[Archivé] Prévention précoce de l’obésité


University of Glasgow, Royaume-Uni

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Introduction

L’épidémie d’obésité a affecté la plus grande partie du monde au cours des dernières années, et la prévalence de cette maladie continue à augmenter.1 Les enfants d’âge préscolaire et les jeunes enfants ne sont pas immunisés contre cette épidémie. L’obésité a des conséquences négatives à court terme (pour l’enfant qui en est atteint) et pour l'adulte qui était obèse quand il était enfant.2

Sujet

Notre récente revue de littérature2 systématique a découvert plusieurs comorbidités de l’obésité psychiatrique. Cependant, ces dernières sont plus courantes et plus graves chez les enfants plus âgés et chez adolescents que chez les jeunes enfants.2 Néanmoins, l’obésité vers l’âge de quatre à cinq ans est un problème parce qu’elle a tendance à persister. La persistance est plus forte quand l’obésité est très grave et quand au moins un des parents est obèse, mais certains jeunes enfants qui en sont atteints vont retrouver un poids normal en grandissant et devenir non obèses malgré l’absence de programmes d’intervention.

L’obésité grave est rare avant l’âge de trois ans, et peut indiquer une maladie sous-jacente ou un trouble génétique comme le syndrome Prader-Willi. Les enfants de moins de trois ans qui souffrent d’obésité grave devraient donc être identifiés et orientés vers des soins primaires ou secondaires pour des examens plus étendus.

L’obésité résulte de l’activité physique réduite ou de l’augmentation de la consommation d’énergie (nourriture). Les niveaux d’activité physique peuvent être très bas chez les enfants contemporains, bien inférieurs aux 60 minutes par jour d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse actuellement recommandée3- comme le montrent des études récentes qui utilisent des mesures objectives de l’activité physique et de la dépense énergétique.4-6 L’accès limité aux espaces de jeu extérieur ou l’utilisation limitée de ces espaces peut être particulièrement important et contribuer à restreindre l’activité physique des enfants d’âge préscolaire.7  La quantité de temps passé à regarder la télévision pendant la prime enfance et la petite enfance est beaucoup plus élevée qu’antérieurement, et généralement supérieure au maximum recommandé de deux heures par jour.8 Les faibles niveaux d’activité physique sont susceptibles d’avoir des effets négatifs sur la santé cardiovasculaire, des os,9 probablement sur la fonction cognitive3 et sur le développement socio-affectif.10

La base des preuves sur le diagnostic de surcharge pondérale et d’obésité a été systématiquement révisée et critiquée.2,11 Un ensemble de données relativement important, cohérent et de grande qualité a montré qu’un IMC élevé par rapport à l’âge était un critère diagnostic adéquat pour la surcharge pondérale (par exemple, IMC≥85e  centile d’après les échelles de référence des Centers for Disease Control and Prevention américains) et l’obésité (IMC≥95e centile d’après les mêmes échelles). Le diagnostic de surpoids et d’obésité réussit ainsi à :

  1. identifier les enfants les plus gros dans la population (avec un faible taux de faux positifs, augmentant ainsi la confiance par rapport au diagnostic); et
  2. identifier les enfants à risque de comorbidités d’obésité.

La plupart des pays disposent de programmes de surveillance de la santé infantile centrés sur la petite enfance qui peuvent identifier les jeunes enfants obèses ou à risque d’obésité.12

Problèmes et contexte de la recherche

Le manque de programmes pour les jeunes enfants obèses ou en surpoids est un problème majeur. Les recensions systématiques ont aussi souligné la pénurie de données sur les interventions visant à prévenir et à traiter l’obésité chez les enfants avant l’école primaire.11,13,14 Le traitement a plus de chances de réussir s’il porte sur la famille (pas seulement sur l'enfant obèse),15 si cette dernière est motivée à effectuer les changements nécessaires en matière de style de vie,15 si le traitement continue plus longtemps que d’habitude (davantage de rendez-vous, durée plus longue),15 s’il porte sur la modification de comportements sédentaires (surtout le fait de regarder la télévision) ainsi que sur la diète.15

Questions clés pour la recherche

La recherche s’est penchée sur les preuves disponibles portant sur les formes de traitement les plus appropriées et la prévention de l’obésité; des études aléatoires contrôlées des interventions visant à prévenir l’obésité chez les enfants en âge de fréquenter les services de garde; des études observationnelles des facteurs de risques précoces d’obésité plus tard et des études observationnelles qui tentent de quantifier objectivement le style de vie des jeunes enfants.

Récents résultats de recherche

Les meilleures cibles d’intervention visant à prévenir l’obésité devraient respecter certains critères.16 L’intervention ne devrait pas nuire; devrait cibler des comportements modifiables 1) qui pourraient améliorer la santé ou le développement de l'enfant autrement qu’en le rendant obèse; 2) qui sont importants pour le développement ou le maintien de l’obésité. Pour le moment, relativement peu de ces comportements correspondent à ces critères16 : la promotion de l’allaitement (les préparations commerciales pour nourrissons augmentent le risque d’obésité plus tard); la réduction du temps passé à regarder la télévision (qui peut augmenter la dépense énergétique ou diminuer la consommation d’énergie); la réduction de la consommation de boissons sucrées (qui encourage la surconsommation d’énergie) et l’augmentation de l’activité physique. 

Au moins quatre tests sur les interventions de prévention de l’obésité ont été publiés. Ils se déroulaient généralement en service de garde et à la maternelle.17-20 Ces interventions ont largement porté sur la promotion de l’activité physique et la réduction du temps passé devant la télévision comme moyen de prévenir l’obésité. Les essais ont réussi, mais tous soulèvent la question de la généralisation des interventions testées. Le cadre préscolaire (par exemple la nature de l’éducation en service de garde et l’environnement physique) semble avoir un effet significatif sur l’activité physique habituelle des enfants.21

Certains facteurs de risque originaux d’obésité ultérieure, à l’œuvre pendant la prime et la petite enfance, sont apparus. La durée du sommeil est particulièrement remarquable : les enfants qui dorment peu de temps la nuit courent des risques plus élevés d’obésité, pour des raisons incertaines.22 Une croissance rapide (gain de poids) pendant la prime et la petite enfance semble aussi être un facteur de risque d’obésité ultérieure,23 encore une fois pour des raisons qui ne sont pas claires.

Le manque de données et l’absence de bons modèles de traitement de l’obésité compliquent la mise en place de programmes de prévention et de traitement. Les objectifs généraux de traitement recommandé pour les enfants plus âgés11,15 s’appliquent probablement aux plus jeunes. Ces traitements devraient porter sur quelques changements durables de styles de vie et viser le maintien du poids, plutôt que la perte de poids. Le maintien du poids en même temps que la croissance de la taille permet d’une certaine façon aux jeunes enfants de « grandir à l’intérieur de leur poids ».

Conclusions

Les jeunes enfants ont été affectés par l’épidémie d’obésité pédiatrique. L’obésité a diverses conséquences négatives, même pendant la petite enfance. Il y a une pénurie de données généralisables de qualité portant sur les interventions les plus appropriées pour prévenir et traiter l’obésité avant l’âge de l’entrée à l’école élémentaire, mais la littérature mentionne certaines interventions prometteuses. De nos jours, les jeunes enfants vont adopter des styles de vie très inactifs au plan physique – ce qui aura un impact sur l’obésité et les maladies cardiovasculaires plus tard, et probablement des effets plus importants sur le comportement, le développement social et affectif et les fonctions cognitives.

Implications

Des développements en matière de services éducatifs et de santé sont nécessaires pour surveiller plus efficacement la surcharge pondérale et l’obésité chez les jeunes enfants, pour mieux identifier ceux qui en souffrent et pour mieux soutenir les familles afin de prévenir et traiter l’obésité. L’environnement physique et culturel actuel semble restreindre l’activité physique des jeunes enfants, limiter leurs occasions de jouer et promouvoir un comportement sédentaire. Les changements macro-environnementaux qui favorisent l’activité physique et le jeu devront probablement survenir rapidement si l’on veut traiter efficacement l’épidémie d’obésité. L’augmentation de l’activité physique chez les jeunes enfants entraînerait aussi plusieurs autres bienfaits.

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Pour citer cet article :

Reilly JJ. [Archivé] Prévention précoce de l’obésité. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Fisher JO, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/obesite-infantile/selon-experts/prevention-precoce-de-lobesite. Publié : Mars 2006. Consulté le 16 avril 2024.

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