Allaitement et développement psychosocial de l’enfant


1Brigham and Women’s Hospital & Harvard Medical School, Boston, États-Unis, 2University of Canterbury, Nouvelle-Zélande
, Éd. rév.

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Introduction

Les effets de l'allaitement sur le développement de l'enfant ont des implications importantes pour les politiques de santé publique et pour l'élaboration de stratégies d'intervention précoce ciblée visant à améliorer les résultats développementaux des enfants à risque à cause de difficultés biologiques (par exemple la prématurité) ou sociales (par exemple la pauvreté). À ce jour, la recherche fournie appuie clairement l'allaitement pour ses bienfaits nutritionnels et sur la santé pour la mère et l’enfant,1 tout en émettant des mises en garde appropriées pour les femmes malades ou qui prennent des médicaments. Des données indiquent aussi que l'allaitement a des effets limités, mais cohérents sur le développement intellectuel.2-4 La relation entre l'allaitement et le développement psychosocial de l'enfant est moins bien étudiée.

Sujet

La plupart des recherches portant sur les effets psychosociaux de l'allaitement sont fondées sur des études observationnelles en raison des problèmes éthiques que suscite l’affectation aléatoire des mères à des groupes d’allaitement maternel ou artificiel. Aussi, pour ces études, on repose nettement sur l’appariement ou l’ajustement statistique pour les effets d’autres facteurs corrélés avec la méthode d’allaitement qui pourraient également avoir une influence sur l’état de santé de l’enfant. Parmi ces facteurs, on peut citer le QI de la mère et/ou le style éducatif parental. Ces travaux de recherche se sont concentrés sur :

  1. Les comparaisons entre les dyades mères-nourrissons allaités et nourris au biberon dans une série d'évaluations de la mère et du nourrisson, comme le stress maternel, le bien-être, le comportement parental, la qualité des interactions précoces entre la mère et le nourrisson,  l'autorégulation et le comportement du nourrisson.
  2. L'examen, à l'intérieur des groupes, des différences d'humeur maternelle, de l'état du nourrisson, et des interactions dyadiques entre les groupes d’allaitement maternel et d’allaitement artificiel.
  3. L'examen des liens entre la durée de l'allaitement et les résultats psychosociaux à long terme, y compris l'attachement aux parents, l'adaptation comportementale et la santé mentale.
  4. L'adaptation de ces liens en fonction des variables confusionnelles corrélées avec la décision d'allaiter et les résultats de l'enfant.

En plus de ces recherches, une étude prospective utilisant le concept de randomisation en grappes a été réalisée.5,6 Cette étude, dénommée « Essai PROBIT » (Promotion of Breastfeeding Intervention Trial), a recruté plusieurs mères biélorusses après leur accouchement et a eu recours à deux groupes : un groupe expérimental de femmes ayant accouché dans l’un des hôpitaux amis des bébés de l’UNICEF favorisant activement l’allaitement maternel et un groupe témoin de femmes ayant accouché dans un hôpital/une clinique où des procédures habituelles de prise en charge étaient en vigueur. Leurs nourrissons ont ensuite été suivis de façon prospective pour évaluer un certain nombre de résultats.

Problèmes

Les problèmes clés dans ce domaine de recherche sont les suivants :

  1. Distinguer les effets de l'allaitement des autres variables potentiellement confusionnelles associées à l'allaitement. Concrètement, la décision d'allaiter est liée au statut socioéconomique (SSE), à la santé mentale de la mère, à l'éducation, à la qualité de l’attachement et à la qualité des soins apportés à l’enfant. Ces facteurs sont aussi associés aux résultats développementaux de l'enfant. En conséquence, il est difficile de déterminer les effets uniques de l'allaitement sur les résultats psychosociaux des enfants, et cela n'a pas toujours été correctement réalisé.
  2. La nutrition et les facteurs de santé comme la consommation d'alcool et de médicaments peuvent diminuer la qualité du lait maternel et influencer l'état neurologique du nourrisson de façon négative ainsi que les interactions avec sa mère. Il est donc important de contrôler la qualité du lait maternel. Peu d'études ont inclus de telles mesures ou de tels contrôles.
  3. Il n’est pas toujours tenu compte des effets de la durée de l'allaitement ou du recours à des méthodes d'alimentation combinées sur les résultats psychosociaux ultérieurs.
  4. Il y a une variabilité considérable en ce qui a trait aux résultats psychosociaux étudiés et de durée de suivi développemental. Très peu d'études couvrent la période qui suit les premières années de la vie.
  5. Enfin, il est nécessaire de réaliser davantage d’études sur les mécanismes ou les trajectoires qui font que l'allaitement peut influencer l'adaptation psychosociale des enfants à court et à long terme.

Contexte de la recherche

Les premières recherches dans ce domaine se sont principalement fondées sur des échantillons de mères et de nourrissons vivant dans des pays développés. Mais des études plus récentes ont élargi ce champ aux pays développés et en développement.1 Les devis de recherche incluent des approches transversales et longitudinales. Les études croisées utilisent des rapports rétrospectifs et concurrents sur l'allaitement maternel. À quelques exceptions près, les études longitudinales étaient plutôt de courte durée. Dans les études longitudinales et transversales, les mesures de résultats incluaient des entrevues ou des rapports maternels, des entrevues avec des enfants, des observations directes de l'alimentation, des jeux et d'autres interactions entre les mères et leur nourrisson. Les études longitudinales ont intégré des résultats scolaires et certains parents ou enseignants ont été soumis à des tests visant à dépister les problèmes affectifs et comportementaux de l’enfant. Comme indiqué plus haut, les normes éthiques ont rarement permis l’affectation aléatoire à des groupes d’allaitement, ce qui rendait nécessaire de recourir à d'autres étapes méthodologiques et analytiques pour s'assurer que les résultats de recherches étaient correctement attribués aux facteurs pertinents à l’étude.7

Questions clés pour la recherche

Les questions clés pour la recherche dans ce domaine sont les suivantes :

  1. L'allaitement contribue-t-il à l'adaptation psychosociale des enfants à court et à long terme? Les résultats psychosociaux intéressants incluent la formation d'un lien d'attachement sécurisant intime entre la mère et le nourrisson, l'adaptation sociale et comportementale de l'enfant.
  2. Quels sont les mécanismes et les trajectoires par lesquels l'allaitement peut influencer les résultats psychosociaux des enfants?

Récents résultats de recherche

Des données suggèrent qu’un certain nombre de facteurs maternels et infantiles est associé à la décision d'allaiter et à la durée de l'allaitement. Ces facteurs varient considérablement avec le cadre de vie, en particulier entre les pays développés et les pays en développement. Dans les pays développés, les femmes qui choisissent de ne pas allaiter ou de le faire pendant moins longtemps ont tendance à être plus jeunes, moins scolarisées, sont généralement des mères seules, plus pauvres, et qui bénéficient d’un plus faible soutien à l’allaitement maternel.1,8,9 En revanche, dans les pays développés, les femmes plus pauvres étaient plus susceptibles d’allaiter leur bébé, et pendant plus longtemps.1,10

Parmi les autres raisons justifiant de ne pas recourir à l’allaitement maternel, on retrouve la peur que le lait maternel ne comble pas les besoins du nourrisson (en quantité et en qualité) et le besoin pour la mère d’être soutenue par son/sa partenaire et sa famille. Ces raisons sont fréquentes dans les pays développés et en développement.10,11 Les femmes qui décident de ne pas allaiter sont plus susceptibles d’avoir fumé pendant leur grossesse, d’être primipares (c.-à-d. qui accouche pour la première fois), et d’avoir eu un enfant avec un faible poids à la naissance ou présentant des problèmes de santé complexes comme la mucoviscidose.9,12 Certaines expériences stressantes ayant eu lieu avant ou après la naissance peuvent également raccourcir la durée de l’allaitement maternel.13 Enfin, plusieurs études suggèrent que les mères qui reprennent le travail dans les 6 mois suivant leur accouchement, ou qui prévoient de reprendre rapidement un travail à temps plein, sont moins susceptibles d’allaiter. Lorsqu’elles le font, elles sont également plus susceptibles d’allaiter leur enfant sur une plus courte période.14-16 Certaines politiques hospitalières et certaines pratiques du personnel qui encouragent l’allaitement maternel, ainsi que le soutien social provenant des pères, des grands-mères et d’autres mères allaitantes peut contribuer à dissiper les doutes et à améliorer la durée et la qualité de l’allaitement maternel.16-18

Ces résultats indiquent clairement que l'allaitement est un processus qui varie en fonction de différents facteurs individuels, familiaux et communautaires. Il est donc important que les chercheurs tiennent compte de ces différences préexistantes quand ils examinent les associations entre l'allaitement et les résultats psychosociaux de l'enfant.1 D’autre part, sur le plan de la recherche, il est important que ces différences préexistantes chez les mères qui allaitent leur enfant et chez celles qui donnent le biberon soient prises en considération par les chercheurs lorsqu’ils vérifient la relation entre l’exposition à l’allaitement maternel et les résultats psychosociaux de l’enfant. Il est aussi important de faire la distinction entre les facteurs de confusion et ceux qui pourraient être d’abord considérés comme des facteurs médiateurs ou explicatifs au moment d’évaluer les relations observées entre l’exposition à l’allaitement maternel et les résultats, comme la qualité de la relation mère-enfant qui en découle. Bien que la plupart des études recensées aient tenté de contrôler statistiquement certaines de ces différences, peu d'entre elles ont contrôlé de façon extensive une gamme adéquate de variables confusionnelles potentielles.

Les découvertes provenant d'études sur les résultats à court terme suggèrent que l'allaitement peut être bénéfique pour la mère et pour le nourrisson, ainsi que pour la relation qui s'établit entre eux. Toutefois, l’ampleur des effets n’est généralement pas très importante et les soins apportés aux enfants dans les deux groupes se situent à l’intérieur des limites de la normale. Les mères qui allaitent rapportent de plus faibles niveaux de stress et d'humeur négative, des niveaux plus élevés d'attachement maternel et ont tendance à percevoir leur nourrisson de manière plus positive que les mères qui nourrissent leur enfant avec des préparations commerciales pour nourrissons.9,19-21 Des données suggèrent que les mères qui allaitent passent également plus de temps à prodiguer des soins affectifs à leur bébé et sont plus sensibles aux signaux de détresse émotionnelle du nourrisson que les mères qui nourrissent leur enfant au biberon.22,23 Par ailleurs, une petite étude IRMf de 17 mères dans leur premier mois post-partum a démontré que les mères allaitantes présentaient une activation cérébrale plus forte que les mères nourrissant leur enfant au biberon dans les zones du cerveau qui jouent un rôle dans l’empathie et dans la création du lien d’attachement lorsqu’elles entendent leur bébé pleurer.24 Ces zones cérébrales englobaient le gyrus frontal supérieur, l’insula, le précuneus, le striatum et l’amygdale. Une activation plus forte dans le gyrus frontal supérieur droit et dans l’amygdale a été mise en corrélation avec un comportement maternel plus développé dans une interaction mère-nourrisson entre 3 et 4 mois. Ces résultats concordent avec d’autres études démontrant un lien entre l’allaitement maternel et la sensibilité maternelle.25,26,27 Par exemple, dans une étude longitudinale de plus de 1300 familles aux États-Unis, les mères ayant allaité se sont montrées plus sensibles à leurs bébés à 6, 15, 24 et 36 mois.27 Il est important de noter que cette différence a persisté après un contrôle statistique des effets de santé mentale de la mère, de la qualité de l’environnement du foyer en termes de santé infantile et de stimulation ainsi que du statut socio-économique. Enfin, après l'allaitement, les mères ont aussi rapporté des diminutions d'humeur négative comparées à leur humeur avant d'allaiter.20

En ce qui concerne le comportement du nourrisson, on suggère que les premières semaines de la vie des bébés allaités peuvent être caractérisées par une plus grande vigilance28,29 et d'autres aspects du fonctionnement neurocomportemental.30 Par exemple, Hart et al. ont découvert que les enfants allaités âgés d'une semaine obtenaient des résultats significativement plus élevés en matière d'orientation et d'échelles motrices d'après l'échelle d'évaluation du comportement néonatal de Brazelton.30 De plus, ils avaient aussi tendance à mieux s'autoréguler, à avoir moins de réflexes anormaux et à manifester moins de signes de repli que les enfants nourris aux préparations commerciales pour nourrissons. Une étude de suivi à court terme portant sur 158 nourrissons a aussi apporté un soutien supplémentaire aux bienfaits d'autorégulation associés à l'allaitement.31 Cette étude a découvert que pendant la 13e et la 52e semaine, les bébés allaités pleuraient de façon consistante pendant des périodes de temps plus courtes que les bébés nourris aux préparations commerciales pour nourrissons.

Toutefois, la question la plus importante concernant les bienfaits psychosociaux de l’allaitement maternel demeure sans doute les conséquences à long terme sur les relations enfant-mère et enfant-famille, ainsi que leur bien-être comportemental et socio-affectif. Actuellement, les résultats sont contrastés. Plusieurs études suggèrent que les bienfaits psychosociaux sont limités, alors que d’autres suggèrent le contraire. Concernant la qualité des relations mère-nourrisson, une étude prospective de type longitudinale portant sur 1000 jeunes personnes néo-zélandaises a constaté une association faible mais significative entre la durée de l’allaitement maternel et la façon dont les adolescents perçoivent les soins maternels. Cette étude constate qu’une durée d’allaitement plus longue est associée à une meilleure perception des soins maternels chez les adolescents.9 Cette association persistait après contrôle statistique d’une large gamme des facteurs de sélection susmentionnés. Une autre étude portant sur 2900 nourrissons australiens évalués aux âges de 1,2,3,5,8,10 et 14 ans a constaté que chez les bébés allaités pendant six mois ou plus les résultats concernant les troubles d’extériorisation, d’intériorisation et autres problèmes de comportement au cours de l’enfance et jusqu’à l’adolescence étaient inférieurs que chez les enfants n’ayant jamais été allaités ou ayant été allaités pendant moins de six mois.8 Ces différences ont persisté après contrôle statistique de la présence des deux parents biologiques à la maison, de la perception de faibles revenus et d’autres facteurs associés à une mauvaise santé mentale.

Ces recherches s’opposent à d’autres études observationnelles et expérimentales qui n’ont pas observé les effets positifs de l’allaitement maternel sur l’ajustement socioaffectif à long terme.6,32 Par exemple, dans un échantillon de plus de 1000 mères allaitantes et enfants issu du Projet VIVA suivis avant la naissance et jusqu’au milieu de l’enfance (en moyenne, à l’âge de 7,7 ans), aucune association n’a été constatée entre la durée de l’allaitement maternel (exclusif pendant les 6 premiers mois et non-exclusif pendant les 12 premiers mois) et l’évaluation comportementale de l’enfant par les parents ou les professeurs après contrôle statistique de la santé mentale maternelle, de l’intelligence maternelle, des caractéristiques sociodémographiques et du fait que l’enfant avait ou non été placé en garde précocement.32 De la même façon, sur le Questionnaire des points forts et des points faibles constatés à l’âge de 6,5 ans, aucune différence dans les résultats concernant le comportement affectif, l’attitude, l’hyperactivité, le comportement avec les pairs ou le comportement prosocial n’a été constaté entre les enfants des mères du groupe expérimental et les enfants des mères du groupe témoin du vaste essai contrôlé randomisé par grappes « PROBIT » portant sur la promotion de l’allaitement maternel. Étant donné l’âge relativement jeune des enfants à l’évaluation de suivi, des évaluations à plus long terme de ces cohortes seront importantes pour voir si ces résultats persistent lorsque les enfants arrivent à un âge émotionnellement plus difficile vers la fin de la moyenne enfance et pendant l’adolescence, période où les troubles affectifs et comportementaux ont tendance à s’accentuer. Mais en général, il y a peu de preuves, et aucune preuve précise, que les bébés allaités naturellement aient moins de risque de développer des problèmes de comportement ou de santé mentale plus tard dans leur vie.

Mécanismes

Plusieurs mécanismes possibles pourraient expliquer les liens potentiels entre l’allaitement maternel et le développement comportemental de l’enfant. Premièrement, l’allaitement maternel est associé à un risque réduit de maladies infantiles, y compris l’asthme, les otites, la diarrhée, les maladies respiratoires, et les caries dentaires, ainsi qu’à un meilleur fonctionnement du système immunitaire. Il est donc possible qu’en faisant davantage attention à la santé du bébé, les chances d’une interaction mère-nourrisson positive soient plus élevées, favorisant ainsi une relation plus proche. Par ailleurs, pour les mères, l’allaitement naturel peut avoir des bienfaits positifs pour la santé, y compris des effets anti-inflammatoires, un meilleur sommeil, une réduction du stress et potentiellement une meilleure humeur, ce qui serait d’une aide précieuse dans l’implication et l’approche parentale.33 Deuxièmement, il est également possible que les effets positifs sur le développement cognitif de l’enfant jouent un rôle. Troisièmement, la sensibilité maternelle et un lien mère-nourrisson plus fort tôt résultant d’un contact mère-nourrisson plus important lié à l’allaitement maternel pourrait également expliquer, en partie, le comportement neurocomportemental de l’enfant à court terme, et potentiellement à long terme. Quatrièmement, des interactions maternelles de meilleure qualité amélioreraient le développement cérébral à 5, 10 et 24 mois.34 Cinquièmement, de plus en plus d’éléments suggèrent que les effets bénéfiques de l’allaitement maternel exclusif pourraient être atténués par le génome du nourrisson35,36 et le métabolisme des acides gras présents dans le lait maternel.37 Par exemple, Krol et al.36 ont constaté que les nourrissons nourris exclusivement au sein pendant plus longtemps (au-dessus du 50e centile) montraient une sensibilité et un intérêt accrus pour les stimulus visuels joyeux (yeux) que les nourrissons nourris exclusivement au sein pendant mois longtemps (en dessous du 50e percentile). Les auteurs ont supposé que le mécanisme d’action passait par l’effet de l’allaitement maternel sur le système d’ocytocine de la mère et de l’enfant, une neurohormone qui favorise l’attachement social et le lien affectif et qui accroît l’importance des stimuli affectifs.38 Dans une autre étude, les enfants nés de mères présentant des niveaux élevés d’acide gras oméga-3 et d’acide docosahexaénoïque en début de grossesse auraient moins de risque de développer des troubles affectifs, comportementaux et avec leurs pairs à l’âge de 5-6 ans, bien que ces résultats n’étaient pas propres à l’allaitement maternel.35 Ces conclusions mettent en évidence un certain nombre de mécanismes potentiels intéressants. Néanmoins, il est manifestement nécessaire d’effectuer davantage de recherches et de les reproduire.

Conclusion

Les données établissent un lien entre l'allaitement et le comportement neurologique positif à court terme. Cependant, la mesure dans laquelle ces différences précoces et relativement subtiles aboutissent en différences à long terme pour ce qui est du fonctionnement psychosocial est moins clair. Les enfants allaités peuvent être plus éveillés, pleurent moins, et sont davantage capables d'avoir des interactions avec leurs parents que les nourrissons nourris aux préparations commerciales pour nourrissons. L'allaitement peut aussi comporter des propriétés de réduction du stress pour les mères et contribuer à augmenter la confiance parentale. Il est nécessaire de réaliser plus de recherches pour clarifier les bienfaits de l’allaitement maternel à long terme. Celles-ci devraient probablement utiliser davantage les données comportementales et non uniquement des mesures de dépistage tirées de questionnaires. Les mécanismes par lesquels ces associations se produisent n'ont pas été empiriquement établis. Cependant, la sensibilité maternelle et l'attachement favorisé par l'allaitement est un mécanisme possible qui est fréquemment cité. Une autre explication pourrait être que les associations entre l'allaitement et de meilleures relations mère-enfant peuvent, au moins en partie, refléter des améliorations du fonctionnement cognitif et/ou de la santé physique associé à l'allaitement.

Implications pour les politiques et les services

  1. De nombreuses raisons justifient la valeur de l’allaitement maternel. Celles-ci découlent des études sur les avantages nutritionnels et cognitifs associés à l’allaitement maternel, ainsi que sur ses bienfaits psychosociaux. Ces conclusions sont de plus en plus intégrées aux stratégies visant à promouvoir l’allaitement maternel.  
  2. Bien que certaines recherches établisse une relation entre l’allaitement maternel et un meilleur fonctionnement psychosocial, des chercheurs ont montré qu'un grand nombre de facteurs parentaux et familiaux permettraient également de prévoir une inadaptation psychosociale chez l'enfant. Ces facteurs sont les mères adolescentes, la faible diplomation maternelle, la pauvreté, le comportement parental antisocial et d'autres problèmes de santé mentale, le stress prénatal et la santé de la mère, la violence familiale, la violence envers les enfants et les difficultés au niveau des pratiques parentales. En conséquence, les stratégies d'interventions familiales et communautaires élargies, qui encouragent l’allaitement maternel entre autres, sont susceptibles de constituer les approches les plus efficaces pour réduire les taux de problèmes de comportement et de santé mentale chez les enfants et les jeunes.

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Pour citer cet article :

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