Programmes et services de soutien pour les prématurés : commentaires sur Als, Westrup, et Mallik et Spiker


College of Medicine, University of Florida, États-Unis
, 2e éd.

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Introduction

Au cours des 15 dernières années, le recours courant aux nombreuses technologies a considérablement augmenté la survie des prématurés. L’avènement de la ventilation à haute fréquence et les nouveaux agents pharmaceutiques surfactantset stéroïdes anténatals) ont résulté en une diminution du seuil de viabilité.1 Les convulsions, les infections et les accidents cérébrovasculaires sont des complications qui guettent les bébés prématurés pendant leur long séjour en soins néonatals intensifs. Ces complications peuvent avoir des effets néfastes sur le développement physique et cognitif des bébés, même si on les appréhende rapidement. En conséquence, les programmes développementaux destinés aux enfants prématurés ont évolué en même temps que la prolifération des unités de soins néonatals intensifs (USNI). L’objectif de ces programmes est de réduire autant que possible les complications inévitables liées à l’exposition prolongée au traitement médical. Ces programmes sont aussi conçus pour reconfigurer les modèles d’interactions qui gêneraient le développement optimal de l’enfant si on ne les modifiait pas.

Deux des interventions destinées aux prématurés centrées sur la famille, sur lesquelles on a effectué le plus de recherches approfondies, sont le Newborn Individualized Developmental Care and Assessment Program (NIDCAP), qui commence à la naissance et qui se termine à la sortie de l’hôpital et le Infant Health and Development Program (IHDP), qui commence à la sortie de l’hôpital et qui prend fin au troisième anniversaire de l’enfant. Dans leurs articles, Heidelise Als, conceptrice du programme NIDCAP, résume 20 ans de recherche sur le programme, Björn Westrup, codirecteur du centre NIDCAP scandinave à Stockholm, évalue la qualité de la recherche sur le NIDCAP et Donna Spiker, coéditrice d’un livre sur le IHDP ainsi que Sangeeta Mallik, recensent les études sur trois séries de répercussions de l’IHDP à l’âge de trois, cinq et huit ans.

Recherches et conclusions

Als a conçu le NIDCAP dans les années 80 en partie pour répondre à la présence croissante, dans les pouponnières, de thérapies basées sur des machines qui commençaient à sauver des bébés très prématurés auxquels on avait attribué le statut « ne pas ressusciter ». Elle continue à considérer les environnements hautement instrumentés des USNI avec leur suivi automatisé constant ainsi que leur distribution calibrée d’agents thérapeutiques comme une source de stress pour les bébés dont « la douleur et l’inconfort quotidiens conduisent à des événements neurotoxiques qui modifient le cerveau ». On ne met pas en doute le fait que certains traitements médicaux causent un inconfort inévitable, mais sans les prises de sang, les cathéters et la ventilation, ces bébés très vulnérables et immatures auraient peu de chance de survivre.

Étant donné le compromis entre la survie et le stress, la contribution majeure de Als a été de rassembler les intervenants en une équipe (comprenant les parents), qui, grâce à une formation sérieuse fortement axée sur l’observation formelle, effectue des ajustements à l’environnement de soins pour minimiser les réponses d’évitement du bébé et pour maximiser les réponses à l’approche.

Les composantes de cette approche de soins individualisés ne sont pas expliquées clairement dans la recension, mais elles incluent une atténuation des sons et de la lumière, des positions fléchies, un regroupement des soins pour favoriser le repos, une succion non nutritive et le contact peau contre peau.

Comme le système d’interaction du NIDCAP est une spécialité, il est difficile de définir à quel point « les soins développementaux adaptés » sont différents de la norme de soins offerts dans des USNI qui n’utilisent pas ce programme. Toutefois, le programme de Als a incontestablement attiré l’attention des intervenants qui travaillent dans des unités de soins néonatals intensifs sur l’approche interactionnelle plutôt qu’orientée sur la tâche, au point que la majorité des USNI affirment désormais fournir des soins développementaux centrés sur la famille.

Westrup procure un peu plus d’information sur le programme de formation au NIDCAP : « les intervenants apprennent à observer plus attentivement et à noter les réactions du bébé à différents types de manipulations et de soins. En se basant sur ces observations, ils peuvent effectuer des adaptations appropriées et continues ».  L’expression « centré sur la famille », appliquée aux USNI, correspond également à la plupart des programmes de formation en soins infirmiers. Westrup fait une importante contribution dans sa recension en reconnaissant que la plupart des études publiées sur le NIDCAP ont fait appel à « de petits échantillons » et à « des périodes de suivi relativement courtes ». Pour remédier à cette situation, l’auteur prône un « plus grand nombre d’essais aléatoires dans des centres multiples ».

Cependant, Westrup et Als expriment des doutes sur la faisabilité d’un tel devis expérimental. Malgré leurs réserves quant à la méthodologie, un essai aléatoire a été entrepris sur trois sites (N=234) et a révélé moins de jours d’alimentation parentale, une transition plus courte vers l’alimentation entérale complète, un gain de poids moyen plus élevé, une plus grande croissance, une plus courte durée de séjour, une sortie d’hôpital à un âge moins avancé et moins de frais hospitaliers pour les bébés du groupe expérimental.2 Cependant, tous ces résultats représentent des mesures répétées à différents points de la même variable latente, soit la santé du bébé. Un autre essai aléatoire contrôlé récemment publié n’a découvert aucune différence particulière entre le NIDCAP et le groupe témoin pour ce qui est du QI, du handicap ou de la déficience cognitive à 66 mois.3 Il n’y a toujours aucune preuve de l’effet positif du NIDCAP sur les résultats à l’âge scolaire.

Le IHDP a utilisé un important essai aléatoire multicentre (8 sites, N=985) pour tester l’efficacité de son intervention sur les enfants qui ont un petit poids à la naissance. Le groupe de traitement a reçu : a) des visites à domicile (hebdomadaires pendant la première année de l’enfant; bihebdomadaire au cours des 2e et 3e années); b) 20 heures par semaine dans un centre de développement de l’enfant, 50 semaines par an pendant un an pour les enfants de 12 à 36 mois; et c) des rencontres de soutien en groupe tous les deux mois pour les parents, de l’âge de 12 à 36 mois5 Le groupe de traitement et le groupe témoin ont fait l’objet d’un suivi psychiatrique avec des évaluations médicales et développementales et des orientations vers des services au besoin.

Le modèle des résultats auto rapportés dans le groupe de traitement suggère la présence de l’effet Hawthorne6 : contrairement aux parents du groupe témoin, les parents qui ont participé à des rencontres de soutien en groupe et qui ont aussi reçu des visites à domicile étaient beaucoup moins susceptibles de rapporter des problèmes de comportement chez leurs enfants parce qu’ils avaient été formés à atténuer ces problèmes. Un autre exemple de contamination possible des résultats de recherche attribuable aux différentes expositions du groupe de traitement et du groupe témoin est l’augmentation notable de la « morbidité mineure rapportée par les mères » du groupe de traitement. Certaines rencontres parentales de groupe étaient probablement consacrées à porter attention aux signes et aux symptômes des maladies infantiles. En conséquence, l’incidence supérieure de rapports de maladie dans le groupe de traitement est peut-être fonction de la sensibilité des parents provoquée par les rencontres parentales.

Implications pour la mise en place

Le NIDCAP et le IHDP sont des modèles de programmes reconnus internationalement qui ont démontré des effets positifs importants à court terme. Les planificateurs de services attirés par les résultats positifs de ces programmes doivent considérer deux faits importants. Premièrement, les procédures d’échantillonnages des deux programmes excluent les bébés gravement malades. Comme le seuil de viabilité est abaissé, on peut s’attendre à observer davantage de « bébés fœtaux », ceux qui pèsent de 400 à 500 grammes. Il en naît déjà 5 000 par an aux États-Unis et environ 12 % d’entre eux survivent.7 Bien que ces bébés constituent une très petite portion de toutes les naissances, leurs perspectives à long terme ne sont pas du tout prometteuses, en conséquence, ces programmes de soins développementauxne les incluent pas. Ceci soulève la question suivante : « Devrions-nous suivre les autres pays en instaurant un poids de naissance et un âge gestationnel en dessous desquels aucun soin intensifne serait offert? »7 Jusqu’à ce que cette question soit résolue, les planificateurs de services doivent être conscients que plus l’enfant est prématuré, moins il a de chances d’être admissible à un de ces programmes de soins développementaux.

Deuxièmement, les planificateurs de services sont confrontés à déterminer la rentabilité de tels programmes. Le IHDP et le NIDCAP ont rapporté des économies de coûts associées à l’amélioration des résultats, cependant, aucun n’a précisé le coût moyen de l’intervention par enfant. En conséquence, plusieurs USNI ont tenté d’assurer les bienfaits du NIDCAP par une mise en application partielle du programme.8-9 Comme les prématurés sont si vulnérables, les planificateurs doivent faire attention lorsqu’ils mettent en place des traitements qui démontrent des bienfaits à court terme, mais aucun à long terme. Ils devraient continuer à exiger que les programmes d’intervention correspondent aux normes de la médecine fondée sur des preuves.

Références

  1. American College of Obstetricians and Gynecologists. ACOG Practice Bulletin: Clinical Management Guidelines for Obstetrician-Gynecologists: Number 38, September 2002. Perinatal care at the threshold of viability. Obstetrics and Gynecology 2002;100(3):617-624.
  2. Als H, Gilkerson L, Duffy FH, McAnulty GB, Buehler DM, Vandenberg K, Sweet N, Sell E, Parad RB, Ringer SA Butler SC, Blickman JG, Jones KJ. A three-center, randomized, controlled trial of individualized developmental care for very low birth weight preterm infants: medical, neurodevelopmental, parenting, and caregiving effects. Journal of Developmental and Behavioral Pediatrics 2003;24(6):399-408.
  3. Westrup B, Bohm B, Lagercrantz H, Stjernqvist K.  Preschool outcome in children born very prematurely and cared for according to the Newborn Individualized Developmental Care and Assessment Program (NIDCAP).  Acta Paediatrica 2004;93(4)498-507.
  4. Jacobs SE, Sokol J, Ohlsson A. The newborn individualized developmental care and assessment program is not supported by meta-analyses of the data. Journal of Pediatrics 2002;140(6):699-706.
  5. Berlin LJ, Brooks-Gunn J, McCarton C, McCormick MC. The effectiveness of early intervention: Examining risk factors and pathways to enhanced development. Preventive Medicine 1998;27(2):238-245.
  6. Draper SW. The Hawthorne effect and other expectancy effects: a note. Disponible sur le site: http://www.psy.gla.ac.uk/~steve/hawth.html. Page consultée le 19 novembre 2004.
  7. Lucey JF. Debate needed about neonatal intensive care. Health Affairs 2001;20(6):313.
  8. Ashbaugh JB, Leick-Rude MK, Kilbride HW.  Developmental care teams in the neonatal intensive care unit: survey on current status.  Journal of Perinatology 1999;19(1):48-52.
  9. Brown LD, Heermann JA. The effect of developmental care on preterm infant outcome. Applied Nursing Research 1997;10(4):190-197.

Pour citer cet article :

Roth J, Morse SB. Programmes et services de soutien pour les prématurés : commentaires sur Als, Westrup, et Mallik et Spiker. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/prematurite/selon-experts/programmes-et-services-de-soutien-pour-les-prematures-commentaires-sur-als. Actualisé : Juillet 2008. Consulté le 19 avril 2024.

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