[Archivé] Violence familiale et impacts sur le développement social et affectif des jeunes enfants


University of Memphis, États-Unis
, 2e éd. rév.

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Introduction

Les statistiques démographiques américaines indiquent que 29,4 % des enfants habitant avec deux parents vivent dans une famille dans laquelle il y a eu de la violence familiale au cours de l’année précédente.1 Même quand les enfants qui vivent dans des foyers violents ne font pas l’objet de violence de la part des parents, ils sont souvent touchés indirectement, ce qui les place à risque.2 Les enfants courent des risques physiques quand ils interviennent dans les bagarres de leurs parents ou quand ils sont accidentellement pris entre deux feux. Les enfants peuvent aussi vivre de la détresse psychologique spécialement lorsqu’ils doivent rapporter la violence aux autorités et même témoigner lors de procédures juridiques reliées aux accusations contre un parent. Les tentatives des parents de reprocher à l’enfant le conflit et l’agressivité ayant lieu entre eux peuvent aggraver la détresse de l’enfant.

Sujet

Il est important de porter attention aux témoignages des enfants parce que la violence familiale est plus susceptible de se produire dans les familles avec enfants, surtout dans celles où se trouvent des enfants de moins de cinq ans. La violence physique est plus élevée au début de la relation conjugale, quand les enfants sont susceptibles d’être jeunes.3 Les enfants vivant dans des foyers violents voient et entendent couramment des épisodes de violence conjugale et interviennent fréquemment.2,4,5

De plus en plus de données indiquent que les enfants témoins de violence conjugale sont à risque de toutes sortes de problèmes psychologiques.6 En effet, les problèmes que l’on rencontre chez ces enfants sont très similaires à ceux des enfants qui sont directement victimes de violence physique.7 Étant donné que le fait d’être témoin de violence conjugale peut terroriser les enfants et perturber significativement leur socialisation, certains experts ont commencé à considérer l’exposition à la violence conjugale comme une forme de maltraitance psychologique.8,9,10

Problèmes

Les enfants manifestent toutes sortes de réactions quand ils sont témoins de violence conjugale : ils interviennent, se replient ou deviennent agressifs. Ces comportements peuvent être considérés comme adaptatifs dans le contexte de la violence familiale, mais ils sont inadaptés dans d’autres contextes.11 Les enfants qui sont témoins de violence conjugale sont à risque d’un large éventail de problèmes psychologiques, affectifs, comportementaux, sociaux et scolaires.7,12,13,14,15,16

Ce ne sont pas tous les enfants exposés à la violence conjugale qui manifestent des niveaux importants d’inadaptation.17,18 Cependant, ces enfants peuvent quand même vivre des problèmes modérés et courent le risque d’avoir des problèmes psychologiques ou interpersonnels subséquents.19,20 Par exemple, ils peuvent manifester des attitudes inappropriées face à la violence utilisée comme moyen de résoudre un conflit, avoir un plus grand empressement à utiliser eux-mêmes de la violence et ils peuvent être persuadés d’être responsables des conflits de leurs parents.21

Contexte de la recherche

Problèmes des enfants : les premières études de cas d’enfants-témoins ont commencé dans les années soixante-dix, et les premières études empiriques dans les années quatre-vingts. Peu d’études ont eu pour but l’observation des effets chez les très jeunes enfants. La recherche empirique inclut des études corrélationnelles (qui examinent les corrélations entre l’étendue de l’exposition à la violence conjugale et les problèmes de l’enfant), et des études qui comparent les groupes (comparaisons entre les groupes d’enfants ayant été exposés et ceux qui ne l’ont pas été). Les problèmes des enfants sont généralement définis à partir des rapports des parents ou des rapports des enfants eux-mêmes en ce qui concerne les problèmes d’internalisation et d’externalisation. Une plus petite série de recherches effectuées en laboratoire ont examiné les réactions des enfants à des incidents simulés ou hypothétiques de conflits entre adultes.

Traitement : des programmes de traitement comme le projet du City Hospital destiné aux enfants témoins de violence, ont été élaborés afin de répondre aux besoins spécifiques des enfants concernés.22 Cependant, peu de rapports ont été publiés sur les études incluant des groupes témoins et qui évaluent l’efficacité de ces programmes.23 Des résultats prometteurs proviennent d’un programme de 10 semaines conçu pour aider les témoins de 8 à 13 ans à développer des façons plus efficaces de s’en sortir et de réagir face à la violence conjugale.24,25 Comparés au groupe témoin, les enfants ayant participé au programme ont amélioré leur attitude envers la colère entre leurs parents et ont réduit leur sentiment de responsabilité vis-à-vis de la violence de leurs parents. Un autre programme, le projet SUPPORT, a aussi été évalué dans une étude randomisée. Les enfants âgés entre quatre à neuf ans qui y participaient présentaient un taux significativement plus bas de problèmes de la conduite deux ans après le traitement que les enfants qui recevaient les services existants.26

Questions clés pour la recherche

Devrait-on effectuer une distinction entre l’agressivité modérée et l’agressivité plus sévère? Dans plusieurs études, les chercheurs ne font pas de différences entre les formes plus extrêmes d’agression (étrangler, battre) et les autres (pousser, bousculer). Cette distinction pourrait être utile, à la fois pour documenter les effets de la violence et pour comprendre les mécanismes de ces effets.27

Quels sont les mécanismes par lesquels le fait d’être témoin de violence conjugale peut influencer le développement? L’exposition à des formes moins graves d’agression peut influencer les enfants par le même processus identifié par la recherche sur les conflits familiaux généraux, y compris les effets directs causés par la dérégulation et les effets indirects attribuables aux perturbations du parentage.19,28 L’agressivité plus sévère est plus susceptible d’être traumatisante pour les enfants, ses processus d’effets peuvent être plus similaires à ceux identifiés par la recherche sur la violence et la négligence envers les enfants que ceux identifiés par la recherche sur les conflits familiaux.

Comment mesurer les problèmes des enfants? Il est important de documenter non seulement les niveaux cliniques de détresse, mais aussi la détresse subclinique des enfants, ainsi que la résilience face à la violence familiale.8,29 La résilience ne devrait pas être uniquement définie comme l’absence de pathologie, mais comme la présence de compétences vis-à-vis de stresseurs associés à l’agression interparentale. Ainsi, lors des prochaines recherches, il sera important d’évaluer les compétences fondamentales reliées aux étapes développementales des enfants, comme l’attachement, les relations entre pairs et la réussite de l’adaptation à l’école.8

Récents résultats de recherche

Kitzmann et ses collègues ont effectué une méta-analyse des 118 études empiriques portant sur l’adaptation psychosociale des enfants témoins de violence conjugale.7 Les résultats révèlent que 63 % de ces enfants avaient de moins bons résultats que l’enfant moyen qui n’avait pas été exposé à la violence interparentale. Les problèmes incluaient l’agressivité, l’anxiété, les difficultés avec les pairs et les problèmes scolaires, tous à des degrés similaires. Des données limitées provenant d’un plus petit nombre d’études suggéraient des risques plus élevés pour les enfants d’âge préscolaire. En ce qui concerne les enfants de tout âge, les chercheurs ont observé des niveaux similaires de problèmes d’adaptation parmi ceux qui avaient été témoins de violence conjugale, ceux qui avaient été violentés et ceux qui étaient à la fois témoins et victimes d’agression physique.

Conclusions

Les enfants exposés à la violence conjugale risquent de souffrir de plusieurs problèmes psychologiques, même s’ils ne sont pas eux-mêmes la cible de l’agression physique. Ces problèmes sont similaires à ceux observés chez les enfants violentés, ce qui suggère que la violence, qu’elle se produise entre les parents ou qu’elle cible l’enfant, peut perturber son développement. Bien que les très jeunes enfants soient exposés de façon disproportionnée à la violence conjugale, peu de recherches ont porté sur l’adaptation des enfants de ce groupe d’âge. Certaines données suggèrent que les enfants plus jeunes sont plus à risque, probablement parce qu’ils ont une compréhension limitée des conflits et disposent de moins de stratégies de réponse face aux stresseurs. Peu de programmes de traitement ont fait l’objet d’évaluations lors d’essais aléatoires. La recherche doit inclure des mesures plus précises de la violence (par exemple, distinguer l’agressivité modérée de l’agressivité sévère), des multiples facteurs de risques (par exemple, contrôler la toxicomanie chez les parents) et des problèmes (identifier la détresse subclinique pouvant faire courir des risques de problèmes ultérieurs à l’enfant).

Implications

Politiques

Il faudrait peut-être élargir les discussions au sujet des définitions consensuelles de la violence envers l’enfant et la distinction entre la violence et la maltraitance envers l’enfant afin de tenir compte des enfants témoins de violence à la maison, mais qui n’en sont pas la cible.23,27 Cette question a des répercussions directes sur les décisions touchant les arrestations, le placement de l’enfant et les interventions des services sociaux en cas de violence familiale.30 En 2001, aux États-Unis, les législateurs fédéraux ont proposé le Children Who Witness Domestic Violence Protection Act , ou projet de loi protégeant les enfants victimes de violence familiale, mais ne l’ont pas adopté. Des versions édulcorées de cette législation ont été incluses dans le No Child Left Behind Act de 2002 et dans le Keeping Children and Families Safe Act de 2003. Ces deux lois financent des programmes destinés aux enfants témoins de violence familiale. Plusieurs provinces canadiennes ont adopté des dispositions similaires.

Traitements

Les interventions devraient cibler à la fois les effets directs de l’exposition à la violence familiale (par exemple, aider les enfants à apprendre à réagir aux stresseurs associés à la violence familiale), et les effets indirects attribuables aux perturbations du parentage (par exemple, aider les parents à élever leurs enfants avec constance et discipline, malgré les perturbations causées par la violence). Une approche multi-systémique du traitement pourrait être importante pour aborder les multiples influences sociales qui augmentent ou diminuent le risque chez les enfants exposés à la violence conjugale.

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Pour citer cet article :

Kitzmann KM. [Archivé] Violence familiale et impacts sur le développement social et affectif des jeunes enfants. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. MacMillan HL, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/maltraitance-des-enfants/selon-experts/violence-familiale-et-impacts-sur-le-developpement-social-et. Actualisé : Février 2012. Consulté le 29 mars 2024.

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