Politiques de congé maternel, paternel et parental : impacts potentiels sur les enfants et sur leur famille


Compton Foundation Centennial Professor Columbia University, School of Social Work, États-Unis
, 3e éd. rév.

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Introduction et pertinence du sujet

Il y a plus d’un siècle, les politiques relatives à la maternité ont été établies dans le but de protéger la santé physique des femmes qui travaillaient et de leur bébé au moment de la naissance. Depuis les années soixante, ces politiques ont pris de plus en plus d’importance au fur et à mesure de l’augmentation considérable de la participation des femmes au marché du travail, surtout celle des femmes mariées ayant de jeunes enfants. Plus récemment, l’éducation des enfants, les congés parentaux et de paternité ont été développés pour répondre aux besoins des femmes qui travaillent (et aux parents), mais aussi par souci du bien-être de l’enfant. En 1992, l’Union européenne a adopté une directive instaurant un congé payé de 14 semaines et en 1998, une autre directive qui concerne un congé parental de trois mois a été votée.1-3

Les congés après la naissance d’un enfant (et plus récemment, à la suite d’une adoption) avec droit de réintégrer l’emploi sont devenus la norme dans presque toutes les politiques des pays industrialisés et sont rémunérés de diverses façons : allocations de maladie temporaire (invalidité temporaire), prestations de chômage, allocations familiales ou prestations d’assurance distinctes. Les tendances les plus répandues dans les années 80 et 90 se sont traduites par l’instauration de congés parentaux qui s’ajoutaient aux congés de maternité en vigueur en vue d’élargir les politiques sur les congés afin de créer des alternatives concrètes aux services de garde à l’extérieur de la maison et de renforcer l’égalité entre les sexes.

À l’origine, ce ne sont pas les besoins des enfants qui ont motivé l’instauration de politiques sur les congés après la naissance, mais plutôt les besoins des mères. Cependant, dans le cas des politiques de congés parentaux, deux préoccupations entraient en jeu : le bien-être de l’enfant et l’intérêt de soutenir l’égalité entre les sexes.

Les politiques sur les congés varient d’un pays à l’autre pour ce qui est des critères d’admissibilité, de la durée, des taux de prestations et des modalités de congé. L’Europe est en train d’établir de nouveaux standards : les congés parentaux deviennent la norme et les parents peuvent choisir de remplacer un congé payé avec protection de leur emploi par des services de garde à l’extérieur de la maison. Parmi les nations industrialisées, la politique canadienne de congé d’un an est l’une des plus généreuse quant à sa durée, et l’une des plus parcimonieuse pour ce qui est des taux de prestations. Toutefois, le Canada devance les États-Unis où les congés brefs et non payés constituent la norme.1-4

D’un pays à l’autre, les différences en matière de politiques portent essentiellement sur l’importance des objectifs, soit :

  1. soutenir le travail de la famille et l’éducation de l’enfant et inciter les femmes à quitter le marché du travail quand les enfants sont très jeunes;
  2. faciliter le travail de la mère à l’extérieur de la maison et contribuer à concilier la vie familiale et professionnelle et à promouvoir le bien-être de l’enfant pendant que ses parents travaillent;
  3. permettre aux femmes et aux parents de choisir entre les deux options précédentes, selon leurs préférences.

Problèmes et contexte de la recherche

Jusqu’à présent, la recherche dans ce domaine a davantage porté sur les conséquences du congé pour la femme (par exemple, l’emploi de la mère, son salaire à long terme) que sur les impacts pour les employeurs. La documentation scientifique suggère que les politiques n’ont pas eu de conséquences négatives pour les femmes ni pour les employeurs pour ce qui a trait aux congés de brève et de moyenne durée, mais que les conséquences peuvent être négatives pour les femmes qui prennent des congés prolongés (par exemple trois ans), surtout si elles prennent plusieurs congés successifs.1,5

Les congés ont des effets positifs parce qu’ils stimulent des taux de main d’œuvre féminine plus élevés. Plus il y a de femmes qui travaillent, plus les impôts et les revenus gouvernementaux augmentent. Les autres avantages, plus difficiles à quantifier ou à évaluer en termes monétaires, sont les conséquences positives pour les employés qui tentent de concilier la vie professionnelle et la vie de famille.1,2,5

Résultats récents de la recherche

Alors que la recherche sur les impacts des congés sur les enfants est relativement limitée, les conséquences des congés sur la santé de la mère et de l’enfant ont été bien documentées dans plusieurs pays. De plus en plus, le bien-être de l’enfant est considéré comme une composante importante des politiques et garantit une attention accrue de la part des chercheurs. Une étude effectuée par Ruhm et basée sur le poids à la naissance et sur le taux de mortalité infantile a montré que les politiques de congés parentaux rémunérés amélioraient la santé de l’enfant. Il a découvert que « les congés parentaux avaient des effets positifs sur la santé infantile et qu’ils seraient rentables sur le plan économique. » (p.23)6 Selon ce chercheur, la raison la plus probable serait que les congés donnent plus de temps aux parents pour s’investir auprès des jeunes enfants dont ils prennent soin. Des politiques de congé plus généreuses semblent réduire la mortalité infantile et celle des jeunes enfants. « Plus spécifiquement, l’association négative entre la durée du congé et la mortalité post-néonatale est beaucoup plus élevée entre l’âge de un et de cinq ans que celle qu’on observe entre la durée du congé et la mortalité périnatale, les décès néonatals ou l’incidence du faible poids à la naissance. De plus, des données manifestes indiquent que le congé parental serait une façon rentable d’améliorer la santé de l’enfant. »6 Enfin, l’existence de ces politiques diminue le besoin de services de garde extérieurs à la maison durant la petite enfance et pour les jeunes enfants, puisque la demande face à de tels services est liée à la durée du congé et à l’adéquation des allocations telles que stipulées dans la politique.

Dans une étude de 18 pays industriellement développés de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), Sakiko Tanaka a évalué les impacts des politiques de congés parentaux sur la santé des enfants.7 Son étude porte sur plus de trente ans (1969-2000), et elle confirme et met à jour les travaux antérieurs de Ruhm décrits plus haut. Elle a étudié les répercussions sur la mortalité infantile, le faible poids à la naissance et les vaccinations. Ses découvertes majeures sont que les périodes de congés plus longues sont liées à des réductions de la mortalité infantile alors que les congés non payés ou les absences qui ne garantissent pas la protection de l’emploi au retour du congé n’ont pas d’effet significatif.

Berger, Hill, et Waldfogel, dans leur étude sur le développement des enfants aux États-Unis, ont comparé les enfants dont les mères restaient encore à la maison douze semaines après la naissance (le congé maximum permis selon le U.S. Family and Medical Leave Act) à ceux dont les mères étaient retournées plus tôt au travail.8-9 Ils ont découvert que ceux dont les mères étaient retournées travailler avant la douzième semaine avaient de moins bonnes répercussions en ce qui a trait à certains aspects de la santé et du développement. Ils étaient moins susceptibles de subir des évaluations médicales régulières, d’être allaités, et d’avoir eu tous leurs vaccins avant 18 mois, et si leur mère travaillait à plein temps, ils étaient plus susceptibles d’avoir des problèmes de comportement à quatre ans.

Implications

Les questions-clefs entourant les politiques de congé sont de trois ordres : critères d’admissibilité au congé, durée et taux de prestations. Les politiques qui couvrent environ un an de congé avec droit de réintégrer l’emploi, qui s’adressent aux parents très attachés au marché du travail, qui incluent des allocations s’approchant du plein salaire de l’employé et qui garantissent l’accessibilité à des services de garde externes dès l’âge d’un an, de bonne qualité à un prix abordable semblent recueillir des appuis. On sait maintenant que ce type d’approche améliore le choix et le soutien des parents pour assurer le bien-être de l’enfant.1

Conclusions

Les congés parentaux sont une dépense budgétaire minime et devraient faire partie intégrante des politiques relatives aux enfants et aux familles, ainsi que de celles relatives à l’éducation et aux soins des jeunes enfants dans tous les pays. Il revient aux chercheurs d’évaluer les impacts des politiques de congé sur les enfants et sur leur développement puisqu’à l’évidence, de nos jours, aucun pays industrialisé ne devrait se passer d’une telle prestation de services.

Références

  1. Kamerman SB. Parental leave policies: An essential ingredient in early childhood education and care policies. Society for Research in Child Development. Social Policy Report 2000;14(2):3-15.
  2. Kamerman SB. From maternity to parental leave policies; women’s health, employment, and child and family well-being. Journal of American Women’s Medical Association 2000;55(2):96-99.
  3. Moss P, Deven F, eds. Parental leave policies: Progress or pitfall? The Hague, Brussels: NIDI/GBGS Publications; 1999.
  4. OECD. Starting strong: Early childhood education and care. Paris, France: OECD; 2001.
  5. Ruhm CJ. The economic consequences of parental leave mandates: Lessons from Europe. Quarterly Journal of Economic 1998;113(1):285-317.
  6. Ruhm CJ. Parental leave and child health. Cambridge, Mass: National Bureau of Economic Research; 1998. Working paper W6554.
  7. Tanaka S. Parental leave and child health across OECD countries. Economic Journal 2005;115(501): F7-F28.
  8. Waldfogel J. Public policy and child outcomes: New evidence on parental leave and child health; May 12-13, 2005; En traitement.
  9. Berger L, Hill J, Waldfogel J. Maternity leave, early maternal employment and child health and development in the US. Economic Journal 2005;115(501): F29-F47.

Pour citer cet article :

Kamerman SB. Politiques de congé maternel, paternel et parental : impacts potentiels sur les enfants et sur leur famille. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/conges-parentaux/selon-experts/politiques-de-conge-maternel-paternel-et-parental-impacts-potentiels. Actualisé : Mars 2007. Consulté le 19 avril 2024.

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