation avec le développement psychosocial de l’enfant. Commentaire sur Sadeh

Recherche et conclusions

Sadeh mentionne le rôle du contexte psychosocial (les parents) sur le sommeil du nourrisson et ensuite celui des perturbations du sommeil de ce dernier sur le bien-être des parents. Nous sommes d’accord avec ces deux énoncés. Cependant, ce qui manque, c’est la nécessité de prendre en compte l’âge du bébé lorsque l’on spécule sur l’influence de l’environnement.

Sadeh cite des pourcentages d’enfants qui dorment mal pendant les trois premières années de leur vie (20 à 30 %). Ces pourcentages sont très dépendants, entre autres facteurs, des critères utilisés pour définir les « problèmes de sommeil » et ils varient considérablement.

Il mentionne aussi le rôle des caractéristiques parentales et de l’interaction entre les parents et l’enfant au moment du coucher. Cependant, le lien entre la personnalité des parents, la psychopathologie et l’interaction au moment du coucher n’a pas été étudié, bien que selon moi, il devrait l’être. Il ne suffit pas de vérifier en termes quantitatifs l’effet des parents au moment du coucher; l’aspect qualitatif est de la plus haute importance.

L’auteur fait un important commentaire sur le fait que tous les stresseurs ne provoquent pas de perturbations du sommeil (et j’ajouterais : pas pour tous les nourrissons ou toutes les familles).

Implications pour les perspectives politiques et de développement

Concernant la relation entre le sommeil perturbé et l’adaptation moins qu’optimale au préscolaire, je pense qu’on insiste trop sur le rôle des perturbations du sommeil. Les problèmes préscolaires et scolaires sont souvent associés aux perturbations du sommeil, mais n’y sont pas reliés. Dans la section consacrée aux politiques, Sadeh insiste sur le traitement et l’intervention précoce, ce en quoi la plupart d’entre nous sommes d’accord. Cependant, il est important de ne pas considérer n’importe quel comportement « problématique » comme pathologique à un âge précoce. Je ne suis pas sûr que « les programmes de dépistage et d’intervention précoce devraient faire partie intégrante de tous les services de santé pour les enfants. »

Références

  1. Dreyfus-Brisac C. Organization of Sleep in Prematures: Implications for Caregiving. In: Lewis M, Rosenblum LA, eds. The Effect of the Infant on Its Caregiver. New York, NY: John Wiley and Sons; 1974:123-140.
  2. Salzarulo P, Fagioli I. Changes of sleep states and physiological activities across the first year of life. In: Kalverboer A, Genta ML, Hopkins B, eds. Current issues in developmental psychology. Biopsychological perspectives. Dordrecht, Neth: Kluwer; 1999:53-74.
  3. Fagioli I, Salzarulo P. Sleep states development in the first year of life assessed through 24 hour recordings. Early Human Development 1982;6(2): 215-228.
  4. Louis J, Cannard C, Bastuji H, Challamel MJ. Sleep ontogenesis revisited: a longitudinal 24-hour home polygraphic study on 15 normal infants during the first two years of life. Sleep 1997;20(5):323-333.
  5. Toselli M, Farneti P, Salzarulo P. Infant sleep representation in the pregnant women. Journal of Reproductive & Infant Psychology 1995;13(1):47-50.
  6. Toselli M, Farneti P, Salzarulo P. Maternal representation and care of infant sleep. Early Development and Parenting 1998;7(2):73-78.
  7. Morrell JMB. The role of maternal cognitions in infant sleep problems as assessed by a new instrument, the maternal cognitions about infant sleep questionnaire. Journal of Child Psychology & Psychiatry & Allied Disciplines 1999;40(2):247-258.
  8. Prechtl HFR, O'Brien MJ. Behavioural states of the Full-term Newborn. The Emergence of a concept. In Stratton P, ed. Psychobiology of the Human Newborn. New York, NY: John Wiley and Sons; 1982:53-73.
  9. Fagioli I, Ricour C, Salomon F, Salzarulo P. Weight changes and sleep organisation in infants. Early Human Development 1981;5(4):395-399.
  10. Salzarulo P, Chevalier A. Sleep problems in children and their relationship with early disturbances of the waking-sleeping rhythms. Sleep 1983;6(1):47-51.
  11. Salzarulo P, Ficca G, eds. Awakening and sleep-waking cycle across development. Amsterdam, Netherlands: Benjamin; 2002.
  12. Zampi C, Fagioli I, Salzarulo P. Time course of EEG background activity level before spontaneous awakening in infants. Journal of Sleep Research 2002;11(4):283-287.
  13. Zampi C, Fagioli I, Salzarulo P. Time course of EEG background activity level before spontaneous awakening in the second semester of human life. Neuroscience Letters 2003;349(2):83-86.
  14. Thach BT, Lijowska A. Arousals in infants. Sleep 1996;19(10 Suppl):S271-S273.
  15. Curzi-Dascalova L, Zotter H, Ariagno R, Mirmiran M. Spontaneous arousal and awakenings in preterm and full-term infants. In: Salzarulo P, Ficca G, eds. Awakening and sleep-waking cycle across development. Amsterdam, Netherlands: Benjamins; 2002:79-94.
  16. Salzarulo P, Giganti F, Fagioli I, Ficca G. Early steps of awakening process. Sleep Medecine 2002;3(suppl 2):S29-S32.
  17. Choquet M, Davidson F. Les facteurs favorisant l’administration de sédatifs chez les nourrissons et leur signification. Pédiatrie préventive et sociale 1978; 35: 785-792.
  18. Salzarulo P, Rigoard MT. Long-lasting sleep disturbances in women after childbirth. Journal of Reproductive & Infant Psychology 1987;5(4):245-246.

Pour citer cet article :

Salzarulo P. [Archivé] Comportement de sommeil et impact sur le développement psychosocial de l’enfant : Commentaires sur Holditch-Davis, Thoman, Anders, et Sadeh. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Petit D, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/sommeil/selon-experts/comportement-de-sommeil-et-impact-sur-le-developpement-psychosocial-de-lenfant. Actualisé : Janvier 2006. Consulté le 20 avril 2024.

Texte copié dans le presse-papier ✓