[Archivé] Services et programmes qui ont prouvé leur efficacité pour gérer les comportements alimentaires des jeunes enfants (de 0 à 5 ans) et impacts sur leur développement social et affectif : Commentaires sur Piazza et Carroll-Hernandez, Ramsay et Black


University of Toronto& The Hospital for Sick Children, Canada

Version PDF

Commentaires sur :

1. Comment aider les enfants à acquérir des habitudes alimentaires saines – Maureen M. Black, Ph. D.

2. Habiletés alimentaires, appétit et comportements alimentaires chez les nourrissons et les jeunes enfants et impacts sur la croissance et le développement psychosocial – Maria Ramsay, Ph. D.

3. Évaluation et traitement des troubles de l’alimentation pédiatrique – Cathleen C. Piazza, Ph. D., and Tammy A. Carroll-Hernandez, Ph. D.

Introduction

Les problèmes d’alimentation touchent environ 25 % des nourrissons et des jeunes enfants qui se développement normalement et près de 35 % de ceux qui ont des handicaps développementaux. Il y a un consensus sur le fait que beaucoup de facteurs interagissent et contribuent au développement de saines habitudes alimentaires et aux problèmes de cet ordre : des facteurs reliés aux caractéristiques individuelles des nourrissons ou des jeunes enfants, à la personne principale qui prend soin de l’enfant et à l’environnement dans lequel les soins sont dispensés et d’autres facteurs comme les pratiques culturelles, les attentes sociétales et le statut socioéconomique.

L’article de Black est centré sur le développement de saines habitudes alimentaires chez les nourrissons et les jeunes enfants en santé dont le développement est normal.

Celui de Ramsay est axé sur les caractéristiques individuelles particulières déterminées chez un certain nombre de nourrissons aux prises avec des troubles de l’alimentation et un retard staturo-pondéral et qui ont d’importants problèmes oraux moteurs, oraux sensoriels, de régulation ou d’autres problèmes développementaux.

Dans leur article, Piazza et Carroll-Hernandez s’intéressent à l’évaluation et au traitement des troubles de l’alimentation chez les enfants qui ont de sérieuses difficultés d’alimentation, qui sont souvent très gravement malades et qui sont atteints de handicaps développementaux graves; les auteurs décrivent particulièrement leurs propres travaux auprès d’enfants qui nécessitent une forme d’alimentation entérale (avec sonde) supplémentaire.

Ainsi, les articles de Ramsay et Piazza et de Carroll-Hernandez traitent de l’évaluation de populations particulières de nourrissons et de jeunes enfants aux prises avec des troubles de l’alimentation et qui sont aussi atteints de plusieurs problèmes de santé et de handicaps développementaux graves.

Or, bien que les trois articles abordent les facteurs reliés à la personne principale qui prend soin de l’enfant et à son environnement, aucun d’entre eux n’inclut de recension critique de la recherche sur ce sujet.

Recherche et conclusions

Le résumé de Black semble complet, étant donné l’état actuel des connaissances. Il porte sur ce que l’on sait des facteurs chez les nourrissons et les enfants, chez les personnes qui en prennent soin, ainsi que des facteurs dans l’environnement où sont dispensés les soins et dans l’environnement plus large, qui contribuent au développement de saines habitudes alimentaires chez les nourrissons et les jeunes enfants en santé qui se développement normalement. Les questions clés pour la recherche soulevées par Black sont raisonnables. Ses conclusions et ses recommandations visant la promotion de saines habitudes alimentaires chez les nourrissons et les jeunes enfants en santé qui se développement normalement sont sensées et généralement acceptées.

Le résumé de Ramsay sur la recherche traitant des caractéristiques particulières développementales et individuelles des nourrissons qui contribuent aux problèmes d’alimentation est complet. Cependant, tel que mentionné dans son article, Ramsay ne s’est pas intéressé à la recherche portant sur les caractéristiques de l’environnement de soins et de l’environnement plus large qui contribuent au développement et à la perpétuation des problèmes d’alimentation chez les nourrissons et chez les jeunes enfants ou qui les protègent contre ces problèmes. Ramsay ne discute pas des interventions comportementales, qui, d’après la documentation, sont efficaces dans le traitement des problèmes graves d’alimentation chez les nourrissons. Elle se réfère à l’article de Kerwin1 publié en 1999, qui résume bien les études qui emploient une méthodologie des plus rigoureuses et qui portent sur le traitement des problèmes d’alimentation des enfants d’âges variés. Kervin a aussi démontré que les interventions efficaces destinées aux enfants souffrant de graves problèmes d’alimentation sont la modification systématique du comportement qui consistent à renforcer positivement les réponses alimentaires appropriées et à ignorer ou à guider les réponses non appropriées, alors que les interventions prometteuses comprenaient des renforcements positifs si l’enfant acceptait de la nourriture, ne la refusait pas en enlevant la cuiller, et l’entraînement à l’induction de la déglutition. Ramsay a tout à fait raison d’insister sur l’importance des facteurs individuels et développementaux du nourrisson qui peuvent contribuer au développement et à la perpétuation des problèmes d’alimentation ou les prévenir. Cependant, étant donné l’état actuel des connaissances dans le domaine, la qualité de l’environnement dans lequel les soins sont dispensés et particulièrement la qualité de la relation de l’enfant avec la personne principale qui s’en occupe demeurent d’une importance primordiale lorsque l’on examine le contexte alimentaire et les facteurs qui contribuent au développement et à la perpétuation des divers problèmes d’alimentation ou qui les préviennent.

En général, je suis d’accord avec les conclusions de Piazza et de Carroll-Hernandez concernant la recherche dont elles traitent. Cependant, contrairement à ce qu’elles indiquent, les données de la recherche actuelle ne soutiennent pas totalement leur affirmation voulant que les problèmes d’alimentation pendant la toute petite enfance et la jeune enfance soient nécessairement associés à un risque accru de problèmes d’alimentation « comme l’anorexie » plus tard. En fait, l’article qu’elles citent2 suggère que la majorité des enfants aux prises avec des problèmes d’alimentation ne développeront pas des troubles de l’alimentation plus tard. Aussi, à ce jour, seules de faibles données suggèrent : 1) que les problèmes d’alimentation sont associés à des problèmes de santé mentale dans les familles d’enfants qui ont des problèmes d’alimentation, et 2) que le fait de traiter les problèmes d’alimentation réduit les problèmes de santé mentale dans les familles.

Selon mon opinion, les problèmes les plus importants dans le domaine des problèmes d’alimentation pendant la toute petite enfance et la jeune enfance font encore l’objet de définitions incohérentes, de diagnostics et de cadres conceptuels différents et essentiellement non valables et de méthodologies incohérentes, qui, bien entendu, entravent gravement la recherche. Une partie de la raison de ces problèmes notables tient peut-être au fait que les problèmes d’alimentation comprennent des causes multiples, des variations complexes des caractéristiques individuelles et biologiques de l’enfant affecté, des variations complexes d’autres interactions environnementales et divers symptômes associés.

Implications pour le développement et pour les politiques

Je suis d’accord avec la description de Black sur les implications pour le développement et les politiques, surtout avec sa concentration sur de multiples niveaux d’intervention, c’est-à-dire l’enfant, l’environnement de soins et de la personne qui prend soin de l’enfant, et l’environnement plus large. Un niveau d’intervention non décrit par Black est peut-être la promotion de l’alimentation saine et de saines habitudes grâce à l’intervention de divers professionnels de la santé, comme les infirmières en santé publique, les médecins de famille et les pédiatres qui donnent de l’information spécialisée aux familles (et surtout à la personne principale qui prend soin de l’enfant) pendant les premiers mois et les premières années de la vie. Évidemment, comme le souligne Ramsay, il est nécessaire de développer « des lignes directrices pour former les professionnels, les intervenants cliniques et les parents sur 1) l’alimentation en tant qu’habileté développementale, 2) les comportements alimentaires comme marqueurs des habiletés alimentaires et du cycle faim/satiété, et 3) les réactions aux pratiques alimentaires parentales. » Les lignes directrices en matière de formation pourraient aussi comprendre des facteurs reliés à l’environnement plus large, tel que décrit par Black.

Selon moi, il y a deux implications clés pour le développement et les politiques. Premièrement, l’insistance de Ramsay sur l’importance d’effectuer davantage de recherche et de former des experts dans le domaine des troubles de l’alimentation. Deuxièmement, les conclusions de Ramsay et de Piazza et Carroll-Hernandez selon lesquelles il est nécessaire de créer des cliniques d’alimentation multidisciplinaires pour évaluer et traiter les difficultés d’alimentation graves chez les enfants gravement malades physiquement et ceux atteints de handicaps du développement. Il existe un consensus sur le fait que les équipes multidisciplinaires devraient comprendre un ergothérapeute, un orthophoniste, un spécialiste en modification du comportement, un professionnel de la santé mentale et un pédiatre ou un pédiatre gastro-entérologue. Comme souligné par Kerwin1 (1999), « les traitements soutenus de façon empirique existent en matière de problèmes d’alimentation; il est maintenant temps de se demander pour qui ils sont appropriés, quand, et pourquoi » (p. 193).

Références

  1. Kerwin ME. Empirically supported treatments in pediatric psychology: Severe feeding problems. Journal of Pediatric Psychology 1999;24(3):193-214.
  2. Kotler LA, Cohen P, Davies M, Pine DS, Walsh BT. Longitudinal relationships between childhood, adolescent, and adult eating disorders. Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry 2001;40(12):1434-1440.

Pour citer cet article :

Benoit D. [Archivé] Services et programmes qui ont prouvé leur efficacité pour gérer les comportements alimentaires des jeunes enfants (de 0 à 5 ans) et impacts sur leur développement social et affectif : Commentaires sur Piazza et Carroll-Hernandez, Ramsay et Black . Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Faith MS, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/alimentation-enfant/selon-experts/services-et-programmes-qui-ont-prouve-leur-efficacite-pour-gerer. Publié : Octobre 2004. Consulté le 26 avril 2024.

Texte copié dans le presse-papier ✓