Relation entre les programmes préscolaires et la diplomation : Commentaires sur Hauser-Cram, McDonald Connor et Morrison, et Ou et Reynolds


Frank Porter Graham Child Development Institute, University of North Carolina, Chapel Hill, États-Unis
, 2e éd.

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Introduction

Tous les spécialistes sans exception qui ont examiné les preuves selon lesquelles les programmes précoces destinés aux jeunes enfants peuvent avoir un impact positif sur la diplomation s’entendent sur le fait que ces programmes améliorent la probabilité de diplomation des enfants qui grandissent dans la pauvreté. Les articles traitent de la question selon différentes perspectives. Hauser-Crama discute d’un certain nombre de problèmes qui rendent difficiles les réponses définitives à cette question. Ensuite, elle résume les conclusions des autres chercheurs qui se sont penchés sur la question et enfin, elle décrit les trois programmes préscolaires qui ont démontré des effets positifs et durables sur le niveau de scolarité des enfants de milieux défavorisés. Connorb et Morrison détaillent davantage les facteurs contextuels associés au niveau de scolarité. Ils traitent des preuves favorables et défavorables à cibler l’enfant ou le parent comme objectif premier d’un programme préscolaire, et montrent que l’objectif exact que devrait poursuivre un programme d’éducation précoce n’a pas toujours été précisé, c’est à dire les habiletés langagières de l’enfant, les habiletés de pré alphabétisation, les pratiques parentales ou les comportements des enseignants. Ou et Reynolds ont définit précisément ce qu’ils entendent par « programme préscolaire » et résument les preuves qui ressortent des huit études qui correspondent à leur définition (les enfants étaient « sous traitement » entre les âges de trois et quatre ans, et les données permettant d’examiner la réussite scolaire à long terme étaient existantes). Ces spécialistes ont inclus un résumé utile décrivant les résultats des études qui correspondaient à leurs critères.

Recherches et conclusions

À l’évidence, les études expérimentales les mieux contrôlées comme les programmes Perry Preschool et Abecedarian détiennent les preuves les plus solides des avantages des programmes préscolaires. Bien que ces deux études aient eu recours à des échantillons relativement petits, la taille des échantillons est en partie compensée par un bon devis expérimental et par un faible taux d’attrition. Une étude de plus grande envergure, le Chicago Child-Parent Center, a donné des résultats comparables pour les avantages à long terme des programmes préscolaires. Pour ce qui est de Head Start, le programme préscolaire le plus largement offert, les preuves de son efficacité à long terme sont encore mitigées.

Les auteurs ont des opinions différentes sur les modèles de services des programmes préscolaires à préconiser pour influencer la diplomation, mais les preuves solides de la supériorité d’un modèle de prestation de service par rapport à un autre font défaut. Connor et Morrison concluent que les meilleures pratiques combinent une forme de traitement familial avec des services directs aux enfants. Cependant, si la diplomation est le critère étudié, les résultats à long terme de l’étude Abecedarian ne soutiennent pas l’idée qu’il est crucial de se centrer sur la famille. Les preuves démontrent que le programme préscolaire centré sur l’enfant avait davantage d’effet sur le niveau de scolarisation à l’âge adulte que les programmes axés sur la famille dispensés pendant les premières années du primaire.

Ceci ne revient pas à soutenir que les programmes préscolaires axés sur les enfants peuvent infirmer les effets de l’environnement familial précoce. Les analyses du programme Abecedarian suggèrent que les programmes éducatifs préscolaires basés dans des centres fonctionnent jusqu’à un certain point indépendamment de l’environnement familial pour ce qui est de l’influence sur le développement de l’enfant. Les deux y contribuent, et plus la qualité de l’environnement précoce est élevée, plus l’enfant est susceptible de réussir à l’école. Cependant, il n’a pas été prouvé que l’ajout d’une composante axée sur les parents à une expérience préscolaire axée sur l’enfant et basée dans un centre apporte des résultats positifs supérieurs sur le plan cognitif et scolaire à ceux apportés par le programme centré uniquement sur l’enfant.

Carolina Approach to Responsive Education (projet CARE) est l’étude aléatoire qui traitait de l’importance d’ajouter une composante parentale à une expérience d’éducation basée dans un centre pendant la petite enfance. Dans cette étude, un groupe d’enfants recevait un traitement dans un centre, traitement auquel on avait ajouté une composante parentale et un second groupe d’enfants recevait uniquement la composante parentale. Les enfants recevant les deux modèles de services ont été comparés aux sujets contrôles non traités. Les enfants qui recevaient de l’éducation basée dans un centre plus des visites à domicile avaient de meilleurs résultats que ceux du groupe contrôle pendant la petite enfance, ce qui n’était pas le cas de ceux qui avaient uniquement reçu des visites à domicile.1,2

Les données du Perry Preschool Project ont été utilisées pour vérifier si les avantages à long terme semblaient provenir de l’amélioration du développement cognitif des participants ou d’effets positifs sur la famille. Les résultats indiquaient que l’amélioration cognitive directe était le mécanisme le plus probable. L’étude Abecedarian a testé les médiateurs des effets de programmes d’éducation précoce sur les résultats scolaires à long terme (jusqu’à l’âge de 21 ans) et a trouvé que les effets du programme d’éducation précoce sur les performances en lecture et en mathématiques, semblaient découler des effets du programme sur le développement cognitif de l’enfant.3 De la même façon, les données de l’étude Abecedarian ont démontré des effets principaux pour le QI maternel et l’environnement familial sur le niveau de scolarisation des enfants, mais lorsque les modèles sont vérifiés pour les interactions, on peut démontrer que le QI maternel influence le nombre d’années de scolarité par ses effets sur la qualité de l’environnement familial pendant la petite enfance.

Ou et Reynolds ont suggéré trois modèles qui pourraient expliquer les avantages de programmes d’éducation précoce sur la diplomation : 1) amélioration des capacités cognitives de l’enfant conduisant à de meilleurs progrès scolaires au cours des années; 2) changements positifs pour la famille qui influencent le degré d’adaptation de l’enfant à l’école, et enfin, 3) soutien aux écoles pour que les enfants soient plus souvent présents et subissent moins de mobilité inter-écoles. En conséquence, ils vivent davantage de continuité au cours des années et ils apprennent donc plus efficacement.

Connor et Morrison contribuent par des commentaires uniques sur les composantes de l’éducation précoce qui conduisent à la réussite de l’apprentissage de la lecture. Ils font aussi une excellente remarque sur la nécessité de traiter chaque jeune enfant comme un individu et de personnaliser l’éducation précoce afin de l’adapter au stade de développement de l’enfant et à son style d’apprentissage.

Implications pour le développement et pour les politiques sociales

Les analyses coûts-bénéfices indiquent que les programmes destinés aux jeunes enfants permettent à la société d’épargner jusqu’à 7 $ pour chaque dollar dépensé pendant la petite enfance grâce à la diminution des redoublements et des recours aux services spécialisés, au potentiel de gains plus élevés et à cause des diminutions des coûts sociaux de la criminalité. Lorsque les programmes offerts durant la petite enfance ne semblaient pas associés à une réduction de crimes, les avantages en terme de coûts n’étaient pas aussi convaincants.4

Ces articles soutiennent unanimement les programmes destinés aux jeunes enfants, bien  que jusqu’à un certain point les études diffèrent dans leurs objectifs précis et sur la meilleure façon de combiner les différents modèles de services c’est à dire, ceux centrés sur l’enfant, ceux basés dans des centres, ceux destinés aux parents et à ceux basés à l’école afin d’influencer la diplomation. Cependant, leurs implications sont similaires. Les jeunes enfants à risque, particulièrement ceux qui grandissent dans la pauvreté, peuvent tirer de grands bénéfices de programmes  préscolaires de hautes qualités. À l’inverse, il est plus probable que les enfants de milieux défavorisés auront des programmes préscolaires de faible qualité, voire aucun programme. Les programmes de grande qualité destinés aux jeunes enfants sont ceux qui sont centrés sur l’enfant en tant qu’individu et qui personnalisent son éducation selon les besoins de l’enfant afin de le préparer à des réussites ultérieures. L’argent dépensé pendant la petite enfance est rentable pour la société. Les décideurs politiques doivent continuer à insister sur l’importance de la prime enfance et rendre les ressources disponibles afin de s’assurer que les enfants de milieux défavorisés ont accès à des services et qu’ils puissent recevoir une éducation préscolaire conçue pour mieux les préparer à la réussite scolaire et à la diplomation.

Références

  1. Wasik BH, Ramey CT, Bryant DM, Sparling J. A longitudinal study of two early intervention strategies: Project CARE. Child Development 1990;61(6):1682-1696.
  2. Burchinal MR, Campbell FA, Bryant DM, Wasik BM, Ramey CT. Early intervention and mediating processes in cognitive performance of children of low-income African American families. Child Development 1997;68(5):935-954. 
  3. Campbell FA,Pungello EP, Miller-Johnson S, Burchinal M, Ramey CT. The development of cognitive and academic abilities: growth curves from an early childhood educational experiment.  Developmental Psychology 2001;37(2):231-242.
  4. Masse L. A benefit-cost analysis of the Carolina Abecedarian Preschool program.  Communication présentée à: Campbell F, Chair. What’s a good early childhood education worth and why?. Symposium présenté au: Biennial Meeting of the Society for Research in Child Development; April 26, 2003; Tampa, Fla.

Notes :

a Commentaires sur l’article original publié par Penny Hauser-Cram en 2004. Pour consulter cet article, contactez-nous à cedje-ceecd@umontreal.ca.

b Commentaires sur l’article original publié par Carol McDonald Connor & Frederick J. Morrison en 2004. Pour consulter cet article, contactez-nous à cedje-ceecd@umontreal.ca.

Pour citer cet article :

Campbell FA. Relation entre les programmes préscolaires et la diplomation : Commentaires sur Hauser-Cram, McDonald Connor et Morrison, et Ou et Reynolds. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Vitaro F, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. https://www.enfant-encyclopedie.com/reussite-scolaire/selon-experts/relation-entre-les-programmes-prescolaires-et-la-diplomation. Actualisé : Mai 2014. Consulté le 19 avril 2024.

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