Traitement de la dépression post-partum


Winnicott Research Unit, University of Reading, Royaume-Uni

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Introduction

La dépression postnatale (DPN) est fréquente chez les mères, sa prévalence s’élevant à environ 13 %1 dans les pays développés et étant encore plus forte dans certains milieux en développement.2,3,4 Une quantité considérable de données appuient le fait que la DPN réduit la capacité de la mère d’interagir de façon positive avec son bébé et plusieurs études révèlent que la DPN nuit au développement cognitif, comportemental et affectif de l’enfant.5 Il s’est avéré difficile de prédire la DPN avant la naissance de l’enfant6 et, quoi qu’il en soit, les interventions préventives ont été en grande partie inefficaces.7 Les chercheurs et les cliniciens se sont par conséquent tournés vers le traitement des symptômes manifestes de la DPN.

Sujet

La DPN est maintenant reconnue comme un important problème de santé publique en raison de la souffrance qu’elle inflige aux mères de même que des répercussions nocives générales qu’elle a sur la famille. C’est pourquoi on s’est beaucoup intéressé, ces dernières années, à l’élaboration et à l’évaluation de traitements contre la DPN, et plusieurs essais cliniques aléatoires ont été effectués. Il est important d’examiner attentivement les résultats de ces études afin de déterminer les services à offrir aux mères souffrant de DPN et à leurs enfants ainsi que de comprendre les processus causaux de la maladie.

Problèmes

La plupart des études sur le traitement de la DPN portent sur l'incidence de ce traitement sur l’humeur de la mère. De ce fait, peu de recherches ont examiné l’effet du traitement sur la relation mère-enfant et les risques concomitants sur le développement de l’enfant. Il est donc difficile d’évaluer la valeur clinique des résultats de recherche pour toute autre préoccupation qui ne se rapporte pas à l’humeur de la mère.

Contexte de la recherche

Il existe plusieurs bonnes études d’observation naturaliste qui portent sur l’incidence de la DPN sur la relation entre la mère et l’enfant, et l’architecture des problèmes de compétences parentales dans ce contexte est maintenant bien comprise; de même, les données qui font ressortir les répercussions de la DPN sur le développement de l’enfant sont détaillées et fiables.5 Plusieurs essais cliniques aléatoires visant à déterminer l’incidence du traitement sur la DPN ont également eu lieu.7,8 Toutefois, ils étaient principalement axés sur les effets du traitement sur l’humeur de la mère plutôt que sur la qualité de la relation entre la mère et l’enfant, ou sur le développement de l’enfant et peu d’entre eux ont fait l’objet d’un suivi.

Questions clés pour la recherche

  1. L’administration d’un traitement particulier contre la DPN donne‑t‑elle de meilleurs résultats en ce qui concerne l’humeur de la mère que l’absence de traitement ou le traitement habituel?
  2. Certains traitements contre la DPN sont-ils plus efficaces que d’autres pour améliorer l’humeur de la mère?
  3. Les traitements contre la DPN améliorent-ils la qualité de la relation mère-enfant?
  4. Les traitements contre la DPN favorisent‑ils le développement de l’enfant (et dans l’affirmative, est-ce parce qu’ils améliorent la relation entre la mère et l’enfant)?

Résultats d’études récentes

La majorité des études sur le traitement sont surtout axées sur l’efficacité des interventions de psychothérapie. Un examen de divers essais cliniques aléatoires9 a permis de conclure que les traitements psychologiques précis tout comme les interventions psychosociales générales ne sont que moyennement efficaces pour améliorer l’humeur de la mère, et les deux types d’interventions apportent des bienfaits comparables. Une méta-analyse récente des interventions psychothérapeutiques contre la DPN (y compris le soutien social, la psychothérapie non dirigée et les thérapies cognitivo-comportementale (TCC), interpersonnelle (TIP) et psychanalytique) a également révélé que ces formes de traitement étaient toutes modérément efficaces.8 Les deux examens ont fait ressortir la nature « court terme » de la plupart des essais et les suivis limités effectués.

Il existe peu de données sur le rôle des interventions pharmacologiques. Les chercheurs d’une étude réalisée au Royaume-Uni il y a quelques années10 ont constaté que le traitement par fluoxétine, un inhibiteur spécifique du recaptage de la sérotonine ou ISRS, le counseling ou la combinaison de ces deux méthodes donnaient tous des résultats semblables. Fait remarquable, plus de la moitié des femmes à qui on a demandé de participer à cette étude ont refusé de le faire principalement parce qu’elles étaient réticentes à prendre des médicaments. Les auteurs d’une étude canadienne de petite envergure sur le traitement de la DPN accompagnée d’anxiété11 ont trouvé que le traitement par un autre ISRS (paroxétine) ou par une combinaison du médicament et de la TCC entraînait des améliorations comparables dans les deux cas. Il y a lieu d’évaluer plus en profondeur le rôle des antidépresseurs dans le traitement de la DPN12, surtout lorsque la maladie devient chronique. La possibilité que le nourrisson absorbe le médicament par l’intermédiaire du lait maternel constitue une source de préoccupation.13

La mesure dans laquelle les effets du traitement se traduisent par des améliorations de la relation mère-enfant et du développement de l’enfant représente une question cruciale en ce qui concerne le traitement de la DPN. Peu d’études portent précisément sur cette question.14,15 Un essai clinique aléatoire de grande envergure dans lequel on comparait la TCC, le counseling et la thérapie psychanalytique avec les soins réguliers a révélé que, même si tous les traitements actifs avaient un effet modéré sur le soulagement de la dépression et comportaient des bienfaits à court terme concernant la qualité de la relation mère-enfant, peu de données prouvaient que ceux-ci avaient une incidence bénéfique sur le développement de l’enfant; de plus, ces bienfaits (y compris ceux touchant l’humeur de la mère) n’étaient plus apparents au moment des suivis.16,17 Dans le même ordre d’idées, un essai clinique aléatoire récent a fait ressortir que, même si la psychothérapie interpersonnelle était efficace pour traiter la dépression maternelle, aucun effet bénéfique n’a été noté sur les interactions mère-enfant, les difficultés affectives du nourrisson ou l’attachement sécurisant de celui-ci.18

Une autre forme d’intervention mise plus directement sur l’amélioration des compétences parentales. Par exemple, Cicchetti et coll.19,20 ont examiné l’incidence d’une psychothérapie prolongée (d’une durée moyenne de 57 semaines) offerte aux mères dépressives, dont l’objet était de favoriser un modèle positif d’attachement maternel et d’améliorer les interactions entre la mère et le nourrisson. Ils ont constaté des effets bénéfiques sur l’attachement et le développement cognitif de l’enfant. D’autres études ont aussi porté sur des interventions plus brèves durant la période suivant l’accouchement et visaient à améliorer les interactions entre la mère et le nourrisson. Des effets bénéfiques ont été constatés à la suite d’un accompagnement (coaching) interactif21 et de massages pour nourrissons.22,23 De plus, une intervention visant à faciliter la relation mère-enfant, dans le cadre de laquelle la mère devait évaluer son nourrisson au moyen d’une échelle d'évaluation du comportement néonatal, a permis d’observer une amélioration de la qualité de la communication et de l’organisation des états d’éveil du bébé à un mois.24 Une intervention à long terme offerte dans le cadre d’un essai clinique aléatoire de grande envergure réalisé dans une collectivité périurbaine d’Afrique du Sud et au cours de laquelle des travailleurs communautaires effectuaient des visites à domicile en vue d’aider les mères à devenir plus attentionnées a eu pour effet d’améliorer grandement les aptitudes parentales; les suivis ont de plus permis de constater une hausse du taux d’attachement sécurisant chez les enfants.25 Récemment, une intervention à domicile utilisant la rétroaction par vidéo pour intervenir auprès des mères dépressives26 a eu des effets positifs, tant sur la qualité du lien entre la mère et le nourrisson que sur l’attachement de l’enfant. Bien que ces données soient encourageantes, il n’en demeure pas moins qu'aucune étude n'a pu démontrer dans quelle mesure l’amélioration de la relation mère-enfant entraîne des effets bénéfiques à long terme pour l’enfant.

Lacunes de la recherche

Même si diverses formes d’interventions se sont avérées bénéfiques dans le traitement de la DPN maternelle, aucune d’entre elles n’a permis d’observer des effets durables sur l’humeur de la mère et peu de données probantes montrent que les interventions améliorent à long terme le développement de l’enfant. Il reste à déterminer laquelle des formes de traitement est la meilleure bien que, selon les données disponibles actuellement, il semble que les interventions axées sur l’amélioration des compétences parentales soient les plus prometteuses. En outre, même s’il existe des formes distinctes de manquements sur le plan des compétences parentales dans un contexte de DPN, lesquels entraînent des problèmes distincts chez l’enfant, aucun chercheur n’a encore tenté de vérifier, au moyen d’études empiriques, si des interventions ciblées sur des caractéristiques précises du lien entre la mère et le nourrisson pourraient avoir un effet bénéfique sur certains des effets observés chez l’enfant. De plus, bien que les enfants soient plus gravement touchés lorsque leur mère souffre de DPN chronique, aucune étude visant ces mères n’a à ce jour été réalisée pour déterminer si une intervention pouvait améliorer leur humeur et réduire les effets négatifs de cet état chronique sur leur enfant.

Conclusions

Un certain nombre de traitements se sont avérés efficaces pour aider les mères souffrant de DPN à soigner leur trouble de l’humeur, mais aucun d’entre eux ne s’est encore montré supérieur aux autres et il n’y a aucune preuve de leurs bienfaits à long terme sur l’humeur de la mère. Certaines améliorations ont été observées dans la qualité des interactions entre la mère et son nourrisson lorsque les interventions visaient les difficultés de conduites parentales, malgré la courte durée de la plupart des études et des suivis. Bien que les effets à long terme de ces interventions parentales ne soient pas connus, de nouvelles données probantes semblent indiquer que certaines d’entre elles pourraient aider à prévenir les répercussions indésirables à court terme de la DPN sur les enfants. Comme les effets néfastes de la DPN sur l’enfant sont plus susceptibles de se produire lorsque la dépression maternelle est chronique ou récurrente, il est particulièrement important de repérer les mères qui en sont touchées et d’intervenir auprès d’elles.

Implications pour les parents, les services et la politique

Compte tenu de la forte prévalence de la DPN et de ses effets défavorables sur la relation entre la mère et son enfant et sur le développement de ce dernier, il est important que des services communautaires soient en place pour favoriser le dépistage précoce et le traitement de la DPN. Il est crucial que les traitements visent de façon particulière la relation mère-enfant et que des mesures thérapeutiques précises soient mises en place pour aider les mères à interagir avec leurs nourrissons de la manière la plus bénéfique. Dans les milieux à risque élevé, là où la dépression risque d’être prolongée ou récurrente, il est essentiel d’instaurer des mesures de surveillance à long terme pour offrir le soutien nécessaire lorsque le besoin se manifeste et de façon régulière.

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Pour citer cet article :

Cooper P, Murray L, Halligan S. Traitement de la dépression post-partum. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/depression-maternelle/selon-experts/traitement-de-la-depression-post-partum. Publié : Mai 2010. Consulté le 28 mars 2024.

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