Soutenir le développement des nourrissons et des familles vulnérables par des soins centrés sur la famille : commentaires sur Als, Westrup, ainsi que Mallik et Spiker


BC Children’s Hospital & University of British Columbia, Canada
, 2e éd.

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Introduction

Entre 1970 et 1990, la survie et les taux de déficience chez les nouveau-nés à haut risque se sont grandement améliorés grâce à des avancées majeures en physiologie et en technologie néonatales, ainsi qu’à l’organisation des soins néonatals intensifs régionalisés. Les soins intensifs continuent à être principalement centrés sur la médecine et la physiologie, et les patients sont soumis à des périodes prolongées de stimuli négatifs reliés aux traitements médicalement nécessaires et répétés, dans un environnement qui diffère énormément de celui de l’utérus. Als, un des plus fervents adeptes de la mise en place de soins centrés sur le bébé et sur la famille,1 a élaboré une approche basée sur la théorie pour recentrer profondément le modèle des interactions en soins néonatals sur les besoins du bébé et de la famille. Son programme Newborn Individualized Developmental Care and Assessment Program (NIDCAP),2 l’intervention développementale la plus largement utilisée en soins néonatals, nécessite de former le personnel et les parents dans l’unité de soins intensifs néonatals (USIN) afin qu’ils soient sensibles aux signes comportementaux et développementaux des bébés et qu’ils y réagissent adéquatement.

Cette approche est intéressante parce qu’elle est accueillante, bienfaisante et humaine et aussi parce qu’en réduisant le stress et en favorisant les interactions mère-nourrisson au cours desquelles les deux réussissent à interpréter les signes respectifs de l’autre (interactions dyadiques) et à y réagir, on peut espérer de meilleurs résultats. Cependant, pour le moment, les spécialistes en néonatalogie ont des opinions nettement contradictoires en ce qui concerne les preuves de l’efficacité et de la rentabilité du NIDCAP, et en conséquence, ce programme est adopté à différents niveaux de par le monde.

Westrup, est un leader de l’évaluation critique des soins développementaux en matière d’USIN, et il a effectué plusieurs études sérieuses à court et à long terme. De plus, il est co-auteur de deux récentes recensions de la documentation sur les preuves de leur efficacité.3,4 Mallik et Spiker quant à eux sont des leaders de la recherche sur l’accessibilité et l’efficacité des interventions développementales précoces dans la communauté, après la sortie de l’hôpital des nourrissons et de leur famille à haut risque, pendant les trois premières années de la vie. De plus, ce sont actuellement eux qui dirigent l’Étude nationale longitudinale sur l’intervention précoce effectuée aux États-Unis.5

Recherche et conclusions

Als résume fort bien son approche des soins développementaux individualisés destinés aux nouveau-nés en utilisant le NIDCAP pour diminuer la surcharge sensorielle et la douleur inattendues et pour améliorer les forces, la compétence développementale du nourrisson, la sensibilité dans l’interaction développementale de la famille et la participation aux soins. Elle traite des réserves entourant le NIDCAP, basées sur l’absence de validation scientifique des éléments, et de certaines des questions pratiques et logistiques qui rendent le programme plus difficile à adopter dans certains contextes. Elle souligne les difficultés d’effectuer des essais aléatoires contrôlés rigoureux et résume la recherche récemment publiée. Als est convaincue de l’efficacité du NIDCAP, elle préconise ardemment son adoption et elle développe des stratégies visant à améliorer son acceptation et sa mise en place.

Westrup résume la recherche dans cinq domaines de bienfaits potentiels du NIDCAP; les problèmes médicaux après la naissance, l’implication des parents dans les soins, les hospitalisations plus courtes et les économies, les problèmes de développement moteur et intellectuel à long terme et les problèmes de comportement pendant la petite enfance et la période scolaire. Les résultats sont disparates dans la documentation recensée, une majorité d’études comportant des échantillons de petite taille, et ils indiquent un avantage marginal ou significatif dans le groupe du NIDCAP – y compris la gravité moindre des maladies pulmonaires et un meilleur développement après un suivi à court terme. Westrup considère que l’acceptation plus étendue du NIDCAP dépend d’essais plus larges visant à quantifier plus clairement les avantages des soins développementaux individualisés.

Mallik et Spiker décrivent l’utilisation d’un outil d’intervention différent, le Infant Health and Development Program (IHDP), dans huit établissements médicaux qui desservent diverses populations démographiques dans différents lieux géographiques. Il s’agissait d’une étude interventionnelle avec groupe témoin, entreprise auprès de nourrissons prématurés au moment de leur sortie de l’hôpital et qui s’étend jusqu’à l’âge de 36 mois. L’évaluation comprenait la santé, ainsi que la compétence cognitive et comportementale, et le taux de suivi était élevé dans les deux groupes jusqu’à l’âge de huit ans. Les sujets du groupe d’intervention avaient des résultats de QI plus élevés, moins de marqueurs de difficultés comportementales et une morbidité mineure légèrement plus élevée à 36 mois d’après les rapports des mères. Ces effets s’estompaient néanmoins entre 5 et 8 ans. Les chercheurs ont découvert des effets positifs modestes sur les modèles d’interaction mère-enfant et sur la qualité de l’environnement familial. Ils attribuent la disparition des effets bénéfiques à l’incapacité de plusieurs familles socialement défavorisées de maintenir des environnements enrichis au plan développemental après la fin de l’étude. Dans leurs travaux, Mallik et Spiker ont souligné à plusieurs reprises l’importance des facteurs sociaux et socio-économiques sur les répercussions ultérieures.

Implications pour le développement de politiques

Les déterminants de l’impact des maladies périnatales et néonatales sur les nourrissons à risque développemental sont complexes. En plus des variables des maladies néonatales, les populations de familles ayant des prématurés sont de statut socio-économique inférieur à celui des familles ayant des enfants nés à terme, c’est pourquoi elles sont plus à risque au plan développemental. Dans les analyses des données, à plusieurs reprises, le statut socio-économique prédit aussi bien, sinon mieux, des conséquences à long terme que la plupart des variables conventionnelles des maladies néonatales.

Les nourrissons prématurés manifestent des signes comportementaux vagues et beaucoup plus difficiles à interpréter que ceux des nourrissons nés à terme. Le prématuré et la mère sont donc particulièrement à risque de ne pas réussir à former une relation dyadique fonctionnelle sur laquelle repose l’apprentissage social et développemental ultérieur.6 Le processus du NIDCAP en soi est susceptible de favoriser une interaction dyadique mère-enfant plus fonctionnelle dans les familles d’enfants prématurés à haut risque, de meilleures interactions mère-enfant, des modèles de parentage plus cohérents et un moins grand besoin de services de santé mentale pour le nourrisson. Les études aléatoires contrôlées visant à contrôler ces effets sont difficiles à effectuer, mais pas impossibles. Selon moi, c’est un domaine dans lequel le NIDCAP peut se révéler rentable.

Le cerveau immature est sujet à des blessures permanentes et à des modifications structurelles et chimiques subtiles causées par des expériences précoces négatives pendant les soins néonatals et la petite enfance. Ce sont des précurseurs potentiels de difficultés cognitives, motrices, comportementales et psychosociales ultérieures. L’efficacité du NIDCAP à réduire les impacts de la douleur et du stress peut aussi avoir des effets bénéfiques sur le cerveau en développement, qui deviendront évidents quand le développement comportemental, social, affectif et peut-être aussi cognitif s’améliorera plus tard dans l’enfance. Ceci n’a pas encore été adéquatement étudié, et le NIDCAP n’a pas été comparé à d’autres interventions visant à réduire les effets de la douleur et du stress. La suggestion de Westrup en faveur d’une plus grande adoption du NIDCAP afin de mieux l’évaluer fournirait une occasion d’étudier de telles questions.

L’application néonatale de l’approche NIDCAP, ou de quelque chose de similaire, ne diminue pas la nécessité de soutenir le développement des nourrissons à haut risque et leur famille après leur sortie de l’hôpital. Les effets sont susceptibles de s’ajouter et d’être peut-être plus importants pour la santé et le bien-être futur des ex-participants de l’USIN que les avancées continuelles en matière de soins néonatals intensifs. Dans ce domaine, il est très difficile d’entreprendre des recherches sur la population étudiée et de les transférer facilement dans différents environnements communautaires. Par conséquent, la documentation inhérente est substantielle et déroutante. Il est difficile de comprendre quelles études peuvent s’appliquer significativement à la communauté pour laquelle on élabore la politique. Parmi les nombreuses études, le Avon Premature Infant Project7 mérite particulièrement de figurer dans la recension.

Tel que souligné par Mallik et Spiker, il est peu probable qu’une seule intervention puisse « inoculer » un enfant de façon permanente. Si nous nous efforçons vraiment de promouvoir la réussite développementale et sociale des enfants à haut risque, en plus de fournir des soins intensifs, il faut s’engager à mettre en place un continuum de soutien qui se préoccupe primordialement de leur développement depuis la naissance jusqu’à l’adolescence.

Références

  1. Als H. Individualized, family-focused developmental care for the very-low-birth-weight preterm infant in the NICU. In: Friedman SL, Sigman MD, eds. The psychological development of low-birthweight children. Norwood, NJ: Ablex; 1992:341-388. Annual advances in applied developmental psychology; vol 6.
  2. Als H. A synactive model of neonatal behavioral organization. Physical and Occupational Therapy in Pediatrics 1986;6(3-4):3-55.
  3. Westrup B, Stjernqvist K, Kleberg A, Hellstrom-Westas L, Lagercrantz H. Neonatal individualized care in practice: a Swedish experience. Seminars in Neonatology 2002;7(6):447-457.
  4. Sizun J, Westrup B. Early developmental care for preterm neonates: a call for more research. Archives of Disease in Childhood Fetal and Neonatal Edition 2004;89(5):F384-F388. 
  5. The National Early Intervention Longitudinal Study. Disponible sur le site: http://www.sri.com/neils/index.html. Page consultée le 29 novembre 2005.
  6. Whitfield MF. Psychosocial effects of intensive care on infants and families after discharge. Seminars in Neonatology 2003;8(2):185-193.
  7. Randomised trial of parental support for families with very preterm children. Avon Premature Infant Project. Archives of Disease in ChildhoodFetal and Neonatal Edition 1998;79(1):F4-F11.

Pour citer cet article :

Whitfield MF. Soutenir le développement des nourrissons et des familles vulnérables par des soins centrés sur la famille : commentaires sur Als, Westrup, ainsi que Mallik et Spiker. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/prematurite/selon-experts/soutenir-le-developpement-des-nourrissons-et-des-familles-vulnerables-par. Actualisé : Juillet 2008. Consulté le 28 mars 2024.

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