Prévention de l’obésité pendant les années préscolaires


1University of Melbourne, Australie, 2Centre for Physical Activity and Nutrition Research, Deakin University, Australie

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Introduction et sujet

Les années préscolaires ont une importance cruciale pour l’évolution de l’enfant, sur les plans de la santé, du développement, de l’apprentissage et de la vie sociale. Dès l’âge d’environ deux ans, plusieurs enfants passent de plus en plus de temps loin de leurs parents, alors qu’ils fréquentent des milieux comme la garderie, la maternelle, le centre d’éducation à la petite enfance ou le centre d’éveil.1,2 Ces milieux, comme l’environnement familial à la maison, influencent l’apport alimentaire, l’activité physique et, en conséquence, l’équilibre énergétique des enfants. Ils peuvent donc aider à promouvoir les comportements sains et le poids santé et à réduire le risque d’obésité infantile.1-3

Résultats de recherche récents

Les résultats de notre récente revue systématique des études ayant porté sur la prévention de l’obésité,4 comme ceux des études qui ont été publiées plus récemment, suggèrent que la prévention de l’obésité lors des premières années de la vie peut être efficace. La récente revue systématique du Cochrane4 a inclus des études contrôlées d’une durée d’au moins 12 mois comportant au moins six grappes d’individus (lorsqu’il s’agissait d'essais contrôlés randomisés de grappes au lieu d’individus). Huit études menées auprès de jeunes enfants (0-5 ans) ont été incluses. Les analyses ont montré que l'indice de masse corporelle (IMC) des enfants du groupe intervention augmentait moins ou diminuait plus que celui des enfants du groupe témoin entre le prétest et le post-test. Au bilan, la variation de l’IMC des enfants ayant reçu l’intervention était de 0,26 unité de moins que la variation de l’IMC des enfants du groupe témoin. Pour un enfant préscolaire âgé de 3,7 ans ayant un IMC de 16,3, ceci représente une différence d’IMC de 1,6 %. À l’échelle de la population, ce résultat est très encourageant. Cependant, il y avait beaucoup de variabilité entre les études, alors que certaines interventions se déroulaient à la maison et d’autres dans les centres éducatifs ou les établissements de soins de santé. En examinant ces interventions séparément, nous avons trouvé que celles qui se déroulaient à la maison ou qui impliquaient un établissement de soins de santé5,6 entraînaient de plus grands effets que les interventions conduites en milieu éducatif. Cette conclusion doit toutefois être énoncée avec prudence, car le nombre d’études considérées était petit.

L’examen individuel de chaque étude a révélé que les auteurs de seulement deux d’entre elles ont rapporté des différences significatives entre les groupes dans les mesures de l'adiposité au post-test suivant immédiatement l’intervention;6,7 ces études étaient aussi celles qui avaient eu les plus longues durées. Bien que ces résultats soient basés sur seulement quelques études, et que toutes les interventions considérées individuellement n’aient pas entraîné de différences significatives, il semble que, pour les enfants de 0 à 5 ans, les interventions menées à l’extérieur du milieu éducatif soient possiblement plus efficaces, ce qui pourrait être relié à certains facteurs comme le niveau d’engagement parental. Cette conclusion est cohérente avec la revue précédente de Hesketh et Campbell.8 Une exploration plus détaillée de ces études sera nécessaire pour préciser quelles sont les composantes efficaces des programmes.9

Cinq des huit études ont incorporé des stratégies d’intervention ciblant à la fois la diète et l’activité physique; trois interventions ciblaient uniquement l’activité physique. Toutes les interventions, sauf une, se sont déroulées sur de courtes périodes (moins d’un an; 24 semaines ou moins pour six études). Seule l’étude de Jouret7 a proposé une période d’intervention plus longue (deux ans). Une base théorique était explicitement rapportée dans un seul des huit devis de recherche.10 Cependant, on peut présumer que le devis de cinq études s’appuyait sur la théorie du changement de comportement, alors que le devis de deux d’entre elles semblait fondé sur des modèles de changement environnemental.4

Dans l’ensemble, des impacts comportementaux assez modestes ont été observés suite aux interventions. Des changements diététiques ont été rapportés dans seulement deux études.6,11  Fitzgibbon a rapporté que les enfants ayant reçu l’intervention avaient un apport significativement plus faible d’acides gras saturés lors du suivi effectué un an après l’intervention (P=0,002), mais pas lors de l’évaluation post-test suivant immédiatement l’intervention ni lors du suivi après deux ans.11 Lorsque la même intervention a été menée dans une communauté hispanophone, on n’a pas obtenu les mêmes résultats.12 Suite à l’intervention de Keller, le groupe recevant l’intervention présentait, au post-test, un apport énergétique et un pourcentage de protéines dans l’apport alimentaire significativement plus faibles que le groupe témoin.6 Quant aux trois interventions ciblant les comportements liés à l’activité physique, le seul impact positif a été observé dans l’étude de Reilly et concernait spécifiquement l’amélioration des habiletés motrices fondamentales.13 

Autres résultats

La revue Cochrane a inclus des études de prévention de l’obésité infantile publiées jusqu’au début de l’année 2010. Depuis ce temps, d’autres essais contrôlés chez des enfants d’âge préscolaire ont été publiés. L’une de ces études est celle de Romp et Chomp.14 Cette intervention australienne à l’échelle communautaire a axé sur les déterminants environnementaux de l’obésité infantile. Elle a été menée auprès d’enfants âgés de 0 à 5 ans et offerte par le biais des garderies (en établissement et en milieu familial), des centres éducatifs (préscolaires) et des services de santé (suivi de santé universel des enfants). L’évaluation post-test a révélé que la prévalence du surpoids et de l’obésité avait augmenté dans tous les groupes entre le prétest et le post-test, mais cette augmentation était significativement plus faible dans les groupes qui avaient reçu l’intervention (1,8 % plus faible que l’augmentation du groupe témoin à 2 ans et 2,7 % plus faible à 3,5 ans). De plus, les habitudes alimentaires en général s’étaient améliorées suite à l’intervention.14 Lors de l’exploration des mécanismes de médiation potentiels, nous avons observé que dans au moins un des milieux fréquentés par les enfants, les garderies en milieu familial, il y avait des améliorations positives dans l’environnement qui favorisaient davantage le jeu actif et réduisaient considérablement les activités sédentaires centrées sur un écran. Ces améliorations incluaient l’implantation de règles et de lignes directrices, la multiplication des pratiques visant à supporter une expérience positive des repas, la diminution du nombre d’aliments malsains permis, l’intensification de la formation du personnel en matière de nutrition et d’activité physique et la réduction des pratiques inadéquates telles que de récompenser les enfants avec la nourriture.15 On a trouvé que des changements environnementaux similaires s’étaient produits dans les maternelles, mais il y a aussi eu un engagement parental plus fort dans ce milieu comparativement aux garderies.

Conclusion et implications

Les efforts de prévention de l’obésité menés auprès des enfants d’âge préscolaire ont entraîné des résultats prometteurs, mais le nombre d’études disponibles est petit et des devis de recherche de moindre qualité limitent notre capacité à émettre des recommandations ayant une grande portée. Il est clair que plus de recherches de qualité seront nécessaires pour améliorer notre connaissance des interventions (et des composantes spécifiques des interventions) qui sont les plus efficaces, rentables, sécuritaires et équitables pour les enfants de cet âge et pour déterminer la meilleure façon d’intégrer ces interventions aux pratiques et systèmes actuels de façon à ce que tous les enfants puissent en bénéficier.

Références

  1. Mo-Suwan L, de Silva-Sanigorski AM. Obesity prevention interventions in early childhood. In: Waters S, Uuay, Seidell, editor. Preventing childhood obesity: evidence, policy and practice. Wiley Blackwell; 2010.
  2. de Silva-Sanigorski AM, Corvalan, Uauy R. Obesity Prevention and control in early childhood and the practicalities of working in early childhood settings. In: Waters S, Uuay, Seidell editor. Preventing childhood obesity: evidence, policy and practice. Wiley Blackwell; 2010.
  3. Hawkins SS LC. A review of risk factors for overweight in preschool children: a policy perspective. Int J Pediatr Obes. 2006;1(4):195-209.
  4. Waters E, de Silva-Sanigorski AM, Hall BJ, Brown T, Campbell KJ, Gao Y, et al. Interventions for preventing obesity in children. Cochrane Database of Systematic Reviews 2011(12. Art. No.:CD001871).
  5. Harvey-Berino J, Rourke J. Obesity prevention in preschool native-american children: a pilot study using home visiting. Obesity Research. 2003;11(5):606-11.
  6. Keller A, Klossek A, Gausche R, Hoepffner W, Kiess W, Keller E. Prevention for obesity in childhood. Deutsche Medizinische Wochenschrift. 2009;134(1/2):13-8.
  7. Jouret B, Ahluwalia N, Dupuy M, Cristini C, Nègre-Pages L, Grandjean H, et al. Prevention of overweight in preschool children: results of kindergarten-based interventions. International Journal Of Obesity (2005). 2009;33(10):1075-83.
  8. Hesketh KD, Campbell KJ. Interventions to prevent obesity in 0-5 year olds: an updated systematic review of the literature. Obesity (Silver Spring). 2010 Feb;18 Suppl 1:S27-35.
  9. Waters E, Hall BJ, Armstrong R, Doyle J, Pettman TL, de Silva-Sanigorski A. Essential components of public health evidence reviews: capturing intervention complexity, implementation, economics and equity. Journal of public health (Oxford, England). 2011 Sep;33(3):462-5.
  10. Fitzgibbon ML, Stolley M. Promoting health in an unhealthful environment: lifestyle challenges for children and adolescents. J Am Diet Assoc. 2006;106(4):518-22.
  11. Fitzgibbon ML, Stolley MR, Schiffer L, Van Horn L, KauferChristoffel K, Dyer A. Two-year follow-up results for Hip-Hop to Health Jr.: a randomized controlled trial for overweight prevention in preschool minority children. J Pediatr. 2005 May;146(5):618-25.
  12. Fitzgibbon ML, Stolley MR, Schiffer L, Van Horn L, KauferChristoffel K, Dyer A. Hip-Hop to Health Jr. for Latino preschool children. Obesity (Silver Spring). 2006 Sep;14(9):1616-25.
  13. Reilly JJ, Kelly L, Montgomery C, Williamson A, Fisher A, McColl JH, et al. Physical activity to prevent obesity in young children: cluster randomised controlled trial. BMJ. 2006;333(7577):1041-3.
  14. de Silva-Sanigorski AM, Bell AC, Kremer P, Nichols M, Crellin M, Smith M, et al. Reducing obesity in early childhood: results from Romp & Chomp, an Australian community-wide intervention program. Am J Clin Nutr. 2010 April 1, 2010;91(4):831-40.
  15. de Silva-Sanigorski A, Elea D, Bell C, Kremer P, Carpenter L, Nichols M, et al. Obesity prevention in the family day care setting: impact of the Romp & Chomp intervention on opportunities for children's physical activity and healthy eating. Child Care Health Dev. 2011 May;37(3):385-93.

Pour citer cet article :

de Silva-Sanigorski A, Campbell K. Prévention de l’obésité pendant les années préscolaires. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Fisher JO, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/obesite-infantile/selon-experts/prevention-de-lobesite-pendant-les-annees-prescolaires. Publié : Avril 2012. Consulté le 19 avril 2024.

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