Politiques sur les congés parentaux : commentaires sur Lero, Kamerman et Ruhm


Touch Research Institutes, University of Miami School of Medicine, États-Unis
, 2e éd.

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Introduction

Les commentaires de Lero, de Kamerman et de Ruhm dans le domaine des politiques de congé parental ont fait l’objet de nombreuses publications. Cependant, tel que Lero l’a mentionné dans sa recension des écrits : « Il existe relativement peu d’études qui s’intéressent à ces questions et les résultats ne sont ni cohérents ni généralisables à l’extérieur des États-Unis, où les congés parentaux et de maternité, les soins de santé et les politiques relatives à la garde des enfants sont atypiques comparés au reste des nations industrialisées. » Dès 1991,1 plus de 100 pays, incluant pratiquement toutes les nations industrialisées, disposaient de politiques sur les congés parentaux. Selon Karmerman, le Canada s’est doté d’une des politiques les plus généreuses, avec un congé parental d’un an rémunéré. En comparaison, L’Union européenne a rendu obligatoire un congé de maternité plus court de 14 semaines rémunérées. Les États-Unis accordent un congé de maternité bref, non rémunéré. Il est surprenant de constater que la recherche sur les politiques concernant les congés parentaux provient principalement des États-Unis, ce qui conduit plusieurs auteurs comme Kamerman à nuancer leurs commentaires lorsqu’ils traitent des impacts « potentiels » des politiques sur les congés. En conséquence, nous devons garder présent à l’esprit le fait que ces auteurs disposaient d’un ensemble de données très limitées pour compléter leur recension des écrits.

Recherche et conclusions

Kamerman commente l’étude de Ruhm,2 qui suggère que les politiques de congé parental améliorent la santé de l’enfant (en ce qui a trait au poids à la naissance et à la mortalité infantile ou de l’enfant) et que les congés payés diminuent le besoin de services de garde pour les petits enfants et pour les trottineurs à l’extérieur de la maison. Elle fait aussi remarquer qu’il peut y avoir « des conséquences négatives pour les femmes qui prennent des congés étendus (par exemple, 3 ans), particulièrement si elles prennent plusieurs congés séquentiels. » L’étude de Ruhm se basait sur des données européennes, avec des résultats positifs escomptés.

La recension de Ruhm expose les effets négatifs du retour précoce au travail rémunéré de la mère tel que mentionné dans de nombreuses études américaines. Les études considérées démontrent invariablement que non seulement l’emploi maternel pendant la première année de l’enfant produit des résultats négatifs, mais que dans certains cas, il neutralise tous les avantages obtenus pendant le travail maternel pendant les 2e et 3e années de la vie de l’enfant. Les articles recensés par Ruhm et qui soutiennent cette affirmation ne sont pas encore publiés.3-5 Plusieurs autres études qui ont exploré les effets de l’absence maternelle sur les relations sociales et émotives (comme celles de Belsky6 citées dans le commentaire de Ruhm) ont été largement réfutées par une étude très complète du National Institute of Child Health and Human Development (NICHD)7. Cette étude démontrait que les enfants qui reçoivent des soins précoces présentent un développement émotif et cognitif normal. Ainsi, l’affirmation de Ruhm selon laquelle « l’emploi maternel pendant la première année de vie d’un enfant semble affecter négativement les résultats des tests cognitifs subséquents et est associé à une augmentation des problèmes comportementaux » a été réfutée. De plus, Ruhm postule qu’une diminution de la fréquence et de la durée de l’allaitement maternel peut servir d’intermédiaire pour les effets négatifs associés au travail pendant la première année de vie de l’enfant. Cependant, sa théorie (basée sur des références entre 1989 et 1994)8-10 néglige l’expansion de l’industrie des tire-lait et la fréquence croissante de l’allaitement maternel chez les femmes qui travaillent. Cette tendance suggère que les enfants ne sont pas privés du lait de leur mère.

Le commentaire de Lero souligne la nature hautement individuelle des effets de l’emploi maternel et des congés maternels sur l’enfant. Elle cite la Wisconsin Maternity Leave and Health Study, qui ne montrait aucune différence entre les femmes au foyer, les employées à temps partiel ou à temps plein en ce qui concerne les mesures de santé mentale qui incluent la dépression, l’anxiété, l’estime de soi et la durée du congé. Elle en conclut que la durée du congé en soi ne contribue pas significativement à la santé mentale de la mère. En fait, comme le signale Lero, plusieurs chercheurs ont rapporté que la dépression était plus élevée chez les mères qui désiraient retourner au travail, mais qui prenaient des congés plus longs que souhaités ou qui choisissaient de rester à la maison pour d’autres raisons.11-13 En conséquence remarque Lero, il semble que la satisfaction de la mère à propos de son rôle d’épouse et le soutien social dont bénéficie ce rôle pourrait faire partie des considérations prépondérantes dans les interactions mère-nourrisson et constituer des facteurs médiateurs quant à l’emploi maternel et aux résultats sur le développement de l’enfant.

Le commentaire de Lero souligne l’importance d’effectuer des recherches sur les congés là où les options sont disponibles et optimales, comme au Canada ou dans les pays européens. De plus, les seules comparaisons vraiment valables sont celles entre les mères qui choisissent de rester à la maison pendant de longues périodes de congé rémunéré et celles qui préfèrent retourner au travail et envoyer leurs enfants dans des services de garde de qualité à coût abordable. Enfin, la recherche sur les congés maternels doit au moins être interprétée et commentée dans le contexte des meilleures alternatives, incluant la recherche sur les services de garde de haute qualité et abordables.

Implications pour l e développement et les politiques

Les commentaires de Lero, de Kamerman et de Ruhm suggèrent des implications louables pour les politiques sur le congé maternel. Kamerman suggère que le concept d’une année de congé rémunéré qui équivaut presque à une substitution complète du revenu et à une place dans des services de garde abordables et de qualité semble gagner l’approbation générale. Mais en réalité, à l’exception de la France et de la Suède, les femmes n’ont pas de choix optimal. Ruhm prétend que la première année de la vie est suffisamment importante pour justifier les politiques de longs congés qui sont disponibles en Europe, mais pas encore aux États-Unis. Il suggère de plus que le développement de l’enfant a constitué une préoccupation passagère et que la science a largement « ignoré les compensations que les différentes politiques peuvent entraîner. » Le mot compensation est un mot clef aux États-Unis alors que les plus grandes autorités en matière de développement de l’enfant soutiennent souvent les congés maternels au détriment de la prestation de services de garde plus optimaux. Pour sa part, Lero souligne que l’on a besoin de plus de recherche sur le soutien en milieu de travail, comme une plus grande flexibilité d’horaire, l’accès à l’allaitement maternel et des services de garde de haute qualité.

Je suis d’accord avec les recommandations faites par ces auteurs et je recommande aussi que les employeurs fournissent un système de bons respectant l’égalité des chances, par lequel les employés auraient le choix entre des crédits de congé sous forme de congé maternel, de service de garde pour les enfants, de participation à des centres de conditionnement, de congés pour prendre soin des personnes âgées ou d’avantages médicaux supplémentaires. Les employeurs aux États-Unis sont incohérents en matière de pratiques de congés en fournissant des prestations de congés à certains employés et pas à d’autres. Dans le système style cafétéria que je propose, les employés pourraient choisir d’utiliser leurs bons pour retourner à l’école, pour obtenir une formation supplémentaire ou un congé avec des compensations approximativement égales à celles du congé de maternité. Comme les habiletés de base de communication chez les jeunes enfants se développent entre les 3e et 5e mois et compte tenu des nouvelles données en faveur de services de garde de qualité pour le développement de l’enfant, une durée de congé similaire pour les employés qui ont de l’ancienneté semble raisonnable. On devrait minimalement offrir des instruments permettant d’éviter les taxes aux personnes qui souhaitent investir dans les services de garde, et de tels programmes devraient être exempts de taxes. Les fonds fédéraux pourraient être dépensés de façon profitable en étudiant les pays où les congés maternels et les choix en terme de services de garde sont disponibles afin que les divers bienfaits des environnements de garde à la maison et à l’extérieur puissent être évalués pour avantager autant les parents que les enfants.

Références

  1. Kamerman SB. Child Care Policies and Programs: An International Overview. Journal of Social Issues 1991;47(2):179-196.
  2. Ruhm, CJ. Parental Leave and Child Health. Cambridge, MA: National Bureau of Economic Research; 1998. Working Paper W6554.
  3. James-Burdumy, S. The Effect of Maternal Labor Force Participation on Child Educational Attainment. [mimeo] Princeton, New Jersey: Mathematica Policy Research, Inc; December 1999.
  4. Neidell, MJ. Early Parental Time Investments in Children’s Human Capital Development: Effects of Time in the First Year on Cognitive and Non-cognitive Outcomes. [mimeo] Los Angeles, CA: University of California at Los Angeles; August 2000.
  5. Ruhm CJ. Parental Employment and Child Cognitive Development. Cambridge, MA: National Bureau of Economic Research; April 2000. Working Paper No. 7666.
  6. Belsky J. The ‘Effects’ of Infant Day Care Reconsidered. Early Childhood Research Quarterly 1988;3(3):235-272.
  7. Friedman S. Overview of the NICHD study of Early Child Care and the Public Release Data Set. Communication présentée au: Symposium of the Society for Child Development; 19-22 avril 2001; Minneapolis, Minn.
  8. Desai S, Chase-Lansdale PL, Michael RT. Mother or Market? Effects of Maternal Employment on the Intellectual Ability of 4-Year Old Children. Demography 1989;26(4):545-561.
  9. Blau FD, Grossberg AJ. Maternal Labor Supply and Children’s Cognitive Development. Review of Economics and Statistics 1992;74(3):474-481.
  10. Parcel TL, Menaghan EG. Early Parental Work, Family Social Capital, and Early Childhood Outcomes. American Journal of Sociology 1994;99(4):972-1009.
  11. Hock E, DeMeis DK. Depression in mothers of infants: The role of maternal employment. Developmental Psychology 1990;26(2):285-291.
  12. Klein MH, Hyde JS, Essex MJ, Clark R. Maternity leave, role quality, work involvement, and mental health one year after delivery. Psychology of Women Quarterly 1998;22(2):239‑266.
  13. McKim MK, Cramer KM, Stuart B, O’Connor DL. Infant care decisions and attachment security: The Canadian Transition to Child Care Study. Canadian Journal of Behavioural Science- Revue canadienne des sciences du comportement 1999;31(2):92-106.

Pour citer cet article :

Field TM. Politiques sur les congés parentaux : commentaires sur Lero, Kamerman et Ruhm. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/conges-parentaux/selon-experts/politiques-sur-les-conges-parentaux-commentaires-sur-lero-kamerman-et. Actualisé : Mars 2007. Consulté le 28 mars 2024.

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