[Archivé] Prévention de la maltraitance envers les enfants: Commentaires sur Eckenrode, MacMillan et Wolfe


United States Centers for Disease Control and Prevention & National Center for Injury Prevention and Control, États-Unis

Version PDF

Introduction

La maltraitance envers les enfants affecte plus d’un million d’enfants américains et canadiens chaque année. Ce chiffre, basé en grande partie sur les rapports des services de la protection de la jeunesse, est largement considéré comme sous-représentatif de l’étendue réelle du problème, parce que dans les enquêtes auprès de la population, environ un tiers des adultes rapportent avoir été violentés lorsqu’ils étaient enfants. La négligence est plus prévalente que l’abus, mais peut être un précurseur des abus. La maltraitance envers les enfants a des conséquences plus larges que la douleur immédiate des persécutions envers les enfants. Les coûts financiers sont élevés pour la société, et les séquelles mentales et physiques des victimes comme la dépression majeure et les maladies cardiovasculaires sont graves et durent toute la vie.1 John Eckenrode, Harriet MacMillan et David Wolfe ont souligné l’utilité des modèles écologique-développemental et de santé publique pour prévenir la maltraitance envers les enfants. Ce faisant, ils signalent le besoin d’identifier des programmes de prévention efficaces qui traitent la maltraitance envers les enfants à des niveaux multiples, y compris la famille, l’école, le système de santé et la communauté. Ces auteurs se soucient aussi d’obtenir davantage et de meilleures données de surveillance et étiologiques ainsi que de l’établissement de buts atteignables en matière de programmes.

Recherche et conclusions

Eckenrode souligne la nécessité d’efforts de prévention bien conçus et évalués. Il signale aussi le besoin d’utiliser des approches universelles qui comprennent des campagnes d’information publiques et une défense publique pour provoquer des changements de politiques au niveau des gouvernements nationaux et locaux. Pour ce qui est des programmes individuels, Eckenrode souligne le succès des programmes de visites à domicile, mais nous rappelle qu’une concentration au niveau individuel familial ne peut pas être aussi efficace que la combinaison des programmes de visites à domicile et les suggestions au niveau de la communauté soulignées plus haut. De tels efforts devraient inclure les écoles. Eckenrode souligne que bien que controversés, les programmes scolaires destinés à enseigner aux enfants à éviter les abus sexuels ou les enlèvements potentiels peuvent être inclus dans l’ensemble des efforts. Ces programmes comprennent des répétitions de comportement et du modelage social et devraient comprendre des concepts concrets pour les jeunes enfants.2 Cependant, MacMillan remet en cause le fait que de meilleures connaissances et habiletés permettent de réduire les risques pour les enfants. Enfin, elle recommande que les professionnels de la santé jouent un rôle clé dans l’évaluation à domicile et qu’ils aident les parents à identifier les situations clés à risque comme les pleurs excessifs. Les chercheurs et les prestataires de services sont confrontés au défi de trouver des mécanismes rentables et efficaces pour un tel soutien parental.

MacMillan souligne que le manque de définitions et de questions éthiques uniformes représente un obstacle à la réalisation de recherches solides sur la prévention de la maltraitance envers les enfants. Tout comme Eckenrode, MacMillan commente les composantes des programmes de visites à domicile, surtout le Nurse Visiting Program de Olds et ses collègues. Elle suggère qu’il y a eu peu ou pas de recherche démontrant que ces programmes préviennent la maltraitance envers les enfants; cependant, après une recension systématique, le Guide to Community Preventive Services des Centers for Disease Control (CDC), a récemment conclu que les programmes de visites à domicile étaient efficaces pour prévenir la maltraitance envers les enfants. D’après les études qui correspondent aux nouveaux critères de recension, il y a eu une réduction de 40 % de la maltraitance; les programmes plus longs ont été plus efficaces que les plus courts, et dans les programmes plus courts, les professionnels auraient produit de meilleurs résultats que les paraprofessionnels.3 Néanmoins, comme nous avertit MacMillan, tous les programmes de visites à domicile n’ont pas été créés égaux et on devrait souligner que la recension du CDC n’a pas été capable d’identifier de différences procédurales entre les programmes de visites à domicile.

Wolfe appuie aussi ce qu’il décrit comme les programmes de visites à domicile personnalisées, adaptés à chaque famille. Il souligne que ces programmes doivent se concentrer sur les habiletés pratiques dispensées dans un format facile à comprendre. Comme Eckenrode et MacMillan, Wolfe nous rappelle que la prévention doit comprendre les efforts de la communauté comme ceux qui ont eu lieu dans plusieurs pays, y compris les campagnes médiatiques destinées à informer le public à reconnaître les signes d’abus et à la façon de répondre aux préoccupations sur ce sujet. Il recommande aussi de prendre en compte les questions au niveau de la communauté comme l’hébergement, l’éducation professionnelle et une meilleure formation des professionnels pour identifier la maltraitance et de meilleurs outils de dépistage.

Implications pour les services

Eckenrode partage tout à fait l’argument selon lequel il est nécessaire de former davantage les professionnels comme les travailleurs sociaux, les prestataires de soins de santé et la profession juridique. La question est plus compliquée qu’il n’y paraît, parce que les limites financières pour la formation sont loin d’être la seule raison qui empêche de dispenser davantage de meilleures formations. Avec les travailleurs sociaux, il y a une foule de questions qui rendent difficile l’amélioration de la formation, comme le temps nécessaire pour mener la formation et les approches utilisées. Il y a peu de données empiriques suggérant les meilleurs formats, les méthodes les plus efficaces et la durée la plus favorable pour la formation. De plus, il y a des questions de maintien des compétences acquises et de qualité de ce maintien (fidélité).4 Enfin, il y a des complications en ce qui concerne les priorités de formation. Par exemple, peut-être que la plus haute priorité de formation devrait porter sur la détermination valable du risque de l’enfant. Milner et ses collègues5 ont découvert que les travailleurs sociaux ne pouvaient pas juger le risque futur d’un enfant de façon fiable. La formation dans ce domaine sera nécessairement sous-optimale tant qu’il n’y aura pas de définitions uniformes de la maltraitance envers les enfants et tant qu’on n’aura pas trouvé de méthodes pour enseigner avec succès aux travailleurs sociaux à évaluer les risques de façon plus fiable. La formation des autres professionnels soulève aussi des questions comme le fait de savoir si la formation du personnel médical pour détecter les risques ou celui d’offrir de brefs conseils parentaux réduit vraiment les risques pour les enfants.

Chaque auteur exprime ses préoccupations concernant le petit nombre d’évaluations sérieuses effectuées sur les programmes sur la maltraitance des enfants à ce jour. Plusieurs raisons expliquent cette pénurie, y compris la difficulté d’assigner aléatoirement les cas d’enfants maltraités, l’incertitude concernant les meilleures mesures pour recueillir les résultats les plus intéressants et la difficulté de saisir les aspects qualitatifs des programmes et leurs rôles quant aux résultats. Des devis de recherche aléatoire comprenant des groupes témoins pour évaluer les programmes destinés à la maltraitance envers les enfants sont sûrement indiqués quand c’est possible. Il est également nécessaire d’utiliser davantage les devis quasi expérimentaux en ayant recours à des groupes témoins, à des recherches formatives, prospectives et à cas unique pour en savoir davantage sur les stratégies de changement de comportement individuel et sur la façon de les régler avec précision. Enfin, toute évaluation rigoureuse devrait comprendre une solide analyse de coûts.6

Chaque auteur a exprimé le besoin de recherche au niveau communautaire. Dans cette préoccupation, on retrouve un besoin de sensibilité envers les diverses nuances des groupes ethniques et culturels qui peuvent affecter l’évaluation, la recherche et le service. Le besoin implicite est d’étudier les normes sociales qui affectent les nations et leurs sous-groupes concernant les pratiques parentales et la maltraitance envers les enfants. Deux dimensions des normes sociales valent la peine d’être considérées : la compréhension de l’ensemble des normes actuelles du groupe cible et le fait d’affecter les normes sociales en matière de tolérance envers la maltraitance.

La prévention de la maltraitance nécessite une coordination des efforts à des niveaux multiples : gouvernemental, du public, des organisations, des chercheurs en application des lois et des prestataires de services. Une insistance accrue sur la prévention primaire, les efforts communautaires, les évaluations de résultats et de programmes et la sensibilité culturelle ainsi que des améliorations dans tous ces domaines contribueront à ces efforts.

Références

  1. Anda RF,  Whitfield CL, Felitti VJ, Chapman D, Edwards VJ, Dube SR, Williamson DF. Adverse childhood experiences, alcoholic parents, and later risks of alcoholism and depression. Psychiatric Services 2002;53(8):1001-1009.
  2. Boyle CF, Lutzker JR. Teaching young children to discriminate abusive from nonabusive situations using multiple exemplars in a modified discrete trial teaching format. Journal of Family Violence. In press.
  3. Hahn RA. Bilukha OO. Crosby A. Fullilove MT. Liberman A. Moscicki EK. Snyder S. Tuma F. Schofield A. Corso PS. Briss P. Task Force on Community Preventive Services. First reports of evaluating the effectiveness of strategies for preventing violence: early childhood home visitation. Findings from the Task Force on Community Preventive Services. Morbidity and Mortality Weekly Report 2003;52(14):1-9.
  4. Filene JH, Lutzker JR, Hecht D, Silovsky J. Project SafeCare: issues in replicating an ecobehavioral model of child maltreatment prevention. In: Kendell-Tackett K, Giacomoni S, eds. Victimization of children and youth: patterns of abuse; response strategies. Kingston, NJ: Civic Research Institute; In press.
  5. Milner JS, Murphy WD, Valle LA Tolliver RM. Assessment issues in child abuse evaluations. In: Lutzker JR, ed. Handbook of child abuse research and treatment. New York, NY: Plenum Press; 1998:75-115.
  6. Haddix AC, Teutsch SM, Corso PS, eds. Prevention effectiveness: a guide to decision analysis and economic evaluation. 2nd ed. New York, NY: Oxford University Press; 2003.

Pour citer cet article :

Lutzker JR. [Archivé] Prévention de la maltraitance envers les enfants: Commentaires sur Eckenrode, MacMillan et Wolfe. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. MacMillan HL, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/maltraitance-des-enfants/selon-experts/prevention-de-la-maltraitance-envers-les-enfants-commentaires. Publié : Octobre 2004. Consulté le 14 octobre 2024.

Texte copié dans le presse-papier ✓