Promouvoir la préparation à l’école pendant la petite enfance : ce que peuvent faire les parents


Wayne State University School of Medicine, États-Unis

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Introduction

Cette section traite de la préparation à l’école pendant la petite enfance. Lorsque les enfants entrent à l’école avec les compétences cognitives, comportementales et socioémotionnelles nécessaires pour bénéficier des expériences d’apprentissage qui leur sont offertes, ils sont plus susceptibles d’avoir du succès à long terme. La recherche sur l’éducation et le développement des jeunes enfants a identifié un certain nombre de pratiques qui favorisent une préparation adéquate à l’école pendant la petite enfance. Nous allons passer en revue certaines d’entre elles, en mettant un accent particulier sur les stratégies qui peuvent être utilisées par les parents et d’autres personnes responsables de l’enfant. 

Sujet

La préparation à l’école réfère à une constellation d’habiletés et de comportements que les enfants ont développés au moment d’entrer à l’école et qui leur permettent de bien s’adapter au milieu scolaire et de profiter au maximum des expériences d’apprentissage qui leur sont offertes.1 Alors que les premières théories à ce sujet étaient axées sur les habiletés préacadémiques comme la capacité de compter ou de reconnaître les lettres, les conceptualisations plus récentes mettent aussi l’accent sur l’importance des compétences socioémotionnelles, telles que la capacité à suivre les instructions, à inhiber ses impulsions et à concentrer son attention.1 Alors que les aspects cognitif et socioémotionnel de la préparation à l’école sont interreliés, chacun d’eux contribue aussi indépendamment à l’adaptation initiale des enfants à l’école et à leur succès académique et comportemental à long terme. 

Problèmes

Une préparation à l’école déficitaire peut entraîner des difficultés à long terme chez les enfants. Ceux qui entrent à l’école avec des habiletés cognitives et socioémotionnelles de base moins développées que celles de leurs pairs sont à risque d’expérimenter un certain nombre de problèmes, dont un faible rendement scolaire, des difficultés avec les pairs, un piètre attachement et investissement envers l’école et le décrochage scolaire.2 Malheureusement, plusieurs enfants, particulièrement ceux qui proviennent de familles défavorisées sur le plan économique, entrent à l’école avec un faible niveau de préparation, à la fois sur les plans cognitif et comportemental. Cet « écart de rendement » entre les enfants de milieux défavorisés et ceux qui proviennent de foyers plus aisés ne s’atténue pas avec la scolarisation; en fait, il tend à s’accroître avec le temps, à mesure que les enfants vieillissent.3 

Contexte de la recherche 

Comme une piètre préparation à l’école ouvre souvent la voie à des difficultés chroniques d’adaptation scolaire, les interventions conçues pour intensifier cette préparation sont généralement destinées aux enfants de moins de cinq ans. Ces interventions incluent des stratégies qui ciblent directement les compétences des enfants en favorisant le développement du langage, la littératie émergente et les compétences précoces en mathématiques, de même que des programmes visant à supporter les habiletés relationnelles avec les pairs et à développer le contrôle de l’attention, la motivation et l’engagement dans l’apprentissage. Certaines de ces interventions sont destinées directement aux enfants et sont menées dans les milieux préscolaires (comme le programme Head Start), alors que d’autres ciblent indirectement la préparation à l’école en abordant des aspects variés des pratiques parentales. Les interventions destinées aux parents se déroulent souvent dans le contexte des programmes de visite à domicile (comme le programme de partenariat infirmière-famille Nurse-Family Partnership ou le programme Early Start). Alors que plusieurs interventions sont conçues pour pallier aux déficits des enfants à risque, d’autres sont universelles et s’adressent à tous les enfants (comme le programme préscolaire PATHS).  

Questions clés de la recherche

Un certain nombre de questions ont émergé de la recherche sur la préparation à l’école et des études d’intervention à ce sujet. Ces questions incluent notamment :

  • Quelles composantes de la préparation à l’école sont les plus critiques pour l’adaptation scolaire à long terme et le succès académique?
  • Quelles interventions affectent ces composantes? Ces interventions sont-elles efficaces?
  • Quels enfants bénéficient le plus des interventions de préparation à l’école?
  • Les interventions les plus efficaces pour favoriser la préparation à l’école sont-elles celles qui se déroulent en milieu préscolaire ou celles qui s’adressent aux parents? Ces deux approches sont-elles plutôt complémentaires?

Résultats récents de la recherche 

On a évalué et montré l’efficacité de multiples interventions pour promouvoir la préparation à l’école des enfants. Alors que plusieurs d’entre elles sont des programmes offerts dans des centres pour enfants, comme le programme Head Start, nous nous concentrerons, dans cet article, sur les programmes qui impliquent les parents. 

La recherche a montré clairement que des relations chaleureuses et sensibles entre parents et enfants jouent un rôle puissant dans le développement des enfants. Il semble que les habitudes développées pendant les trois premières années de la vie influencent la préparation à l’école par leurs effets sur les habiletés cognitives et d’autorégulation émergentes des enfants.4 Des pratiques parentales sensibles pendant les années préscolaires ont été liées au développement des fonctions exécutives et du contrôle de l’attention, aspects importants pour la préparation à l’école.5,6 En revanche, des stratégies parentales sévères, incohérentes ou coercitives sont associées à des niveaux plus faibles de préparation sur les plans cognitif et comportemental,4,7 possiblement parce que de telles pratiques entravent le développement de la régulation émotionnelle et du contrôle des impulsions.1 Ceci semble particulièrement vrai pour les enfants provenant de familles à faible revenu, dans lesquelles un parentage chaleureux qui soutient l’enfant peut protéger celui-ci des effets négatifs d’une situation économique défavorable.8 

Dans le domaine cognitif, la lecture dialogique réfère à une forme de lecture conjointe pendant laquelle le parent engage l’enfant dans des conversations sur l’histoire lue, souligne les nouveaux mots de vocabulaire rencontrés et pose des questions complexes. Whitehurst et ses collègues9,10 ont formé des parents à utiliser ces techniques lorsqu’ils lisaient des livres à leurs enfants d’âge préscolaire. Lorsque les parents étaient en mesure d’appliquer ces techniques de façon régulière (15 minutes par jour, au moins trois fois par semaine, pendant 8 semaines), les habiletés langagières des enfants de familles à revenu faible et moyen s’amélioraient de façon significative. De plus, les enfants dont la performance à des tests de langage expressif et réceptif se situait sous la moyenne voyaient leurs habiletés de base en littératie s’améliorer significativement suite à la pratique de lecture dialogique à la maison.11 De même, la recherche a montré que, lorsque les parents sont formés à enseigner des habiletés académiques précoces à leurs enfants qui fréquentent la maternelle (par ex., identification des lettres, sensibilisation aux phonèmes), les enfants font des progrès significatifs.12,13  

Les parents peuvent aussi promouvoir la préparation à l’école en offrant aux enfants des jouets éducatifs et du matériel lié à la littératie, comme des livres et du matériel d’écriture. La présence de jouets et de matériel d’apprentissage à la maison est positivement reliée au développement cognitif et langagier subséquent des enfants.

Bien que la conversation entre parent et enfant n’ait pas été liée directement à la préparation à l’école, elle est liée à un niveau plus avancé de vocabulaire et d’habiletés syntaxiques.14 Ces aspects sont, en retour, des prédicteurs significatifs des compétences ultérieures en littératie; le vocabulaire au cours des années préscolaires est lié aux aptitudes en compréhension de la lecture en troisième année.15 En conséquence, les conversations entre parents et jeunes enfants peuvent faciliter la préparation à l’école en contribuant au développement des compétences linguistiques des enfants.16 À l’inverse, la recherche a démontré qu’un taux élevé d’interdictions et de langage restreint (par ex., donner des ordres) est lié à un faible niveau de préparation scolaire sur les plans cognitif et comportemental.17,18 

Lacunes de la recherche

Alors que les interventions de promotion de la préparation scolaire destinées exclusivement aux parents mènent souvent à des améliorations des pratiques parentales et peuvent aussi entraîner des effets positifs sur le développement de l’enfant en général, l’illustration de liens spécifiques entre ces interventions et la préparation à l’école fait généralement défaut. Les programmes destinés aux parents d’enfants de moins de trois ans négligent fréquemment d’assurer un suivi longitudinal suffisant pour documenter clairement leurs impacts sur la préparation à l’école. Lorsque des liens avec la préparation à l’école sont mis en évidence, toutefois, ils sont souvent modestes et des effets peuvent être trouvés seulement pour certains sous-groupes. Par exemple, on a montré que seulement certains sous-groupes particuliers d’enfants tiraient des bénéfices, sur le plan de la préparation à l’école, du programme de partenariat infirmière-famille Nurse-Family Partnership, un programme de visites à domicile bien documenté destiné aux nouvelles mères provenant de milieux défavorisés.19 Plus de recherches seront nécessaires pour déterminer quelles interventions sont les plus appropriées et les plus utiles pour des enfants et des familles spécifiques. 

Conclusion

La recherche sur la préparation à l’école indique que certaines conduites parentales sont liées aux compétences développementales et comportementales des enfants et des résultats plus modestes lient ces compétences à la préparation à l’école. Des interactions chaleureuses et sensibles entre parents et enfants peuvent grandement atténuer les effets toxiques de la pauvreté et les risques posés par des caractéristiques adverses comme une naissance prématurée. Les interactions parent-enfant qui impliquent des jeux partagés, la lecture de livres et des conversations complexes, ainsi que l’utilisation de jouets posant des défis cognitifs et d’autre matériel de prélittératie semblent faciliter le développement du langage, l’autorégulation, le contrôle de l’attention et l’implication dans l’apprentissage. Ces facteurs, en retour, ouvrent la voie à une préparation réussie à l’école. L’adaptation scolaire des enfants peut aussi être facilitée lorsqu’il existe un partenariat positif entre l’école et la maison et lorsque les parents peuvent compléter l’apprentissage fait en classe avec des expériences d’apprentissage positives à la maison. Les pratiques parentales impliquant une discipline sévère, des interactions incohérentes ou coercitives entre parents et enfants et un manque d’échanges verbaux complexes peuvent contribuer à des déficits sur le plan de la préparation scolaire. Les interventions de promotion de la préparation à l’école destinées exclusivement aux parents peuvent amener des changements de pratiques parentales menant à des améliorations du développement et du comportement des enfants, mais la recherche n’a pas toujours lié directement ces interventions à des améliorations sur le plan de la préparation à l’école. 

Implications pour les parents, les services et les politiques

L’ensemble des résultats de recherche disponibles suggère plusieurs moyens clés par lesquels les parents peuvent favoriser la préparation à l’école de leurs jeunes enfants. Premièrement, la recherche suggère que les parents devraient s’efforcer de soutenir leurs enfants par des interactions chaleureuses et sensibles avec ceux-ci, car de telles interactions favorisent les aptitudes cognitives et d’autorégulation qui sous-tendent, en grande partie, le succès de la préparation à l’école. De même, les parents devraient essayer d’éviter les interactions coercitives caractérisées par les interdictions et les manifestations de colère, ces interactions étant associées à des déficits en matière de préparation à l’école. Deuxièmement, les parents de jeunes enfants devraient s’efforcer d’engager ceux-ci dans des conversations complexes qui incluent du vocabulaire nouveau et d’autres défis linguistiques. En effet, des efforts sur ce plan ont entraîné chez les enfants des habiletés langagières plus développées, un meilleur sens de la coopération et une capacité accrue à se concentrer sur le même objet que le parent (une habileté nommée attention partagée ou « joint attention »).16 Troisièmement, les parents peuvent créer un environnement stimulant sur le plan cognitif à la maison en mettant à la disposition des enfants des jouets, des livres et d’autre matériel de littératie et en supportant l’utilisation de ces objets par des conversations complexes et structurées. Finalement, comme la recherche suggère qu’une relation positive entre l’école et la maison est liée à la préparation scolaire, les parents sont encouragés à forger un partenariat positif avec les enseignants, de façon à ce que les activités d’apprentissage à la maison complètent celles qui sont offertes à l’école. 

La recherche montre clairement que les enfants de familles à faible revenu sont particulièrement à risque d’être peu préparés à l’entrée à l’école et donc de subir les conséquences négatives à long terme associées à « l’écart de rendement » reconnu entre les enfants de différents statuts socio-économiques. La recherche montre aussi que des pratiques parentales positives peuvent être particulièrement critiques pour les enfants provenant de milieux défavorisés. Cependant, il peut être très difficile pour les parents de ces milieux d’offrir aux enfants les expériences nécessaires au succès scolaire. Ces parents vivent souvent beaucoup de stress et peuvent connaître des dépressions fréquentes et une grande désorganisation familiale ; ils peuvent aussi souffrir eux-mêmes de pauvres aptitudes en littératie et avoir vécu des expériences scolaires négatives. De plus, les familles défavorisées sur le plan économique n’ont souvent pas les ressources matérielles nécessaires pour offrir aux enfants des jouets, des livres et des expériences qui facilitent leur développement cognitif et socioémotionnel. Conséquemment, un défi pour les éducateurs et les décideurs politiques est d’enseigner aux parents des enfants vulnérables les habiletés nécessaires à la préparation à l’école de leurs enfants et de leur offrir les ressources en conséquence.  

Références

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Pour citer cet article :

Welsh JA. Promouvoir la préparation à l’école pendant la petite enfance : ce que peuvent faire les parents. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Vitaro F, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/reussite-scolaire/selon-experts/promouvoir-la-preparation-lecole-pendant-la-petite-enfance-ce-que. Publié : Mai 2014. Consulté le 24 avril 2024.

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