Services ou programmes qui influencent les jeunes enfants (0 - 5 ans), leur diplomation ainsi que leur réussite scolaire


Boston College, Lynch School of Education, États-Unis
, 2e éd. rév.

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Introduction

Les preuves des avantages à long terme de la participation des enfants de familles à faibles revenus aux programmes d’éducation précoce sont de plus en plus nombreuses. Les programmes efficaces d’éducation précoce sont censés améliorer les habiletés scolaires ultérieures par une augmentation des habiletés cognitives, une plus grande motivation à apprendre et une augmentation des connaissances de base à l’entrée à l’école,1 ce qui offre des opportunités accrues aux enfants de promouvoir l’engagement scolaire pendant les années d’école. Si les programmes d’éducation précoce se révèlent  efficaces, les enfants ne seront pas les seuls à en profiter, c’est aussi le cas des écoles et de la société qui n’auront pas à fournir des services coûteux à des étapes ultérieures de la vie.

Sujet

Plusieurs facteurs importants constituent une réponse aux questions sur l’efficacité des programmes d’éducation précoce. Le besoin de programmes de petite enfance de meilleure qualité augmente parce que, au Canada2 et aux Etats-Unis,3 plus de 64 % des mères de jeunes enfants sont sur le marché du travail. De plus, la plupart des discussions sur les habiletés nécessaires à l’entrée à l’école se sont centrées sur l’importance de la santé physique de l’enfant, de son développement cognitif et de son apprentissage, de son autorégulation et de sa motivation, des relations positives avec ses pairs et de la collaboration avec les adultes.4 Tous ces éléments sont des avantages potentiels de la qualité des programmes d’éducation précoce.

Depuis les années 70, plusieurs études sur les effets de l’éducation précoce ont été menées. La plupart suivaient des enfants pendant au moins une partie de leur scolarité à l’école primaire5 et quelques-unes ont suivi les participants jusqu’à l’âge adulte.6,7 Dans une recension des études expérimentales les plus importantes, Ramey et Ramey1 ont remarqué plusieurs caractéristiques communes aux interventions efficaces. Ces interventions : 1) débutent pendant la petite enfance; 2) sont intensives, complètes et individualisées; 3) sont dispensées directement à l’enfant; 4) sont de grande qualité et sont l’objet d’évaluations fréquentes et 5) continuaient sous une forme ou une autre jusqu’aux premières années d’école.

Problèmes

Plusieurs problèmes sont inhérents à la recherche sur les effets longitudinaux des services et des programmes d’éducation précoce.8 Les études longitudinales sont coûteuses et requièrent des engagements financiers à long terme de la part des organismes subventionnaires. Elles sont aussi sujettes à l’attrition des participants, ce qui fait en sorte que les études qui commencent avec des échantillons de taille raisonnable tombent sous les limites acceptables après quelques années. De plus, les participants les plus nécessiteux abandonnent, surtout dans les groupes témoins, ce qui limite la connaissance de l’efficacité chez les diverses populations. Enfin, il existe un problème de mesure, puisque les construits principaux requièrent souvent différentes mesures à diverses étapes de la vie.

Contexte de la recherche

La recherche initiale sur les effets à long terme des programmes d’éducation précoce se limitait à des études effectuées sur des programmes de démonstration situés sur des sites uniques et comprenant des échantillons relativement petits (par exemple le Abecedarian project, le Brookline Early Education Project, le Perry Preschool Project). Ces études ont débuté dans les années 70, à un moment où moins de mères travaillaient et où il y avait moins de programmes destinés aux jeunes enfants, comparativement à aujourd’hui. Néanmoins, ces études ont produit des résultats sur les effets de l’éducation précoce sur les participants pendant les années scolaires, l’adolescence et l’âge adulte. Les recherches plus récentes se sont concentrées sur des études multi-sites avec des échantillons relativement grands et ont produit des résultats reliés aux années scolaires.

Questions clés pour la recherche

La question centrale sur l’efficacité des programmes pendant la petite enfance et destinés aux enfants de familles à faibles revenus est la suivante : jusqu’à quel point ces programmes font une différence sur les résultats scolaires des enfants à long terme? D’autres questions du même type concernent les caractéristiques des programmes associées à des résultats plus positifs. Des questions supplémentaires consistent à savoir si la qualité des expériences scolaires postérieures aux programmes destinés aux jeunes enfants améliore ou entrave les effets des expériences précoces.

Résultats récents de la recherche

L’efficacité des programmes d’éducation précoce a fait l’objet de plusieurs recensions élaborées des écrits. Brooks-Gunn9 a fourni des notes au sous-comité sur les ressources humaines de la Chambre des représentants aux États-Unis. Ces notes concernaient les résultats d’évaluations de programmes d’intervention d’éducation précoce de grande qualité. Elle a conclu que, comparés aux programmes de visite à domicile et aux programmes de gestion de cas, les programmes basés dans des centres avaient les effets positifs les plus durables sur les enfants. De plus, quand les programmes desservaient des familles appartenant à une large gamme socioéconomique, ils semblaient plus efficaces pour les enfants pauvres ou quasi pauvres et qui avaient des mères peu éduquées.

Barnett10 a effectué une recension fouillée de 36 études portant sur les effets des programmes d’éducation précoce pour les enfants de familles à faibles revenus. Il a conclu que de tels programmes se traduisaient à court terme par des augmentations du rendement cognitif, et à long terme par des effets sur la réussite scolaire, le redoublement, le placement en éducation spécialisée et l’adaptation sociale. Néanmoins, tous les programmes ne produisaient pas de tels bienfaits; certains n’ont pas réussi à suivre les participants au cours des années scolaires, alors que d’autres ont souffert de problèmes associés aux devis de recherche comme l’absence d’allocation aléatoire à des programmes et à des groupes témoins. Barnett a identifié deux études qui se démarquaient par la rigueur de leur méthodologie et qui ont révélé des impacts sur les résultats scolaires à long terme.

La première est le Abecedarian Project.7,11 Elle a fourni du soutien éducatif de haute qualité à 111 participants d’âge scolaire et en milieu de garde. Les participants ont été répartis de façon aléatoire aux diverses composantes des services de garde et scolaires. Au total, 104 individus ont été suivis jusqu’à 21 ans. Ceux qui avaient bénéficié du programme de services de garde précoce avaient de meilleures notes et un meilleur rendement intellectuel au début de l’âge adulte, avaient étudié plus longtemps et étaient plus susceptibles d’effectuer des études universitaires. Les avantages étaient plus évidents pour les filles que pour les garçons. Les interventions à l’âge scolaire servaient à maintenir les avantages des composantes de la petite enfance, mais avaient des effets plus faibles que les composantes des services de garde.

Le Perry Preschool Project6 est la deuxième étude reconnue pour sa rigueur méthodologique. Un total de 123 enfants ont commencé à y participer à l’âge de 3 ou 4 ans et ont été affectés de façon aléatoire à programme ou à un groupe témoin. Les enfants qui participaient au groupe du programme recevaient un programme préscolaire de grande qualité axé sur le développement. Une étude de suivi effectuée quand les participants eurent atteint l’âge de 27 ans a indiqué que les participants au programme avaient un taux de diplomation du secondaire significativement plus élevé (ou son équivalent), touchaient de meilleurs salaires, avaient subi moins d’arrestations et avaient moins d’enfants illégitimes.

Des interventions plus récentes produisent aussi des résultats positifs. Le Chicago Child-parent Center (CPC)12,13 est l’un des programmes prometteurs. Contrairement aux deux programmes précédemment décrits qui étaient des programmes modèles en un site unique, le CCP fait partie du réseau des écoles publiques de Chicago et a des centres dans 24 sites. Le programme dispense de l’éducation préscolaire aux enfants dès l’âge de trois ans, ainsi que des programmes de soutien à la famille destinés à encourager la participation des parents à l’éducation de leurs enfants. Ces services sont offerts jusqu’à la 2e ou la 3e année. Un total de 1 281 individus (83,2 % de l’échantillon original) a participé à l’étude de suivi à l’âge de 20 ans. Ceux qui ont participé au programme préscolaire avaient fréquenté l’école pendant beaucoup plus d’années, avaient un taux de diplomation du secondaire plus élevé et un taux de décrochage plus faible comparés à des individus similaires qui n’avaient pas participé au programme. Les avantages semblaient plus prononcés pour les garçons que pour les filles.

Conclusions

L’évaluation longitudinale des programmes destinés à la petite enfance pose un défi à cause de l’attrition des participants, surtout de l’attrition différentielle entre le groupe programme et le groupe témoin, et de la difficulté de mesurer les construits centraux dans le temps, comme la motivation. Néanmoins, les évaluations des études les plus rigoureuses qui portent sur les programmes d’éducation précoce des enfants vivant dans des familles à faibles revenus indiquent des avantages particuliers pour les participants en matière de réussite scolaire à long terme, notamment les acquis éducatifs et l’obtention du diplôme d’études secondaires. Certaines études (par exemple le Perry Preschool Project) révèlent aussi des avantages sociaux pour les participants, comme une diminution du nombre d’arrestations et des naissances illégitimes ainsi que des salaires plus élevés. Une récente étude de suivi du Brookline Early Education Project a rapporté que les jeunes adultes vivant en milieu urbain et qui avaient participé au projet depuis la petite enfance jusqu’aux années préscolaires avaient non seulement obtenu plus de gains et avaient atteint un meilleur niveau d’éducation que leurs pairs, mais que leur santé mentale et que leur santé étaient meilleures.14 En effet, les avantages en matière de santé mentale, bien que peu souvent étudiés comme conséquence de l’éducation précoce, peuvent être centraux en ce qui a trait à la réussite scolaire, comme le suggèrent Hymel et Ford.15 De tels avantages s’accroissent quand les programmes sont de bonne qualité, quand ils procurent des services intensifs dans des centres pendant la petite enfance et quand ils continuent à dispenser des services de soutien aux enfants et aux familles pendant les premières années d’école.

Implications

Malgré l’accumulation de données relatives à l’efficacité de programmes préscolaires intensifs et de grande qualité sur le rendement scolaire ultérieur des enfants, d’autres études sont nécessaires afin de déterminer pourquoi certains programmes entraînent des avantages pour les filles alors que d’autres profitent aux garçons. Davantage de recherche est nécessaire afin de déterminer l’âge optimal de l’admission au programme, puisque certaines études efficaces ont commencé pendant l’enfance et d’autres pendant les années préscolaires. De plus, plutôt que de se pencher encore sur des modèles démonstratifs, la recherche future devrait se centrer sur les programmes qui fournissent des services dans la communauté comme les écoles publiques. Une des questions majeures est de savoir calibrer des programmes efficaces afin qu’ils rejoignent un grand nombre d’enfants. On a aussi besoin d’études pour examiner le type de soutien continu le plus efficace pour les enfants et les familles pendant les années scolaires. Puisque les résultats des évaluations rigoureuses des programmes d’éducation précoce démontrent des bienfaits évidents à long terme pour les enfants, les politiques reliées à la prestation d’éducation préscolaire de qualité universelle méritent d’être soigneusement considérées.

Comme l’indiquent Campbell et Wentzel, dans les articles de cette section, la congruence du lien entre la participation à des programmes préscolaires de qualité élevée et le fait de terminer ses études est évidente. Si on les considère comme un tout, ces articles (y compris le mien) sont incomplets. Surtout, bien que les travaux empiriques sur les liens entre les programmes préscolaires et le fait de terminer ses études soient nécessairement fondés sur les données préscolaires d’une époque antérieure, il y a un grand besoin de modèles de services qui sont appropriés à notre population actuelle d’enfants d’âge préscolaire. Les programmes élaborés dans les années 1970 et 1980 étaient centrés sur une population d’enfants de cet âge qui sont différents de ceux que nous avons aujourd’hui. Aux États-Unis, plusieurs enfants immigrants apprennent l’anglais et leurs besoins éducatifs précoces nécessitent des approches complémentaires qui visent à apprendre une nouvelle langue et à continuer à apprendre leur langue maternelle. De plus, des relations parent-enseignant productives requièrent une compréhension culturelle suffisante de la part des enseignants à propos des croyances parentales sur la scolarisation, l’éducation précoce, le développement de l'enfant, le parentage et la façon dont les enseignants et les parents accordent de la valeur aux différences peut influencer la vie scolaire des enfants. Enfin, ceux qui ont des handicaps sont désormais habituellement intégrés à plusieurs programmes d’éducation précoce et les anciens modèles éducatifs précoces doivent être revus afin de tenir compte des besoins des enfants qui présentent un tableau plus large de trajectoires développementales.

Wentzel maintient que la demande de modèles théoriques visant à orienter le développement de programmes est cruciale pour l’efficacité des futurs programmes préscolaires. Les programmes sont conçus d’après les modèles explicites et implicites de changement, et nous en sommes à un point dans la communauté de la petite enfance où nous pouvons choisir plus délibérément quand nous expliquons notre compréhension des services, des activités et des processus qui favorisent un développement positif. Ainsi, la tâche consiste à élaborer ces modèles en se basant sur la théorie développementale, tout en considérant les processus développementaux qui ont permis aux anciens programmes de réussir, et en s’occupant des besoins des enfants d’âge préscolaire et de leurs familles.

Références

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  3. U. S. Bureau of Labor Statistics. Working in the 21st century. Disponible sur le site: http://www.bls.gov/opub/working/chart16.pdf. Page consultée le 18 février 2004.
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Pour citer cet article :

Hauser-Cram P. Services ou programmes qui influencent les jeunes enfants (0 - 5 ans), leur diplomation ainsi que leur réussite scolaire. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Vitaro F, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/reussite-scolaire/selon-experts/services-ou-programmes-qui-influencent-les-jeunes-enfants-0-5-ans. Actualisé : Mai 2014. Consulté le 23 avril 2024.

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